Fûts de stockage déchets nucléaires

Fûts de déchets avant leur départ pour le centre de stockage en surface de l'Andra à Soulaisnes (©EDF-Patrick Landmann)

Définition

L’utilisation des propriétés de la radioactivité dans de nombreux secteurs est à l’origine de la production de déchets radioactifs. On qualifie de « déchets radioactifs » les matières radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n'est envisagée(1).

Origines

Les déchets radioactifs proviennent principalement de l’industrie électronucléaire (à environ 59% en volume) mais sont également produits dans le cadre d’autres activités : recherche (26%), défense (11%), médical (1%), etc. Ces déchets radioactifs nécessitent un traitement particulier qui varie en fonction de leur durée de vie et de leur niveau de radioactivité.

L’industrie électronucléaire produit principalement (en niveau d'activité radioactive) des déchets radioactifs issus du cœur des réacteurs. Dans ceux-ci, la réaction de fission en chaîne use le combustible neuf qui est constitué d’uranium 238 (à 96%) et enrichi en uranium 235 fissile (à près de 4%).

Hors réacteur, l’industrie électronucléaire produit également des déchets radioactifs, en général de faible activité, au cours des différentes étapes d’extraction, d’élaboration, d’exploitation et de traitement de son combustible.

Composition

Usé, le combustible est composé de :

  • 94% d’uranium 238 ;
  • 1% d’uranium 235 ;
  • 1% de plutonium ;
  • près de 4% de produits de fission (brome 90, xénon 143) et 0,2% d’actinides mineurs de numéros atomiques supérieurs à celui de l’uranium (neptunium, américium, curium).

Au sens strict, seuls les produits de fission et les actinides mineurs sont des déchets radioactifs, l’uranium et le plutonium pouvant être réutilisés comme combustibles neufs après récupération par recyclage d’un combustible usé. Plus de 98% de la radioactivité de ce combustible usé est concentrée dans les produits de fission et actinides mineurs.

Notons que le traitement-recyclage d’une partie du combustible usé n’est pas pratiqué dans tous les pays disposant d’un parc nucléaire. Autrement dit, certaines matières valorisables sont considérées comme des déchets radioactifs dans certains pays (par exemple aux États-Unis) mais pas dans d’autres (par exemple en France).

Classification des déchets radioactifs

Bien que l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE fournisse à ses différents États membres une classification type des déchets radioactifs, les segmentations et les traitements de ces derniers varient selon les pays. Aucun accord international n’impose un cadre commun dans ce domaine.

Nous retiendrons dans la suite de cette fiche la classification retenue en France, fournie par l’Andra, agence nationale en charge des solutions de gestion et d’exploitation des centres de stockage de déchets radioactifs ainsi que de la protection de l’environnement et l’homme des impacts de ces déchets sur le long terme.

L’Andra classifie les différents déchets nucléaires en 5 catégories en fonction de leur activité radioactive et de leur durée de vie.

Classification des différents déchets nucléaires (©2013)

Classification des différents déchets nucléaires (©2013)

Pour rappel, le Bq (Becquerel) est l’unité de mesure de la radioactivité d’un corps. Elle caractérise le nombre de désintégrations spontanées de noyaux d’atomes instables qui s’y produit par seconde (1Bq  =  1 désintégration par seconde). L’activité radioactive est ici rapportée à la masse.

L’essentiel des déchets radioactifs produits (en volume) sont des déchets à vie courte qui sont très peu radioactifs. (©2013)

L’essentiel des déchets radioactifs produits (en volume) sont des déchets à vie courte qui sont très peu radioactifs. (©2013)

Traitement des déchets radioactifs en France

La gestion des déchets radioactifs varie selon leur nature.

Déchets de Haute Activité (HA) : 0,2% du volume des déchets radioactifs mais 96% de la radioactivité

Les combustibles utilisés par les centrales électronucléaires produisent l’essentiel des déchets HA. Composés d’un assemblage d’uranium parfois associé à du plutonium, ces combustibles peuvent être traités à 96% : les matières recyclables (uranium et plutonium) sont récupérées pour constituer du MOX (Mixed Oxide fuel). Près de 80% du combustible usé retraité n'est pas réutilisé à l'heure actuelle mais pourrait l'être par des réacteurs de IVe génration. Les matières inutilisables (produits de fission et actinides mineurs) qui constituent les déchets HA sont calcinées. La poudre noire en résultant est conditionnée dans une pâte de verre en fusion qui est elle-même coulée dans un fût en inox.

Chaque fût contient près de 11 kg de déchets HA pour 400 kg de verre et dégage une forte chaleur (près de 350°C à la fabrication) en raison de la forte radioactivité. Pour contenir cette radioactivité et faire baisser la chaleur, les fûts sont entreposés dans des puits ventilés situés au sein d’installations spécifiques à la Hague (usine Areva), à Marcoule et Cadarache (sites du CEA).

A moyen terme, des centres de stockage profond permettront dans différent pays de stocker les déchets HA. Certains de ces centres géologiques seront situés dans des couches d’argile. Plusieurs projets sont actuellement à l’étude parmi lesquels figure Cigéo (Centre Industriel de stockage GÉOlogique)(2) dont l’Andra est en charge en France. Suite aux investigations géologiques, ce projet est actuellement en phase de conception industrielle. Une mise en service de ce centre de stockage est prévue pour 2025.(3)

Déchets de Moyenne Activité à Vie Longue (MA-VL) : 3% du volume mais 4% de la radioactivité

Lors des opérations de traitement du combustible usé, des déchets MA-VL sont également produits. Ils sont principalement issus d’objets métalliques tels que les gaines et coques entourant le combustible dans les réacteurs nucléaires. Une partie des déchets MA-VL provient également de résidus produits lors la fabrication de combustibles nucléaires. 

Une fois traités, les déchets MA-VL, sont en grande partie compactés sous forme de galettes afin de réduire leur volume. Celles-ci sont ensuite insérées dans des colis en béton ou en métal. D’autres méthodes de conditionnement telles que la cimentation, le bitumage et la vitrification peuvent également être utilisées pour les autres déchets MA-VL(4). Ces déchets sont, comme les déchets HA, entreposés sur les sites de production dans des installations dédiées. Étant donné leur niveau de radioactivité et leur durée de vie, ils seront également destinés à être stockés dans un centre de stockage profond.

Déchets de Faible Activité à Vie Longue (FA-VL) : 7% du volume mais 0,01% de la radioactivité

La plupart des déchets FA-VL proviennent de l’utilisation de minerais légèrement radioactifs (déchets « radifères ») à partir desquels sont notamment extraits des terres rares. Ils proviennent également de centrales nucléaires de première génération à graphite (déchets « graphitiques »). Ces dernières étant actuellement arrêtées en ou en cours de démantèlement, le volume des déchets FA-VL sera amené à diminuer. 

Actuellement, ces déchets sont le plus souvent entreposés sur leur lieu de production dans des fûts métalliques. Ils pourraient dans le futur être acheminés dans des centres de stockage de faible profondeur (entre 15 et 200 m).

Déchets de Faible et Moyenne Activité à Vie Courte (FMA-VC) : 63% du volume mais 0,02% de la radioactivité

Les déchets FMA-VC sont essentiellement issus du matériel utilisé sur les installations nucléaires : vêtements, gants, filtres, outils, etc.

Ils sont confinés dans des colis en métal ou béton au sein du centre de stockage FMA dans l’Aube. Un colis est typiquement composé de 15 à 20% de déchets radioactifs et de 80 à 85% de matériaux d’enrobage.(5)

Déchets de Très Faible Activité (TFA) : 27% du volume mais moins de 0,01% de la radioactivité

Les déchets TFA sont principalement constitués de gravats (bétons, terres, etc.) et de ferrailles (tuyauterie, charpentes, etc.), par exemple issus de travaux de déconstruction d’installations nucléaires. Ils ne sont pas considérés comme des déchets « radioactifs » dans la plupart des pays, leur taux de radioactivité étant proche de celui de la radioactivité naturelle. En France, ils sont conditionnés dans des sacs en tissus appelés « big-bags » ou des casiers métalliques au sein du centre de stockage TFA dans l’Aube. Certains déchets liquides peuvent faire l’objet d’une solidification. Les déchets plastiques ou métalliques peuvent être compactés avant d’être entreposés dans ce centre de stockage de surface.(6)

Volume des déchets radioactifs

Selon l’Inventaire national 2012 des matières et déchets radioactifs réalisé par l’Andra, le volume de déchets radioactifs en France a atteint un volume cumulé d’approximativement 1 320 000 m3 au 31 décembre 2010, dont :

  • 2 700 m3 de déchets HA (prévision d’un volume de 4 000 m3 de déchets HA d'ici fin 2020 et de 5 300 m3 d'ici fin 2030) ;
  • 40 000 mde déchets MA-VL (prévision d’un volume de de 45 000 mde déchets MA-VL d'ici fin 2020 et de 49 000 md'ici fin 2030) ;
  • 830 000 mde déchets FMA-VC (prévision d’un volume de de 1 000 000 mde déchets FMA-VC d'ici fin 2020 et 1 200 000 md'ici fin 2030) ;
  •  87 000 mde déchets FA-VL (prévision d’un volume de 89 000 mde déchets FA-VL  d'ici fin 2020 et de 133 000 m3 d'ici fin 2030) ;
  • 360 000 mde déchets TFA (prévision d’un volume de 762 000 m3 de déchets TFA d'ici fin 2020 et de 1 300 000 md'ici fin 2030).

Valorisation et recyclage des déchets radioactifs

La valorisation et le recyclage des déchets radioactifs présentent plusieurs enjeux de gestion à long terme : les déchets radioactifs restent dangereux pendant des milliers, voire des millions d'années, nécessitant une gestion pour assurer leur confinement et leur isolation de l'environnement humain et naturel. La question de réduire leur volume final, facilitant leur stockage et leur élimination, est capitale.

