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Le Parlement allemand a voté vendredi sa loi climat, un engagement majeur de la coalition d'Angela Merkel pour accélérer la réduction des émissions polluantes, en s'attaquant aussi bien aux transports qu'au logement et à l'agriculture.
Négocié pendant des mois, critiqué par les défenseurs de l'environnement comme par les lobbies industriels, ce texte a été adopté en fin de matinée par le Bundesrat, la chambre haute du Parlement, après un ultime compromis avec les députés du Bundestag. "Nous avons atteint un consensus national sur le climat, qui va nous donner une impulsion nouvelle pour atteindre nos objectifs climatiques", s'est réjoui le ministre de l'Économie Peter Altmaier, un proche d'Angela Merkel, dans un communiqué.
Concrètement, il s'agit de diminuer de 55% les émissions de gaz à effet de serre de l'Allemagne d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990, un chantier colossal pour un pays assuré depuis des années de manquer ses objectifs pour 2020.
La première économie européenne, malgré son image "verte" à l'étranger, pâtit notamment de son recours aux centrales à charbon, mais aussi de son appétit pour les grosses berlines encouragé par sa puissante industrie automobile.
54 milliards d'euros
La loi doit entrer en vigueur début janvier et se traduira par une baisse immédiate des taxes sur les billets de train longue distance, ainsi que par une incitation fiscale à l'isolation des bâtiments et diverses subventions pour les véhicules électriques.
D'autres mesures s'y ajouteront dans les prochaines années et, au total, le gouvernement promet de dépenser 54 milliards d'euros d'ici à 2023, tout en accélérant ses investissements d'ici à 2030 pour la rénovation du réseau ferré.
Principale ambition de l'attelage gouvernemental formé dans la douleur par les conservateurs et les sociaux-démocrates début 2018, ce projet de loi a été présenté fin septembre, puis de nouveau modifié à l'occasion des navettes parlementaires.
Le principal changement arraché par le Bundesrat, qui représente les États régionaux, concerne l'introduction en 2021 d'un prix national de la tonne de carbone : ces quotas de CO2 s'échangeront finalement à 25 euros au minimum, contre un prix initial de 10 euros. "C'est trop peu, trop lent, trop tardif", ont déploré dans un communiqué les chercheurs de "Scientists for Future", estimant notamment que le prix du CO2 demeure "trop faible" pour inciter ménages et industriels à modifier leurs comportements.
Cette question est depuis le départ la plus débattue : la plupart des experts prônaient une "taxe carbone" mais les partis y ont renoncé, redoutant l'impopularité d'un tel impôt et l'émergence possible de "Gilets jaunes" à l'allemande.
Adieu au charbon
À la place, ils créent un système destiné à compléter le marché européen du carbone, qui ne concerne que l'industrie lourde et l'énergie. À partir de 2021, ce quota allemand devrait augmenter les prix du carburant de sept à huit centimes par litre. En contrepartie, les recettes tirées de ces hausses de prix doivent financer une baisse de la taxe de soutien aux énergies renouvelables payée par les contribuables allemands - un point sensible dans un pays où l'électricité est chère.
"C'est un pas important dans la bonne direction", mais "beaucoup de questions ne sont pas réglées", a souligné Winfried Kretschmann, l'un des leaders des Verts, ministre-président de la région du Bade-Wurtemberg.
Le point le plus délicat va être d'abandonner le charbon, comme s'y est engagé le gouvernement, à l'horizon 2038, alors que cette énergie bon marché représente encore plus du tiers de sa consommation d'électricité. Or l'Allemagne doit aussi achever d'ici à 2022 la sortie du nucléaire.
"Rien ne garantit que nos entreprises resteront compétitives, vu les prix de l'électricité", s'alarme ainsi Holger Lösch, de la fédération de l'industrie BDI, évoquant le sort des PME très exportatrices du "Mittelstand", emblématiques du tissu économique allemand.