La Chine compte pour plus de 90% de la production mondiale de terres rares.
Qu'appelle-t-on « terres rares »
Les terres rares sont composées de 17 matières premières, découvertes à la fin du XVIIIe siècle en Suède, et possédant chacune des propriétés différentes.
Ces éléments ont été regroupés sous une même appellation, car souvent présents dans les mêmes sols.
L’appellation « terres rares » définie au début du XIXe siècle lorsque le français était la langue dominante de la géologie est donc impropre et sans doute liée à des considérations géographiques.
Nom de la terre rare | Concentration moyenne dans la croûte terrestre (ppm) | Usages connus |
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Lanthane | 39 | Catalyseurs, batteries |
Cérium | 66 | Polissage du verre, catalyseurs |
Praséodyme | 9,2 | Aimants, alliages |
Néodyme | 41 | Aimants puissants |
Prométhium | Extrêmement rare | Générateurs nucléaires |
Samarium | 7,05 | Aimants, réacteurs nucléaires |
Europium | 2 | Phosphores, écrans |
Gadolinium | 6,2 | Imagerie par résonance magnétique (IRM) |
Terbium | 1,2 | Phosphores, dispositifs électroniques |
Dysprosium | 5,2 | Aimants, réacteurs nucléaires |
Holmium | 1,3 | Applications en IRM |
Erbium | 3,5 | Fibres optiques |
Thulium | 0,52 | Laser, équipements médicaux |
Ytterbium | 3 | Optique, métallurgie |
Lutécium | 0,8 | Catalyseurs, applications nucléaires |
Scandium | 22 | Alliages légers |
Yttrium | 33 | Céramiques, lasers |
Les terres rares peuvent être divisées, en fonction de leur nombre atomique, entre les éléments dits « lourds » et ceux plus « légers » (généralement disponibles en plus grandes quantités).
Les terres rares, dont on dénombre les 15 éléments de la série des « lanthanides », sont fréquentes dans la croûte terrestre bien que leur concentration varie selon leur nature. La plus abondante est le cérium, classé 25e des éléments les plus répandus sur Terre avec une concentration de 66,5 mg/kg. Figures d’exception, le thulium et le lutetium peuvent à juste titre être considérés comme rares avec des concentrations respectives de 0,5 mg/kg et 0,31 mg/kg, sans omettre le promethium qui n’est pas présent dans la croûte terrestre.
Réserves et exploitation : des métaux pas si rares dans le sol
Selon l'US Geological Survey, les réserves montiales de terres rares sont de 120 millions de tonnes en 2023. 44 millions de tonnes se trouvent en Chine, 22 millions au Vietnam, 21 millions au Brésil, 12 millions en Russie et 7 millions en Inde.
Une fois le minerai récupéré dans la terre, il doit faire l'objet d'un traitement de "séparation", le fait de distinguer les différents minéraux, par le biais d'opérations chimiques impliquant parfois des acides.
Chacun de ces minéraux a son utilité pour l'industrie, entre l'europium utile aux écrans de télévision, le cerium destiné au polissage du verre ou le lanthane pour les catalyseurs dans les moteurs à essence, ou encore les néodyme et dysprosium pour les éoliennes en mer. On en trouve dans la plupart des appareils de technologie de pointe (énergie, TIC, appareils médicaux, défense), tels que les drones, les disques durs, les lentille de télescope ou les avions de chasse.
Or certains de ces éléments ont des propriétés uniques et donc irremplaçables dans l'état actuel des connaissances, ou alors à des coûts bien plus élevés", note John Seaman auprès de l'AFP.
Irremplaçables parce que leurs propriétés sont parfois uniques, ils sont par exemple privilégiés pour fabriquer les aimants permanents des , grâce aux qualités du. Une fois installés, les aimants nécessitent peu d'entretien et affichent de fortes performances, facilitant le fonctionnement de ces installations installées loin des côtes.
Le marché des terres rares reste « limité » (près de 9 milliards de dollars par an), avec une production annuelle (hors marché noir) avoisinant 150 000 tonnes. Ces métaux sont toutefois des éléments importants utilisés par des industries dont le marché s’élève à 7 000 milliards de dollars par an selon cette étude.
Les terres rares sont des métaux qui, contrairement à ce que suggère leur nom, sont assez répandus sur Terre à l’égal de métaux usuels tels que le zinc ou le cuivre. Elles seraient dix fois plus disponibles que le plomb et cent fois plus fréquentes que l’argent.
En 2010, la Chine a imposé des quotas et des taxes supplémentaires sur ses exportations de terres rares, ouvant la voie à une plus forte exploitation dans d'autres pays. (©Connaissance des Énergies d'après Ifri)
Une ressource critique
Dans le contexte actuel, la rareté est d’ordre industriel, la Chine contrôlant leur exploitation en écrasant la concurrence étrangère (plus de 90% de la production mondiale).
Cette rareté est critique du fait :
- de la concentration de la fourniture en un État qui peut en faire une arme géopolitique ;
- d’un usage toujours croissant dans les industries technologiques ;
- d’une impossibilité de substitution par d’autres matériaux à ce jour.
Les terres rares sont aujourd’hui essentielles dans la fabrication de produits de haute technologies tels que les véhicules électriques, les éoliennes, les panneaux solaires photovoltaïques pour ne citer que quelques exemples d’utilisation. Pour remplacer les hydrocarbures et atteindre la neutralité carbone en 2050, l'UE aura besoin à cette date de 26 fois plus de terres rares qu'aujourd'hui, a calculé l'université KU Leuven pour Eurométaux, l'association européenne des producteurs de métaux.
"Plus la demande progresse pour ces matières premières, plus les gens en cherchent et plus ils en trouvent. Le problème est davantage dans la relation entre le coût d'extraction et le prix de marché", analyse John Seaman, chercheur à l'IFRI.
Entre divergences commerciales et géopolitiques, les tensions entre la Chine et l'Occident sont nombreuses. Bruxelles et Washington sentent l'urgence à diversifier leurs approvisionnements sur ces matières premières essentielles.
Autre exemple : alors que 99% du dysprosium mondial est actuellement produit en Chine, la compagnie australienne Northern Minerals souhaite extraire en Australie-Occidental ce minerai qui sert à fabriquer des aimants très performants utilisés dans les véhicules électriques. Le fonds Yuxiao, lié à la Chine, avait cherché à augmenter sa participation dans Northern Minerals, ce qui avait attiré l'attention de la commission australienne de contrôle des investissements étrangers.
Les craintes de blocages reposent d'ailleurs aussi sur un douloureux précédent: Tokyo avait vu son robinet de terres rares coupé par la Chine en 2010 en raison d'un conflit territorial. Le Japon a depuis diversifié ses approvisionnements, en passant des accords avec l'entreprise australienne Lynas en Malaisie et en développant sa filière de recyclage.
Aux Etats-Unis, une autre alerte s'est produite lors de la guerre commerciale avec Pékin. En mai 2019, le président chinois Xi Jinping avait alors visité une usine de terres rares, un geste interprété comme une menace voilée d'embargo.
Ainsi, si pour les Occidentaux la Chine "fait peser des menaces sur la sécurité nationale", le discours de Pékin est qu'elle "investit" et "contribue au développement et à la protection de l'environnement", explique Marina Zhang, professeure associée à l'Institut des relations Australie-Chine de l'Université de technologie de Sydney. S'il est "très bien" de vouloir développer des chaînes d'approvisionnement indépendantes de la Chine, il est également peu probable que cela se fasse à court ou moyen terme, ajoute-t-elle.
Pourquoi la Chine est-elle en pointe ?
« Le Moyen-Orient a son pétrole, la Chine a ses terres rares ». Cette formule attribuée au Président chinois Deng Xiaoping souligne l'importance stratégique des métaux et minerais dans la transition énergétique.
La Chine est richement dotée, mais sa domination dans l'exploitation est "l'aboutissement d'une politique industrielle à long terme" et due aux "avantages tirés d'un retard dans la régulation des industries extractives", souligne Jane Nakano, chercheuse à Washington au Centre international d'études stratégiques (CSIS).
Pékin a su, au fil des années et d'investissements publics massifs, maintenir un large réseau de raffinage des matériaux bruts, amenant aujourd'hui de nombreux producteurs sur la planète à y exporter leurs minerais.
La Chine a par ailleurs déposé davantage de brevets dans les terres rares que l'ensemble du reste du monde réuni, note Mme Nakano.