Président d'Équilibre des Énergies
Ancien ministre de l'Environnement et ancien ambassadeur chargé des négociations internationales sur le climat pour la France
La COP25 s’est achevée à Madrid sans grand résultat, désolant la foule inquiète qui emplissait les couloirs. C’est chaque fois le même malentendu : les négociateurs suivent un ordre du jour limité à quelques articles d’un texte dont ils ne peuvent s’extraire, tandis que les associations, les militants, la presse, l’opinion attendent que, dans un grand élan, ils sauvent le monde du changement climatique. L’item « sauver le monde » ne figure pas dans les instructions données aux négociateurs. Ils n’ont que les bouts de texte sur lesquels ils travaillent jour et nuit, exténués, enfermés dans leurs salles de réunion. Ils ne voient même pas autour d’eux le tumulte des experts, des célébrités, des porteurs de mille causes qui leur volent la vedette en déplorant l’enlisement.
Prisonniers d’un interminable écheveau multilatéral, les négociateurs sont les représentants de 195 pays qui songent d’abord à défendre leurs intérêts nationaux avant ceux de l’humanité. Il faut en prendre son parti : les Nations unies sont un syndicat d’États souverains, servi par un secrétariat, non coiffé d’une présidence. À la différence de l’Union européenne, aucune Commission ne propose une direction aux États membres. La feuille de route naît du chaos des États. Mais c’est la seule enceinte pour traiter des affaires de la planète. Aussi a-t-il fallu très longtemps, plus de vingt ans, une exceptionnelle conjonction géopolitique entre la Chine et les États-Unis et la présidence vigoureuse du Quai d’Orsay, pour aboutir à un accord volontaire qui doit être mis en œuvre à partir de l’an prochain, et qui est déjà dénoncé.
Le sauvetage du monde est évidemment une affaire de chefs d’État, les seuls capables d’élever le regard au-delà des frontières nationales. Mais seulement une petite moitié d’entre eux est venue au récent sommet de Guterres(1), les autres prétextant que les COP suffisent à la tâche. Comprennent-ils seulement ce qui s’y passe ? Les débats sont si alambiqués que les négociateurs eux-mêmes ont besoin des comptes rendus d’observateurs extérieurs pour s’y retrouver. Les ministres, qui traditionnellement arrivent les derniers jours d’une négociation pour trancher les points en suspens, ne viennent plus que quelques heures se faire photographier, laissant les COP aller à la dérive, stagner, voire retourner en arrière comme la toile de Pénélope.
C’est ce qui s’est passé à Madrid, les divisions de feu le protocole de Kyoto venant troubler la cohésion trouvée avec l’accord de Paris, et les négociateurs incapables de s’accorder sur les quelques points de l’ordre du jour, dont le désormais fameux article 6 portant sur la coopération. En effet une disposition essentielle puisqu’elle permettrait de réduire plus d’émissions à meilleur compte. Au stade actuel, les signataires de l’accord ont l’obligation de faire connaître un programme national de lutte contre le changement climatique qu’ils renforceront tous les 5 ans. Le monde est donc découpé en 195 tranches entre lesquelles il serait efficace de créer des ponts et de mener des programmes en commun. L’article 6 prévoit entre autres la possibilité d’instituer un commerce d’unités de réductions d’émissions : un pays A serait autorisé à acheter une réduction opérée dans un pays B et à s’en prévaloir. Mais à Madrid, le pays B voulait aussi bénéficier de la même réduction, qui aurait alors été comptée deux fois…
La COP26 sera celle de la mise en œuvre de l’accord de Paris et du premier renforcement des engagements de 2015. Elle aura lieu à Glasgow, ville d’Écosse, bousculée par le Brexit. Souhaitons qu’elle soit précédée d’un sommet de chefs d’État, comme le fut la COP21, afin que les négociateurs soient encadrés par de solides instructions. Les désordres climatiques grandissent et les volontés politiques vacillent. Espérons qu’après les jeunes, les électeurs placent le climat au centre de leurs choix.
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