Réacteur Olkiluoto 3

Réacteur EPR conçu par Areva (sur la gauche), centrale d'Olikluoto en Finlande (©TVO)

Présentation

Créé en 2001 par Anne Lauvergeon et Pascal Colombani, Areva est un groupe industriel français spécialisé en énergétique. Il prend le nom d'Orano en 2018. La société est aujourd'hui dirigée par Nicolas Maes, qui a pris la succession de Philippe Knoche en novembre 2023.

Ses activités sont principalement liées à l’énergie nucléaire dont il est le leader mondial. Le groupe met en avant son souhait de fournir à ses clients des solutions pour produire de l’électricité sans émissions de CO2. Il se développe ainsi dans le secteur des énergies renouvelables (biomasse, énergie éolienne, énergie solaire et hydrogène).

Son siège social est basé à Châtillon (Hauts-de-Seine).

Suite à sa restructuration, l'entreprise est passée de plus de 76 000 employés en 2010 à 40 000 en 2015 et à environ 17 500 en 2023.

Structure de l'entreprise

Orano est structuré par métiers, en 7 Business Units (BU).

Le groupe a tissé un réseau industriel international, qui s’étend dans plus d’une quarantaine de pays : 33 en Europe, dont 25 en France, 8 en Amérique, 3 en Afrique et 1 en Asie. Il commercialise ses produits dans une centaine de pays.

Les raisons d'un changement de nom

Areva est devenue Orano suite à une restructuration majeure de l'entreprise, visant à résoudre des problèmes financiers et à recentrer l'entreprise sur des activités spécifiques du cycle du combustible nucléaire. Le changement de nom reflète cette transformation et marque une nouvelle ère pour l'entreprise.

Areva traversé des difficultés financières importantes à partir de 2011, dues à de mauvais choix stratégiques de sa patronne Anne Lauvergeon. Ces difficultés ont été exacerbées par des retards et des dépassements de coûts sur des projets de construction de réacteurs nucléaires, ainsi que par des investissements qui se sont révélés moins rentables que prévu.

En parallèle, l'accident nucléaire de Fukushima en 2011 a eu un impact sur l'ensemble du secteur nucléaire, entraînant une baisse durable de la demande et des réglementations plus strictes, ce qui a affecté Areva. En 2014, le groupe avait par exemple annoncé une perte nette de 4,8 milliards d'euros.

Pour faire face à ces problèmes, Areva a entrepris une restructuration. Cela a impliqué la vente de certaines de ses activités et la réorganisation des segments d'activité. La partie de l'entreprise liée à la construction de réacteurs nucléaires Areva NP a été intégrée à EDF fin juillet 2015, pour un montant de 2,7 milliards d'euros, tandis qu'Areva a conservé les activités liées au cycle du combustible (comme l'uranium, le traitement des déchets, etc.).

Après cette restructuration, le nom "Areva" n'était plus approprié car il était associé à des activités qui avaient été transférées à d'autres entreprises. En 2018, Areva a donc changé de nom pour devenir Orano, se concentrant principalement sur le cycle du combustible nucléaire.

Actionnariat

L'actionnariat d'Orano se compose de l'État français à 90 %, de Japan Nuclear Fuel Limited (JNFL) à 5 %, de Mitsubishi Heavy Industries (MHI) à 5 %, et 1 action pour le Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA).

Le rôle de l’Etat dans les activités d’Areva est majeur dans la mesure où la France est le pays le plus nucléarisé au monde par rapport au nombre d'habitants.

Le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives) était le principal actionnaire du groupe en 2015, avec 54,37% des actions, contre 28,83% pour l'Etat. L’Etat pouvait déjà interférer dans les activités stratégiques du groupe à travers les autorités de tutelle du nucléaire (ASN, IRSN, Andra) et EDF qui est le maître d’œuvre de la production et de la distribution de l’électronucléaire.

Bénéficces et résultats financiers

Orano a réalisé un bénéfice de 408 millions en 2019, avant d'essuyer une perte de 71 millions en 2020 due aux effets de la pandémie de Covid-19. L'entreprise a renoué avec les bénéfices en 2021 à 678 millions, avant de plonger dans le rouge avec une perte nette de 377 millions d'euros en 2022.

L'année 2022 a succédé en effet à une année 2021 "atypique" marquée par la contribution "exceptionnelle" et ponctuelle de plusieurs contrats avec des électriciens allemands, de plus d'1,5 milliard d'euros au total, prévoyant le retour en Allemagne de déchets nucléaires traités en France.

En 2022, le groupe a enregistré un chiffre d'affaires de 4,2 milliards d'euros, en retrait par rapport à 2021 (4,7 milliards d'euros).