Certains déchets radioactifs contiennent des isotopes fissiles ou fertiles qui peuvent être récupérés et réutilisés comme combustible nucléaire dans des réacteurs spécifiques, contribuant ainsi à la préservation des ressources nucléaires. En recyclant les matériaux radioactifs, on réduit la nécessité de l'extraction de nouvelles matières premières et on diminue potentiellement les impacts environnementaux associés à cette extraction. Le recyclage des déchets radioactifs nécessite le développement de technologies avancées pour séparer et purifier les matériaux radioactifs, ce qui peut conduire à des avancées dans le domaine de la science des matériaux et de l'ingénierie nucléaire. Cela revêt naturellement un enjeu économique.

Recyclage du combustible usé

Le principal enjeu des déchets nucléaires réside dans la gestion des déchets de haute activité, c'est-à-dire des produits de fission et actinides mineurs, puisque ceux-ci dégagent 96% de la radioactivité totale des déchets dans un pays comme la France.

Le traitement-recyclage permet de réduire la quantité de déchets radioactifs produits par une nouvelle utilisation des matières radioactives avant qu'elles ne deviennent des déchets radioactifs à l'issue d'un prochain cycle de recyclage. En France, 17% de la production d’électricité nucléaire est ainsi assurée par du combustible usé recyclé(7). Les déchets radioactifs représentent quant à eux près de 4% du volume initial des combustibles usés.

Valorisation de « déchets » par la 4e génération

Si les produits de fission de l’uranium 235 constituent initialement les déchets les plus radioactifs du combustible usé, ils sont pour la plupart à durée de vie courte (quelques dizaines d’années). Au contraire, les actinides mineurs, moins radioactifs mais à vie longue (comme le polonium : 24 000 ans), sont, comme tous les atomes lourds, des poisons chimiques. Les détruire plutôt que les stocker géologiquement est l’objectif ultime fixé à la recherche nucléaire.

Or, presque tous les actinides mineurs sont « fertiles », c'est-à-dire qu’ils peuvent absorber des neutrons rapides pour se transformer en atomes fissiles et se casser en des atomes plus stables ou à vie courte. Ce principe, appelé transmutation, a été démontré dans le cas de l’américium et du neptunium. Il s’avère en revanche difficile pour le curium.

L’outil indispensable aux transmutations est un réacteur ou accélérateur produisant des neutrons rapides (réacteur dit de « 4e génération). Les premiers démonstrateurs de ce type sont attendus pour 2020-2030. Ils devraient permettre non seulement de produire de l’électricité à partir d’uranium 238 fertile mais aussi de « calciner » les actinides toxiques produits par les réacteurs à neutrons lents des générations précédentes.

Usines de traitement des déchets nucléaires

En France, l’usine de recyclage de combustible usé se situe à La Hague (Areva).

En Europe, une autre usine de recyclage du combustible usé se trouve à Sellafield(8) au Royaume-Uni (propriété de Nuclear Decomissioning Authority et exploitée par un consortium composé de URS, AMEC et Areva).(9)

Notons que le traitement-recyclage n’est pratiqué à l’heure actuelle que par certains pays : l’Allemagne (potentielle révision de politique), la Belgique, la Chine, la France, l’Inde, le Japon, la Russie, le Royaume-Uni et la Suisse. D’autres pays procèdent au contraire au dépôt direct sans recycler le combustible usé sous forme de MOX : la Corée du Sud (potentielle révision de politique), l’Espagne, les Etats-Unis, et la Finlande et la Suède. Ce choix peut en partie s’expliquer par la peur de manipuler du plutonium et que celui-ci soit détourné.

La gestion des déchets radioactifs émane ainsi de choix techniques mais aussi politiques. De nombreux pays (France, Etats-Unis, Suisse, Canada, Japon) ont voté des lois imposant la réversibilité des solutions de stockage, c'est-à-dire que les déchets radioactifs restent accessibles durant la phase de remplissage du centre. Des projets comparables à Cigéo sont également en cours de développement aux États-Unis, en Suède et en Finlande.(10)

Chiffres clés

En France

  • Environ 2 kg de déchets radioactifs sont produits par habitant et par an, dont quelques grammes de déchets à haute activité responsables à eux seuls de 96% de la radioactivité globale. A titre de comparaison, les déchets ménagers annuellement produits par habitant sont de 360 kg, les déchets industriels de 2 500 kg et les rejets de CO2 dans l’atmosphère de 6 600 kg.
  • Les coûts de gestion des déchets représentent environ 5% du coût total de l’électricité produite.

Dans le monde

Chaque année, environ 200 000 m3 de déchets de faible et moyen niveau de radioactivité et environ 10 000 m3 de déchets de haute radioactivité sont produits dans le monde. A titre de comparaison, une piscine olympique a un volume proche de 3 000 m3.

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