Brice Lalonde réagit à la composition du gouvernement Barnier. (©YS Corporate)
Brice Lalonde, Président d'Équilibre des Énergies, ancien ministre de l'Environnement et ancien ambassadeur chargé des négociations internationales sur le climat pour la France, a répondu à nos questions suite à l'annonce du gouvernement de Michel Barnier.
Quel regard portez-vous sur les personnes en charge de l'énergie dans le nouveau gouvernement ?
Les personnalités choisies pour s'occuper des sujets énergie-climat constituent un bon signal.
Agnès Pannier-Runacher a été une excellente ministre en charge de l'énergie. Olga Givernet a rédigé un rapport sur la sobriété énergétique(1) et a une formation scientifique (dans l'aviation). Enfin le nouveau ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie Antoine Armand a été rapporteur de la Commission d'enquête sur la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France(2) et il a écrit un livre « Le mur énergétique français » sur cette question.
Cette triplette connaît donc bien le sujet. Et Michel Barnier a ses lettres de noblesse environnementales. Mais leur action intervient dans une situation politique extraordinairement tendue, avec un budget contraint.
Quelles sont les priorités sur les sujets énergie-climat ?
Le sujet numéro un, c'est : comment électrifier le pays pour accélérer la décarbonation ? L'électricité doit être libérée du carcan dans lequel elle se trouve depuis le Grenelle. Et si on commence à alourdir le prix de l'électricité, à l'image du projet de « taxe EDF » en France, cela revient au contraire de ce qu'il faut faire.
Il faut disposer d'un prix de l'électricité compétitif, réinvestir dans de nouvelles capacités de production. Le solaire devrait notamment bénéficier d'un programme spécifique, et il ne faut pas alourdir son coût avec des restrictions permanentes comme la réduction des surfaces. Il faut aussi des conditions simplifiées en matière d'agrivoltaïsme.
Avec la hausse des productions solaires, le projet de réforme heures creuses/heures pleines va dans le bon sens, l'électricité n'ayant de valeur que lorsqu'elle est utilisée. La question de la péréquation tarifaire va aussi se poser.
Dans les bâtiments, le coefficient de conversion de l'électricité est un autre chantier majeur. La performance énergétique des bâtiments devrait être calculée en énergie finale. Puisqu'elle l'est en énergie primaire, le coefficient de conversion de l'électricité ne devrait pas être de 2,3 comme actuellement (il a été de 2,58 dans le passé) mais être a minima rabaissé à 1,9 (recommandation par défaut au niveau de l'Union européenne(3)). La consommation de bâtiments chauffés à l'électricité est arbitrairement doublée et de nombreux logements classés en « passoires énergétiques », avec leurs chauffages électriques, ne le méritent pas.
Qu'attendez-vous de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) attendue de longue date ?
La PPE devrait faire passer 25% à 60/65% la part de l'électricité dans la consommation finale d'énergie. Nous avons été un peu désinvoltes dans la fixation des objectifs de décarbonation jusqu'ici, il faut éviter tout volte-face et avancer avec une persévérance méthodique. Notamment sur la taxe carbone à laquelle il faut réfléchir à nouveau.
Quelles évolutions fiscales recommandez-vous ?
L'une des difficultés qui attend le gouvernement est de trouver comment remplacer les revenus fiscaux issus de la consommation de pétrole. Une prochaine étape de la fiscalité sera de taxer des produits issus du sous-sol à leur première utilisation, en encourageant le recyclage.
L'ETS (marché carbone européen) va aussi être élargi. Il faut que l'État accepte que les revenus associés à ces dividendes carbones ne reviennent pas à l'État mais fassent l'objet d'une redistribution pour une fiscalité acceptable.