Son carnet de commandes s'élève au 30 juin 2024 à 31 milliard d'euros représentant 6 années de chiffre d'affaires.

Activités

Areva a organisé les 7 en unités opérationnelles. Chacune est dotée d’une structure de management autonome. Basée sur la subsidiarité, la décentralisation opérationnelle s’allie à une coordination globale organisée autour de 14 directions fonctionnelles (achats, communication, juridique, finance, recherche, stratégie, sûreté, etc.), chargées de suivre les performances des unités, d’assister les Comités de Direction et d’accompagner la mise en œuvre de la stratégie du groupe.

Par ailleurs, une direction « Ingénieurs et Projets », transverse aux activités nucléaires, veille aux développements des synergies en matière d’ingénierie de conduite de grands projets entre unités opérationnelles. 

Mines

Regroupe la recherche de nouveaux gisements, l’extraction et le traitement du minerai d’uranium, et le réaménagement des sites après exploitation. Areva est particulièrement engagé au Niger et a diversifié ses sources en Namibie et au Kazakhstan. Le groupe exploite notamment l'usine canadienne de McClean Lake qui traite l'uranium extrait de la mine de Cigar Lake.

Areva est actuellement leader mondial de la production d’uranium (9 330 tonnes d'uranium en 2013).

Chimie-Enrichissement

Regroupe l’ensemble des métiers précédent la production d’électricité nucléaire :

  • la chimie de l’uranium naturel et du fluor pour la conversion en tétrafluorure (site de COMURHEX – Malvési) puis en hexafluorure (COMURHEX – Tricastin). Aujourd’hui, tous les procédés d’enrichissement fonctionnent en utilisant l’UF6.
  • l’enrichissement pour porter de 0,7% à 3 - 5% la concentration en uranium 235. Areva exploite la diffusion gazeuse (usine Georges Besse I) et la centrifugation (Georges Besse II – 2009).
  • la fabrication du combustible : la matrice du zirconium, matériau clé des assemblages d’uranium enrichi, fait d’Areva (Business Unit Combustibles) un leader mondial du combustible nucléaire pour les réacteurs à eau légère.

Doté d'un effectif de 8 080 personnes, l'ex BG Amont réalise 27% du chiffre d’affaires d’Areva.

Démantèlement et Services

Regroupe les activités de conception et de construction de réacteurs nucléaires, puis les produits et services nécessaires au fonctionnement, à la maintenance et à la modernisation des centrales. Il inclut la fabrication des réacteurs nucléaires de propulsion navale (Areva – PN) et les réacteurs de recherche. Il a déjà réalisé plus d’une centaine de réacteurs.

Son produit majeur est aujourd’hui l’EPR, réacteur de forte puissance (1 650 MW) dont quatre exemplaires sont en construction. Deux autres réacteurs (Atmea-1/1100 MW avec Hitachi, Kerena-1250 MW) complètent la gamme.

Avec un effectif de 14 745 personnes, le BG Réacteurs et Services réalisait 37% du chiffre d’affaires d’Areva. C'est cette branche qui va être intégrée au sein du groupe EDF, dans le cadre de la refondation de la filière nucléaire française.

Recyclage

Assure la gestion de fin de cycle des combustibles usés, leur recyclage, la logistique associée, l’assainissement et la valorisation des sites nucléaires démantelés. Areva est le leader mondial du cycle ouvert (stockage) et fermé (recyclage MOX).

Avec un effectif de 12 325 personnes, le BG Aval a réalisé 18% du chiffre d’affaires d’Areva.

Emballages Nucléaires et Services

Elle se concentre sur le développement, la fabrication et la gestion des emballages utilisés dans le secteur nucléaire, ainsi que sur les services associés à ces emballages. Elle est ainsi responsable de la conception des emballages spécialement conçus pour transporter, stocker ou éliminer des matériaux nucléaires. Ces emballages doivent respecter des normes de sécurité strictes et des réglementations internationales.

Elle supervise la production d'emballages nucléaires, qui peuvent inclure des conteneurs pour le combustible usé, des emballages pour le transport de déchets radioactifs, et des solutions pour le stockage temporaire ou permanent. Elle offre en outre des services de conseil technique pour aider les clients à concevoir des solutions sur mesure en matière d'emballage et de gestion des matériaux nucléaires.

Énergies renouvelables

Areva développe son activité vers 4 énergies renouvelables : l’éolien, le solaire, les bioénergies et l’hydrogène.

