Aides floues, économies forcées : l'angoisse des PME face à la flambée des prix de l'énergie

  • AFP
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"Je n'ai toujours pas compris si j'étais éligible": les annonces du gouvernement pour aider les PME face à l'explosion de leur facture d'énergie n'ont pas calmé les angoisses des petits patrons, qui arrivent à court d'idées pour faire des économies.

Trois chefs d'entreprises, employant entre un et soixante salariés, étaient réunis mardi à Paris par l'Association des journalistes PME pour discuter de la transition énergétique. Une question presque de vie ou de mort dans le contexte de flambée des prix.

"Je paye entre 6 000 et 8 000 euros par mois, gaz, électricité, oxygène. Pour le gaz, ça a presque doublé du jour en lendemain", expose Stéphane Rivoal, maître verrier en Ile-de-France. Sa comptable peine à le conseiller tant les aides "ont changé depuis l'été".

La puissance de ses installations électriques fait qu'il n'est pas éligible au tarif réglementé (TRV) et donc au bouclier tarifaire, bien qu'il ait moins de dix salariés.

Comme toutes les PME et les TPE n'ayant pas accès au TRV, il sera éligible en 2023 à l'"amortisseur électricité" - une prise en charge partielle mais automatique de la facture par l'Etat - mais ce n'est pas son plus gros poste de dépense.

Pour accéder aux aides sur le gaz, il faut que la facture ait doublé par rapport à 2021. "Je ne suis pas exactement au double", regrette l'artisan, qui a donc choisi de réduire son activité.

Le maître chocolatier Christophe Bertrand s'est lui rendu compte de l'explosion au moment d'un "rattrapage" sur ses factures : 9 000 euros en août, 6 000 en septembre.

À la fois livreur, chargeur, comptable et patron des chocolats Reine Astrid, il regrette de ne pas être "assez équipé" pour comprendre les aides: "je rêverais que quelqu'un me prenne par la main en me disant viens, on va regarder avec toi comment tu peux négocier tes contrats".

Pierre-Olivier Viac, chargé des questions de transition énergétique à la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) francilienne, confirme implicitement ce flou: 80% des demandes qu'il reçoit actuellement concernent la hausse des coûts.

"On oriente vers le bon guichet" et "on étudie" les contrats de renouvellement avec les entreprises, dit-il, sans vraiment rassurer ses interlocuteurs.

« La boîte coule »

Pour le secrétaire général de l'Agence de la Transition écologique (Ademe), Noam Leandri, la hausse des prix est un "signal qui encourage à baisser la consommation".

Des programmes existent pour aider les entreprises et cette réduction "permet de gagner de l'argent", argue-t-il, citant l'exemple d'une entreprise de travaux publics ayant mis fin au "quart d'heure de chauffe" inutile de ses engins.

"Nous, ça fait quinze ans qu'on y a mis fin tellement nos marges sont courtes", lui répond Franck Augustin, PDG des Transports Routiers d'Alsace. Début 2022, la hausse des carburants a fait perdre 250 000 euros en un mois à l'entreprise familiale. Il a dû augmenter ses tarifs.

En cas de coupures d'électricité cet hiver, cela voudra dire de nouvelles pertes: "c'est comme couper l'électricité d'une tour de contrôle d'un aéroport, les camions seront quasiment à l'arrêt".

Il voudrait "rouler sobre" mais les technologies ne sont pas là ou trop chères et les ressources humaines internes dédiées à la transition manquent: "On a déjà du mal à recruter, alors trouver la bonne personne et la faire venir au fin fond de mon petit patelin d'Alsace..."

Christophe Bertrand a lui motivé son adjointe avec une prime pour identifier les pistes de réduction: extinction des frigos vides, arrivée d'un employé avant les autres pour allumer les enrobeuses qui chauffent la nuit, réduction de la température des congélateurs...

