Étapes de migration des hydrocarbures conventionnels et de ceux de réservoir compact (©Connaissance des Énergies)
Définition
Le gaz et le pétrole (ou huile) de réservoir compact, appelés tight gas et tight oil en anglais, sont des hydrocarbures contenus dans des couches de roches réservoirs très peu poreuses et très peu perméables. L’extraction de ces hydrocarbures est par conséquent difficile, bien que la nature géologique de ces couches soit traditionnelle pour la recherche pétrolière.
Notons que les hydrocarbures de réservoir compact concernent des hydrocarbures ayant migré hors de la roche-mère, contrairement à ceux de « schiste ». Le périmètre circonscrit par la notion de « tight » reste toutefois flou. Les valeurs limites de porosité et de perméabilité qui fixent le caractère non conventionnel évoluent avec les progrès de la technique et en fait ces réserves finiront en partie par être comptabilisées en réserves conventionnelles. La distinction entre tight et conventionnel n’est donc pas figée.
Étapes de migration des hydrocarbures conventionnels et de ceux de réservoir compact (©DR)
Nécessitant le recours à des techniques spécifiques pour les produire, les hydrocarbures de réservoir compact sont classifiés dans la catégorie des « non conventionnels ». On inclut également dans cette catégorie le gaz et l’huile dits de schiste (shale gas et shale oil en anglais), le gaz de houille (coalbed methane ou CBM), les schistes bitumineux (oil shales), les sables bitumineux (tar sands ou oil sands) ou encore les hydrates de méthane (natural gas hydrates).
Formation et exploitation
Formation des hydrocarbures de réservoir compact
Les hydrocarbures de réservoir compact peuvent être contenus dans des gisements particuliers, souvent de petite taille, situés dans des couches très peu poreuses et très peu perméables. Ils peuvent aussi se trouver dans des zones périphériques de gisements conventionnels.
Porosité
La porosité d’une roche correspond au rapport entre le volume des vides qui existent dans une roche et le volume total de cette dernière. Elle est exprimée en pourcentage. Dans le cas des réservoirs tight, la porosité de la roche est souvent inférieure à 1% (alors que la porosité est supérieure à 10%, parfois plus dans le cas des réservoirs conventionnels).
Les roches du sous-sol en s’enfonçant au cours des temps géologiques « se compactent » sous l’effet de l’accumulation de nouvelles couches sédimentaires les surplombant. Le volume des pores dans les roches diminue alors progressivement au fur et à mesure de leur enfouissement.
Perméabilité
La perméabilité est un second paramètre important pour apprécier un réservoir géologique. Elle mesure la résistance du milieu à l’écoulement des hydrocarbures. Elle est exprimée en Darcy. La « compaction » des roches s’accompagne d’une recristallisation qui diminue fortement la connectivité des pores et donc la perméabilité. Les réservoirs tight présentent des perméabilités inférieures au millidarcy et ont ainsi des caractéristiques a priori défavorables à une extraction classique d’hydrocarbures. La perméabilité des différents gisements conventionnels est nettement supérieure au millidarcy, mais peut fortement varier.
La perméabilité des réservoirs d'hydrocarbures de réservoir compact est très faible. Elle est inférieure à celle des briques. (©DR, d'après Total)
Des valeurs conventionnelles de porosité et de perméabilité avaient été retenues aux États-Unis comme indicateurs du caractère conventionnel ou non d’un gisement pour l’attribution de crédits d’impôt. Selon ce critère, la notion de « tight » dépend toutefois directement de la nature des hydrocarbures que l’on souhaite extraire. Ainsi, un réservoir avec des caractéristiques de porosité et de perméabilité données va être tantôt considéré comme « tight » lorsqu’il contient du pétrole (moins facile à mettre en production) et tantôt considéré comme conventionnel s’il contient du gaz. Comme indiqué précédemment, la notion de « tight » reste relative et il est parfois très difficile de définir si les hydrocarbures extraits proviennent de réservoirs compacts ou de mauvais réservoirs conventionnels.
Exploration et exploitation des hydrocarbures de réservoir compact
Durant la phase d’exploration, il est pratiquement aussi difficile d’identifier et d’apprécier les réserves en hydrocarbures d’un réservoir compact que celles d’un gisement de gaz de schiste en raison des caractéristiques des roches qui les renferment (bien que la porosité et la perméabilité des gisements de tight soit supérieure à celle des gisements de « schiste »). Une fois repérés, les gisements peuvent être exploités en ayant recours à des techniques particulières telles que la fracturation hydraulique et le forage horizontal (qui permet le multifracking). Bien qu’elles soient désormais maîtrisées, ces techniques restent coûteuses pour l’opérateur.
La fracturation hydraulique est effectuée dans des conditions similaires dans le cadre de l’exploitation d’hydrocarbures de réservoir compact et dans celui d’hydrocarbures de schiste : un fluide sous haute pression est injecté dans la couche rocheuse afin de la fissurer. La pression du puits est ensuite abaissée afin que les hydrocarbures s’écoulent hors de la roche vers le puits, sous l’effet du différentiel de pression.
Le flux de remontée des hydrocarbures de réservoir compact reste limité en raison de la faible perméabilité de la couche rocheuse. Parmi les additifs chimiques utilisés dans les opérations de préparation d’un puits, certains ont pour but d’augmenter ce flux afin d’optimiser les coûts d’exploitation du gisement.
Gisements
Gaz
Les réserves « conventionnelles » de gaz techniquement recouvrables dans le monde sont estimées par l’AIE à l’équivalent de 130 ans de consommation mondiale au rythme actuel (environ 190 000 milliards de réserves prouvées et 230 000 milliards de m3 de réserves non prouvées ou possibles).
Dans le monde, l’AIE évalue le volume des réserves techniquement recouvrables de gaz de réservoir compact à 76 000 milliards de m3 de gaz, soit l’équivalent de 23 ans de consommation gazière mondiale.
Aux États-Unis, des gisements sont en exploitation depuis de nombreuses années et la production de tight gas dans ce pays constitue 26 % de la production gazière nationale(1).
Les autres réserves « non conventionnelles » techniquement recouvrables sont estimées à 208 000 milliards de m3 de gaz de schiste et 47 000 milliards de m3 de gaz de charbon.
Réserves de gaz techniquement recouvrables dans les 15 premiers pays en disposant, à fin 2011 (©DR, d'après AIE)
Pétrole
Peu de données fiables sont disponibles à ce jour. Aux États-Unis, pays le plus avancé dans l’exploitation, la production de pétrole de réservoir compact (tight oil) constituerait aujourd’hui près de 11% de la production américaine de pétrole selon l’EIA (US Energy Information Administration).
Les principaux gisements de pétrole de réservoir compact identifiés sont situés :
- aux États-Unis (formations de Bakken dans le Dakota du Nord, Niobrara dans les Rocheuses, Barnett et Eagle Ford dans le Texas) ;
- en Australie (Coober Peby) ;
- en Russie (Bazhenov, Achimov) ;
- au Mexique (Chicontepec) ;
- dans le Golfe Persique et en Syrie (R’Mah).
Évolution de la production mondiale de gaz dit « non conventionnel » (©DR, d'après AIE)
A l’horizon 2020, l’AIE prévoit que la production mondiale de gaz de réservoir compact atteindra entre 200 et 280 milliards de m3 par an, soit l’équivalent de près d’un mois de consommation de gaz dans le monde au rythme actuel.
Inconvénients
Contraintes économiques
Lors de l’exploitation de gisements « non conventionnels », la préparation d’un puits peut représenter près de 60% du coût total d’exploitation contre 15% en moyenne pour un forage « conventionnel » vertical dans une formation située à la même profondeur. Cela est notamment dû aux opérations de fracturation et aussi au recours au forage horizontal qui nécessite un nombre plus important de tubages. Par exemple, un puits vertical d’un gisement « conventionnel » de 2 000 mètres de profondeur nécessite 2 000 mètres de tubes. Lorsqu’un forage horizontal est effectué, toute la partie horizontale nécessite en général 1 000 à 3 000 mètres de tubes supplémentaires.
Pour l’exploitation d’un puits situé aux États-Unis, le coût d’une multi-fracturation hydraulique se situe entre 1 et 4 millions de dollars selon l’AIE. En Europe, on estime que les coûts d’extraction pourraient être 30% à 50% plus élevés qu’aux États-Unis où la technologie est désormais mature et où se trouve aujourd’hui près de la moitié des plateformes de forage dans le monde. Notons que l’amélioration des techniques permet d’augmenter la rentabilité de certains gisements et d’en mettre d’autres en production.
Le prix des hydrocarbures sur les marchés conditionne la mise en exploitation de gisements d’hydrocarbures de réservoir compact.
Défis environnementaux
Selon certains analystes, l’exploitation d’hydrocarbures de réservoir compact générerait davantage de gaz à effet de serre que celle des hydrocarbures « conventionnels » en raison :
- du plus grand nombre de puits nécessaires par m3 de gaz produit et de fracturations hydrauliques (opérations énergivores et émissives de gaz à effet de serre même si l’usage des moteurs diesel a été progressivement abandonné) ;
- de l’aération (« venting ») et du torchage (« flaring ») sur ces gisements essentiellement durant les opérations temporaires de préparation des puits.
Notons que les quantités d’eau nécessaires pour extraire des gaz de réservoir compact (rapportées à la production) sont inférieures à celles généralement requises pour exploiter des hydrocarbures de schiste qui nécessitent une fracturation plus importante.
Consommation d'eau par unité d'hydrocarbure produit selon le type de gisement (©DR, d'après AIE)
Identification des ressources exploitables
Après avoir identifié des formations d’hydrocarbures de réservoir compact, le défi est d’en connaître le volume extractible et les coûts devant être engagés. Cela ne peut être précisé qu’après un début d’exploitation effective.