Les propositions des différents candidats diffèrent fortement sur la part du nucléaire dans la future production d'électricité française. (©Connaissance des Énergies, d'après EDF-Nicolas Gouhier)
L’Institut Montaigne a chiffré en début de semaine le coût de la sortie du nucléaire souhaitée par Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Rappel des positions des cinq principaux candidats à l’élection présidentielle française sur le nucléaire civil en France.
Quelques rappels sur le parc nucléaire français
En 2016, le parc nucléaire français, constitué de 58 réacteurs répartis entre 19 centrales, a produit 384 TWh, soit 72,3% de la production électrique française cette année-là. Cette production nucléaire était en légère baisse par rapport à 2015 en raison des arrêts de plusieurs centrales pour des opérations de maintenance ou des contrôles réalisés à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en fin d'année dernière. Au 17 mars 2017, 13 réacteurs nucléaires sont encore indisponibles selon les données de RTE(1).
La loi de transition énergétique pour la croissance verte adoptée à l’été 2015 fixe pour objectif de ramener à 50% la part du nucléaire dans la production électrique française en 2025. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) finalisée en octobre 2016 ne tranche pas le nombre de réacteurs qu’il pourrait être nécessaire de fermer pour atteindre cet objectif. L’exploitant EDF a été chargé d’établir dans un délai maximal de six mois un « plan stratégique compatible avec les orientations » de cette PPE.
La loi de transition énergétique plafonne par ailleurs la capacité du parc nucléaire à sa puissance actuelle, soit 63,2 GW. Cela implique que la mise en service de l’EPR de Flamanville devrait s’accompagner de la fermeture de la centrale de Fessenheim (courant 2019 selon le calendrier actuel). Fin janvier 2017, le conseil d’administration d’EDF a voté un accord d’indemnisation du groupe par l’État français pour la fermeture anticipée de la centrale de Fessenheim, avoisinant 450 millions d’euros.
Le chiffrage de la sortie du nucléaire débattu
En 2017, l’âge moyen des réacteurs en service du parc nucléaire français est de 33 ans. La réglementation française n’impose aucune limite à la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires mais la conditionne aux autorisations de l’ASN qui réalise des visites « décennales » avant de donner son accord à toute prolongation d’exploitation.
EDF a lancé en 2011 un grand programme pluriannuel d’investissements de maintenance, dit « grand carénage », visant à renforcer la sûreté de ses centrales et à permettre de prolonger leur durée de vie au-delà de 40 ans d’exploitation. Le montant de ce programme a été évalué par le groupe à environ 55 milliards d’euros(2) sur la période 2014-2025. En février 2016, la Cour des Comptes a évalué à 100 milliards d’euros les dépenses d’investissement (près des trois quarts des 100 milliards) et d’exploitation (quart restant) afférentes au parc nucléaire français durant la période 2014/2030(3).
Selon le rapport de l’Institut Montaigne publié lundi dernier(4), une sortie progressive du nucléaire, telle que souhaitée par Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, pourrait au total coûter 217 milliards d’euros d'ici à 2035 (dont 10,1 milliards d’euros par an lors du prochain quinquennat). Le think tank libéral intègre notamment dans ce montant 179 milliards d’investissements dans les nouvelles unités de production remplaçant les centrales nucléaires et 25 milliards d’euros d’indemnisation pour l’exploitant du parc nucléaire EDF.
De nombreuses incertitudes persistent toutefois sur ce chiffrage et les candidats socialiste et de la France Insoumise pointent pour leur part les coûts de production du nucléaire en hausse mais aussi les coûts du démantèlement des centrales à terme et de la construction éventuelle de nouvelles centrales de type EPR.
Élection présidentielle : les positions des candidats relatives au parc nucléaire français
François Fillon (Les Républicains) souhaite « moderniser le parc nucléaire existant pour en prolonger l’exploitation, sous réserve de l’accord au cas par cas de l’ASN et au regard de la rentabilité économique des investissements ». En novembre 2016, il avait plus explicitement appelé à la prolongation de l’exploitation des centrales nucléaires existantes de 40 à 60 ans (avec l’accord de l’ASN) en plaidant pour « le maintien du niveau de production d'électricité nucléaire ». Ayant qualifié la décision de porter à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025 de « choix dogmatique, intenable et contraire à l’intérêt général », François Fillon souhaite qu’une nouvelle loi de transition énergétique soit adoptée avec de nouveaux objectifs pour le futur mix électrique français(5). Il est opposé à la fermeture de Fessenheim(6).
Benoît Hamon (Parti socialiste) envisage une sortie du nucléaire « en une génération », dans les 25 prochaines années. Cet horizon de temps rapproché a été fixé après l’accord passé avec l’écologiste Yannick Jadot(7). Lors de la présentation de son projet le 16 mars 2017, il a réaffirmé l’importance de cet objectif dans son programme et assuré que les emplois de la filière nucléaire seraient préservés par une transition vers d’autres métiers ou à des fins de démantèlement du parc nucléaire existant.
Marine Le Pen (Front national) souhaite pour sa part « maintenir, moderniser et sécuriser la filière nucléaire française ». Elle se dit attachée à l’indépendance énergétique de la France à laquelle contribue le nucléaire(9). Dénonçant la « ruine » d’EDF, elle est opposée à toute cession de parts que l’État détient dans le groupe et envisage de renationaliser l’entreprise. Marine Le Pen est également opposée à la fermeture de la centrale de Fessenheim.
Emmanuel Macron (En Marche) s’engage à maintenir l'objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique français à l'horizon 2025 pour « réduire la dépendance » à cette source d’énergie(9). Il réserve « ses décisions stratégiques » sur la prolongation des centrales au-delà de 40 ans, « une fois que l’ASN aura rendu ses conclusions, attendues pour 2018 ». Emmanuel Macron annonce que la fermeture de la centrale de Fessenheim sera confirmée et interviendra bien au moment de la mise en service de l'EPR de Flamanville.
Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) appelle à « sortir méthodiquement du nucléaire » dont il estime l’exploitation « trop dangereuse ». Il souhaite donc que la durée de vie des centrales nucléaires ne soit pas prolongée au-delà de 40 ans et fixe un objectif de 100% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique français à l’horizon 2050. Il appelle à une fermeture immédiate de la centrale de Fessenheim « en garantissant l’emploi des salariés et leur formation pour en faire un site pilote du démantèlement »(10). Jean-Luc Mélenchon souhaite par ailleurs que les projets d’EPR soient abandonnés (Flamanville et Hinkley Point), tout comme le projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure.