Schistes bitumineux en Estonie

Exploitation de schistes bitumineux en Estonie. (©Eesti Energia)

Définition, composition et catégories

Les schistes bitumineux sont des roches sédimentaires au grain fin, contenant assez de matière organique, le kérogène, pour pouvoir fournir du pétrole et du gaz combustible. Ils varient considérablement les uns des autres, tant dans leur composition chimique, leur contenu en minéraux, leur âge, le type de kérogène et la façon dont ils se sont sédimentés.

Les schistes bitumineux peuvent être « convertis » en hydrocarbures liquides par pyrolyse, brûlés directement comme un combustible de basse qualité pour la production d'électricité et de chaleur ou utilisés comme matériau de base dans les industries chimiques.

Contrairement à ce que laisse supposer leur nom, ces roches ne sont pas nécessairement des schistes (roches qui ont pour particularité d'avoir un aspect feuilleté).

Ils sont également appelés schistes pétrolifères, pyroschistes, kérobitumeux, ou oil shale en anglais.

Modes d'exploitation

L’exploitation ex situ représente la principale voie d’exploitation des schistes bitumineux aujourd’hui. Elle consiste en une extraction minière de la roche pour ensuite appliquer le traitement thermique dans des usines en surface. Certaines technologies encore peu utilisées permettent d’exploiter ces schistes bitumineux in situ et ainsi de les chauffer sous terre.

Le pétrole est obtenu suite au procédé de pyrolyse : le schiste bitumineux est chauffé à une température suffisamment élevée (450/500 °C) dans une enceinte privée d’air (anaérobie), la vapeur engendrée est ensuite distillée en huile et en gaz. Deux techniques de transformation, in situ et ex situ, sont utilisées en fonction du lieu où le traitement thermique est appliqué.

Les schistes bitumineux sont destinés à plusieurs fins :

  • la conversion en hydrocarbures à travers le processus chimique de la pyrolyse ;
  • la combustion de basse qualité pour la production d’électricité ;
  • l’utilisation comme matériaux de base (industries chimiques, agriculture, construction).

    Usages

    Le kérogène présent dans les schistes bitumineux peut être converti en pétrole à travers le processus chimique de la pyrolyse, c'est-à-dire par décomposition de la matière organique sous l'effet de la chaleur. Le kérogène contenu dans les schistes bitumineux est une sorte de « pétrole inachevé » qui n’a pas subi des conditions de température et de pression suffisantes pour être transformé en pétrole.

    Les schistes bitumineux peuvent aussi être brûlés directement comme un combustible de basse qualité pour la fourniture d'électricité et de chauffage.

    Enfin, ils peuvent être utilisés comme matériau de base dans les industries chimiques en vue d’extractions ultérieures (ex : le soufre, l’ammoniac, le mastic, le bitume routier, le ciment ou encore les briques).

    Les hydrocarbures produits nécessitent, quel que soit le procédé, un traitement supplémentaire de raffinage afin d’enlever des impuretés. L’huile des schistes bitumineux est donc ensuite distillée afin d’en tirer les sous-produits, par les mêmes opérations que dans le cas des pétroles « naturels ». Voici les produits qu’il est possible d’obtenir à partir de l’huile de schistes bitumineux :

    • des essences dont la teneur en carbone est en général au-dessus de la moyenne ;
    • des huiles de lampe ;
    • des huiles lourdes convenant particulièrement aux moteurs diesels ;
    • des huiles de graissage ;
    • du goudron employé dans la fabrication des mastics et des asphaltites.

    Leur nom prête parfois à confusion avec d’autres types d’hydrocarbures non conventionnels, notamment les sables bitumineux et les gaz de schiste. Les schistes bitumineux contiennent du kérogène qu’il faut traiter avant d’obtenir du pétrole alors que les sables bitumineux et les gaz de schiste sont directement exploitables, ceux-ci contenant respectivement du bitume et du gaz emprisonné.

    Enjeux économiques et environnementaux

    Les schistes bitumineux ne sont encore que peu exploités, malgré l’importance de leurs réserves, du fait d’une double problématique.

    Le défi du prix

    La production de pétrole à partir de schistes bitumineux devient économiquement viable si le prix du baril se situe au-delà de 60 dollars selon l'AIE(1). Le prix est donc le frein principal à l’exploitation de ce pétrole dit « non conventionnel ». Suite à la chute des cours du pétrole brut en 2014, l'industrie estonienne des schistes bitumineux a par exemple été menacée et le gouvernement estonien a réduit la taxe portant sur l'extraction de schistes bitumineux (de 1,58 € par tonne à 0,275 €/t) pour soutenir la filière(2).

    Le défi environnemental

    La combustion et le traitement thermique des schistes bitumineux génèrent des déchets et émettent dans l'atmosphère du dioxyde de carbone. Des études estiment que la production de carburants issue des schistes bitumineux entraîne des émissions de CO2 sensiblement plus importantes que la production de carburants issue d'hydrocarbures dits conventionnels.

    Production et réserves dans le monde

    Si l’importance des schistes bitumineux dans le paysage pétrolier mondial est récente, ceux-ci sont toutefois déjà employés pour :

    • la production d'hydrocarbures liquides en Estonie, au Brésil et en Chine ;
    • la production d'électricité en Estonie, en Chine, en Israël, et en Allemagne ;
    • la production de ciment en Estonie, en Allemagne, et en Chine ;
    • l’industrie chimique en Chine, en Estonie, et en Russie.

    Le groupe estonien Eesti Energia (Enefit) est le principal producteur mondial de schistes bitumineux (près de 11,3 millions de tonnes extraits en 2018)(3). En 2018, 72,7% de l'approvisionnement en énergie primaire et 75,9% de l'électricité produite en Estonie a été générée grâce aux schistes bitumineux.

    L'EIA américaine (Energy Information Administration) a estimé en 2005 les réserves mondiales de schistes bitumineux de 2 800 à 3 100 milliards de barils de pétrole potentiellement exploitables. Elles ont été réévaluées à la baisse en 2010 par l'AIE qui a estimé que près de 1 000 milliards de barils pourraient être récupérables sur l'équivalent approximatif de 5 000 milliards de barils de schistes bitumineux présents dans le sous-sol. 

    Selon les estimations actuelles, la grande majorité des réserves de schistes bitumineux seraient présentes aux États-Unis (jusqu'à 1 500 milliards de barils selon l'EIA américaine). Cependant les tentatives pour exploiter ces réserves depuis plus d'un siècle y ont pour l'instant connu des résultats limités tandis que l'exploitation du pétrole de schiste (« shale oil » en anglais) a très fortement augmenté depuis la fin des années 2000. 

    On trouve les plus grandes réserves du monde aux États-Unis dans la formation de Green River qui couvre une partie du Colorado, de l'Utah et du Wyoming. 

    Les principaux autres pays disposant d'importantes réserves de schistes bitumineux sont, dans l'ordre : la Chine, la Russie, le Brésil, le Maroc, la Jordanie, l'Australie, l'Estonie et le Canada.

    D'hier à aujourd'hui

    L’industrie des schistes bitumineux est antérieure à celle du pétrole. La propriété des schistes de donner de l’huile par pyrolyse (anciennement « distillation sèche ») a été signalée par le chimiste Auguste Laurent dans une communication faite à l’académie des Sciences en 1830.

    La première distillerie de schistes bitumineux en France s’est implantée en Saône-et-Loire (à Igornay) en 1838. L’huile obtenue était utilisée pour fabriquer du gaz d’éclairage.

    Les différents chocs pétroliers ont dynamisé ponctuellement l’exploitation des schistes bitumineux. Face à une forte volatilité du prix du baril et une diminution des découvertes de champs classiques de pétrole, les groupes pétroliers se tournent vers des sources non conventionnelles. Aux côtés des sables bitumineux et de l’offshore profond, les schistes bitumineux bien que relativement peu connus sont de plus en plus convoités mais ce sont principalement les hydrocarbures de réservoir compact ou gaz et pétrole « de schiste » qui ont fait l'objet d'une très forte exploitation au cours des dernières années, en particulier aux États-Unis.

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