  • En éolien, Areva vise le marché « offshore » avec des éoliennes de forte puissance (5 à 8 MW) conçues pour le milieu marin (mât de 130 mètres, pales de 116 mètres pesant chacune 16,5 tonnes, poids total de 300 tonnes).
  • En solaire, Areva Solar a choisi la technologie thermodynamique CLFR (réflecteur à miroirs de Fresnel linéaires), pour produire de l’électricité et de la vapeur.
  • En bioénergie, Areva construit des centrales utilisant une grande variété de combustibles ordinaires (balles de riz, bois, paille, bagasse, etc.).
  • Pour l’hydrogène, Areva propose une production sans CO2, par électrolyse de l’eau alimentée par l’électricité nucléaire, ou en associant hydrogène et pile à combustible.

Projets

Elle est responsable de la gestion, de la planification et de l'exécution de divers projets industriels liés au secteur nucléaire. Elle prend en charge la gestion complète des projets, depuis la conception initiale jusqu'à la réalisation, y compris les étapes de planification, de coordination des ressources, de contrôle des coûts, et de suivi de la qualité.

Elle est responsable de l'ingénierie et de la conception des installations et des équipements nécessaires pour les activités d'Orano, tels que les usines de traitement du combustible, les centres de recyclage de déchets nucléaires, ou les installations de stockage.

Missions et cap fixé

Les enjeux du groupe Areva sont étroitement liés aux mutations économiques et sociétales de l’énergétique mondiale.

Assurer la transition énergétique mondiale

La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et la volonté d’indépendance énergétique suscitent un regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire.

Parmi les caractéristiques de l’énergie nucléaire :

  • elle possède une exceptionnelle densité : 1 gramme d’uranium peut produire la même quantité d’électricité que 2,5 tonnes de fioul ou 3 tonnes de charbon ;
  • son fonctionnement s’effectue sans émission de gaz à effets de serre (GES) ;
  • ses réserves de combustibles sont géographiquement réparties. Elles sont par ailleurs abondantes puisque d’un siècle au minimum aujourd’hui, elles deviendront multimillénaires (en exploitant l'uranium 238 fertile) dès que les réacteurs surgénérateurs en cours de développement seront capable de recycler les déchets accumulés par les centrales actuelles tout en consommant moins de matériaux fissiles.

L’avenir du groupe dépendra donc également de sa capacité à relever les défis mondiaux et notamment la réduction des émissions de CO2. Aux côtés du nucléaire, le groupe a attaqué les marchés de l'éolien (notamment l’offshore), de la biomasse et de l’énergie solaire.

Maîtriser le coût et la sécurité des procédés et des installations

Les conditions d’exploitation présentent encore plusieurs limites :

  • l’énergie nucléaire de fission reste aujourd’hui gourmande en capitaux, avec des retours sur investissements lointains ;
  • la sûreté nucléaire exige une rigueur sans failles ;
  • les risques de prolifération sont difficiles à éliminer totalement ;
  • pour le moment, ses déchets sont encore encombrants et dangereux, conséquence des rendements faibles de la filière choisie pour les réacteurs actuels (neutrons lents) il y a maintenant plus de 50 ans.

L’accident nucléaire de Fukushima a mis en évidence les risques intrinsèques attachés à la densité énergétique du nucléaire, qui ne peut s’accommoder que d’une sûreté globale, au-delà du seul réacteur. Or, c’est EDF qui en France a cette compétence système. La crédibilité d’Orano à l’international suppose donc un partenariat leur assurant le soutien total du système électronucléaire français EDF.

L’EPR a souvent été jugé trop complexe et trop cher. Les chantiers se sont tous terminés avec du retard, et la signature de nouveaux projets se fait toujours attendre

Dates-clés et histoire du groupe

Le groupe Areva est le fruit de la fusion de CEA Industrie, de Framatome-ANP et de Cogema (Compagnie générales des matières nucléaires) le 3 septembre 2001. Le nom « Areva » a été inspiré par l’abbaye cistercienne d’Arevalo en Espagne.

La branche Areva T&D (Transmission et Distribution d’Electricité) a été achetée à Alstom le 9 janvier 2004, mais le 7 juin 2010, Areva a revendu Areva T&D à Alstom et Schneider Electric.

En 2007, Areva rachète pour 1,8 milliard d'euros la société canadienne Uramin d'exploitation d'uranium. Cette opération a causé d'importantes pertes au groupe en raison d'une surévaluation des ressources de minerai alors qu'Areva voulait sécuriser son approvisionnement.

Le 30 juin 2009, Areva a décidé l’augmentation de son capital de 15 % et de la mise en vente de sa filiale de transmission et distribution d'électricité (T&D). Cette ouverture du capital d’Areva diminue la part de l’Etat à hauteur de 78% de son capital contre 93% jusqu’à cette date.