Mais si la hausse des prix se poursuit, il envisage de se séparer de son activité pâtisserie. "Si on me coupe le gaz... je ne travaille plus, la boîte coule. Mon salarié aura le chômage et moi, je changerai de métier", renchérit le verrier Stéphane Rivoal, fataliste mais pas pessimiste: "ça va obliger tout un chacun à se repositionner dans sa manière de consommer, de fonctionner, de travailler et ça c'est positif".

Commentaires

Christian Méda…
Je conseille des entreprises moyennes depuis 30 ans dans le domaine du gaz et de l'électricité et ma fille est pâtissière dans une structure de moins de 10 salariés. Je suis bien placé pour dire que cet article est excellent et suis très inquiet pour les petites entreprises. Nous aurions pu construire une structure pour accueillir leurs besoins et limiter les hausses de prix comme nous l'avons fait avec succès pour des entreprises moyennes. Les grandes savent comment faire. Mais le sujet est tellement complexe qu'il faut expliquer, justifier, prendre le temps d'établir la relation de confiance, impossible sur de si petits budgets : nous n'allons pas ajouter un surcoût de 5%, même si nous réduisons les coûts de 50%. Cette méfiance des petites entreprises est justifiée après les dégâts irréversibles causés par ces "conseils" qui proposent de "partager les économies", NUS, GFE et autres brigands de moindre envergure. Or, plus le prix monte, plus cela devient compliqué avec des rustines gouvernementales, des exigences dithyrambiques des Enedis ou GRdF (sans compter les régies), les craintes maintenant justifiées des fournisseurs/RE et la difficulté croissante d'accès aux données élémentaires du "marché". Par exemple, la suppression de l'accès à l'historique des cours du spot, gaz ET électricité. Il faut mettre en place des accès quotidiens pour conserver une vue d'ensemble. Les professionnels de l'énergie le savent bien, c'est dans l'obscurité que l'on réalise les meilleurs profits. Bref, je suis très inquiet pour les petites entreprises. Les pâtissières vont devoir réinventer des recettes délicieuses à faible consommation d'énergie. Et de conclure comme cet excellent article qu'il existe bien une élasticité prix, ce qui est une bonne nouvelle pour le monde de "l'encore vivant".
ThB
Toutes les entreprises qui ont été conseillées sans être mis en garde que l'énergie ne pourrait pas continuer à être aussi bon marché que ces dernières années n'ont que leurs yeux pour pleurer. Malheureusement cela ne va pas s'améliorer. Cela fait bien longtemps qu'un certain nombre de spécialistes ainsi qu'un parti politique proposent des solutions pas forcément populaires car elles nécessiteront un minimum d'effort, comme rouler à 110 km/h sur les autoroutes et bien d'autres qui n'enlèvent rien au bonheur de tout un chacun, malheureusement elle font couler beaucoup d'encre en attendant de faire couler beaucoup de larmes. Les entreprises n'ont d'autre solution pour survivre que d'augmenter leurs prix. Malheureusement, ce faisant, elle craignent une baisse de consommation qui pourrait aussi les mettre en péril. Alors que le réchauffement impose une baisse importante de la consommation, elle se fera soit en l'acceptant afin de l'organiser, soit par des conflits qui engendreront une baisse massive de la population.
Houyo
Et oui, le changement de nos modes de vie est inéluctable. Notre seule alternative : s'adapter de façon volontaire ou subir. Plus le temps passe, plus l'horizon des possibles se rétrécie. Tic Tac Tic Tac Tic Tac...
Houyo
Pour ceux qui ont les mains dans le cambouis, je vous recommande les liens suivants, ça pourrait vous aider : - Checklist énergie, du médiateur de l'énergie détaillant les 10 questions clés à se poser sur son contrat et sa facture d’énergie https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/mediateur-des-entreprises/checklist_e%CC%81nergie%20.pdf?v=1668078738 - Référence prix de la CRE, mise à jour tous les mardi : https://www.cre.fr/L-energie-et-vous/references-de-prix-de-l-electricite-pour-les-pme-et-les-collectivites-territoriales - le site du médiateur de l'énergie (plutôt pour les particuliers) : https://www.energie-mediateur.fr/

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