Les surfaces de bâtiments pourraient augmenter au niveau mondial de 60% d'ici à 2040 sans hausse de la consommation d'énergie associée selon le scénario « Efficient World » de l'AIE. (©Pixabay)
Dans un rapport publié le 19 octobre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne à nouveau le « potentiel énorme » de l’efficacité énergétique et l’urgence d’augmenter les investissements mondiaux dédiés. Faute de quoi, les objectifs de l’Accord de Paris sembleraient plus que jamais hors d’atteinte.
Une baisse de l’intensité énergétique encore insuffisante
La consommation mondiale d’énergie primaire a augmenté de près de 2% en 2017 et les émissions de CO2 liées à l’énergie sont reparties à la hausse. Cette tendance devrait se confirmer en 2018 au vu des 9 premiers mois de l’année, a indiqué le directeur de l’AIE Fatih Birol le 17 octobre lors d’un débat organisé à l’ambassade de Pologne (pays hôte de la prochaine COP24).
Cette « très mauvaise nouvelle » dans le contexte de la lutte contre le réchauffement climatique confirme l’urgence de déployer de nouvelles mesures d’efficacité énergétique (normes obligatoires, instruments de marché et incitations), insiste l’AIE. L’intensité énergétique, c’est-à-dire la consommation d’énergie par point de PIB, a diminué de « seulement » 1,7% en 2017, ce qui correspond à la plus faible baisse de la décennie.
En l’absence de mesures d’efficacité énergétique depuis 2000, la consommation mondiale d’énergie finale aurait été 12% plus élevée en 2017 (soit l’équivalent de la consommation énergétique de l’Union européenne) selon les estimations de l’AIE. L’Agence juge toutefois encore très insuffisants les efforts actuels pour enrayer la croissance rapide de la demande énergétique, provenant en particulier des grandes économies émergentes.
Au niveau mondial, la consommation d’énergie finale a augmenté de près de 32% entre 2000 et 2017. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
236 milliards de dollars d’investissements en 2017
En 2017, les investissements liés à l’efficacité énergétique ont atteint 236 milliards de dollars au niveau mondial, un montant en hausse de 3% par rapport à 2016. Ils ont augmenté en Europe où sont concentrés les plus gros investissements dédiés à la réduction des consommations d’énergie mais ont légèrement diminué en Chine et aux États-Unis. Près de 59% de ces investissements concernent des actions dans les bâtiments (amélioration de l’isolation, des performances des appareils électroménagers, de l’éclairage, etc.).
L’AIE souligne toutefois que « la mise en œuvre des politiques d'efficacité énergétique a ralenti, mettant en péril les gains récents en efficacité énergétique ». Selon l'AIE, seule près de 34% de la consommation mondiale d’énergie est actuellement couverte par des réglementations en matière d’efficacité énergétique. L’Agence juge entre autres « vital » de développer de nouveaux mécanismes de financement des mesures d’efficacité énergétique (par exemple en soutenant les « obligations vertes »).
Près de 59% des investissements mondiaux en matière d’efficacité énergétique ont été effectués dans les bâtiments en 2017. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)
Le scénario d’un monde « efficace »
Dans un scénario dit « Efficient World », l’AIE considère que la hausse de la consommation mondiale d’énergie pourrait être limitée d’ici à 2040 (+ 7% par rapport à 2017), malgré une hausse de 20% de la population globale et un doublement du PIB mondial durant cette période.
Ce scénario implique toutefois de mettre en œuvre toutes les mesures d’efficacité possibles et rentables, sur la base des technologies actuelles. Cela impliquerait de « doubler les investissements moyens annuels d’ici à 2025, puis de les doubler encore après cette date » jusqu’en 2040. Ces investissements seraient « remboursés avec un facteur 3 » sur la seule base des économies d’énergie selon l’AIE.
Ces gains d’efficacité énergétique permettraient en particulier de réduire la hausse de la demande d’énergie dans les grandes économies émergentes, l’AIE citant l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Indonésie et le Mexique. Dans le scénario « Efficient World », le PIB de ces 6 grands pays pourrait plus que doubler d’ici à 2040 tandis que la croissance de leur consommation d’énergie primaire serait limitée à 24%.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie pourraient, dans le cas du scénario « Efficient World », atteindre un pic avant 2020 et chuter ensuite de 12% en 2040 par rapport au niveau actuel selon l’AIE. Dans ces conditions, l’efficacité énergétique pourrait fournir « plus de 40% des efforts requis d’ici 2040 » pour s’aligner avec les objectifs de l’accord de Paris qui deviendraient alors « beaucoup plus réalisables » selon les termes de l’AIE.
Le scénario « Efficient World » de l'AIE présente une trajectoire de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre. (©Connaissance des Énergies, d’après AIE)