En juin 2011, l’Etat a décidé de ne pas reconduire Anne Lauvergeon à la direction d’Areva. La présidente historique du directoire d’Areva a été remplacée par Luc Oursel, directeur général délégué du groupe, officiellement entré en fonction le 1er juillet 2011.

Lundi 20 octobre 2014, Luc Oursel, quitte ses fonctions pour des raisons de santé, près de trois ans et demi après sa nomination à la tête du groupe nucléaire public.

Le 8 janvier 2015, huit administrateurs ont été nommés en assemblée générale, dont Philippe Varin pour présider le conseil, et Philippe Knoche, qui assurait à titre transitoire la direction du groupe. A cette date, une direction à conseil d'administration remplace l'ancienne structure d'Areva (à directoire et conseil de surveillance).

Fin juillet 2015, Areva a signé avec EDF un protocole d'accord qui prévoit notamment « un contrôle majoritaire » par l'énergéticien d'Areva NP regroupant les activités de construction et de services aux réacteurs.

Le 23 janvier 2018, New Areva devient Orano.

Menaces et opportunités géostratégiques

Orano est fortement influencée par les conditions géostratégiques car ses opérations nécessitent un accès sécurisé aux matières premières telles que l'uranium, souvent situées dans des régions politiquement instables. En outre, les relations diplomatiques entre pays peuvent affecter les contrats d'approvisionnement.

Niger

Orano exploitait depuis 50 ans deux mines d'uranium dans le nord du Niger, la Somaïr (Société des mines de l'Aïr) et la Compagnie des mines d'Akokan (Cominak). Cette dernière a fermé en 2021, mais fait l'objet d'un vaste projet de réaménagement.

Le groupe subit un contexte politique "très dégradé" depuis l'arrivée du régime militaire au pouvoir, en juillet 2023

Les dépréciations concernent le permis d'exploitation du gisement d'Imouraren, retiré en juin au groupe par les autorités du Niger (69 millions), ainsi que des actifs de sa filiale Somaïr en grande difficulté, la seule mine exploitée par Orano dans le nord du Niger depuis 1971, pour un montant de 105 millions.

L'unique mine d'Orano en exploitation au Niger dans la région d'Arlit, la Somaïr, s'est trouvée dans l'incapacité d'exporter sa production de concentré d'uranium, en raison de difficultés logistiques, risquant de la mettre en cessation de paiement. Le régime militaire au pouvoir à Niamey, qui a fait de la souveraineté un de ses mantras, a plusieurs fois répété qu'il souhaitait revoir en profondeur le système d'exploitation des matières premières sur son sol par des compagnies étrangères. La production a repris au compte-goutte en 2024.

Orano se veut toutefois rassurant sur la sécurité d'approvisionnement des clients, qui "reste assurée grâce à la diversité de ses sources d'approvisionnement", au Canada et au Kazakhstan.

Guerre en Ukraine

Avec le début de la guerre en Ukraine, les prix de la conversion et de l'enrichissement d'uranium, étapes clés de la fabrication de combustible pour les réacteurs, ont connu une forte hausse, dans un contexte d'interrogations sur la dépendance à la Russie, premier acteur mondial de l'uranium enrichi.

Orano souligne que la guerre en Ukraine n'a eu que des impacts "très limités" sur ses activités, et n'avoir "ni personnels ni actifs industriels" en Russie comme en Ukraine. Même si l'uranium russe n'est à ce stade pas visé par des sanctions internationales liées au conflit, Orano, qui pèse pour 12% du marché de l'enrichissement, se positionne déjà pour grignoter des parts de marchés au géant russe.

Le groupe français compte ainsi relancer un projet d'agrandissement de son usine d'enrichissement du Tricastin dans le sud de la France en misant sur "la nécessité" pour certains pays très nucléarisés comme les Etats-Unis de réduire leur dépendance à l'uranium russe au profit d'approvisionnements occidentaux.

Chine

Le groupe ne compte plus dans l'immédiat sur la signature d'un contrat géant pour une usine de retraitement et de recyclage avec la Chine.

La conclusion de ce projet, qui avait fait l'objet de longues négociations entre industriels et était "quasi finalisé", bute sur "le contexte géostratégique", avec un élan politique qui "en ce moment n'est pas là" entre la France et la Chine, selon le directeur financier.

Renouveau du nucléaire

Le groupe compte également profiter à long terme des nouvelles perspectives offertes par un possible "renouveau du nucléaire": "les positions qui ont longtemps été figées en Europe sur le nucléaire sont en train de bouger", estime le directeur financier David Claverie, dont le groupe a par exemple renforcé ses positions minières au Kazakhstan en 2022.

dernière modification le 17 septembre 2024

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