- Source : Jean-Louis Caffier
Vive la Watture ?
Avec un titre pareil, « Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat », Cédric Philibert était bien certain de déclencher débats, voire polémiques et il a très bien fait de le faire exprès ! En plus, le dessin de couverture représente des éoliennes et des panneaux photovoltaïques qui permettent à une voiture de se recharger sans soucis dans le garage de la maison. Comme raccourci, David Vincent face aux Envahisseurs n’aurait pas fait mieux.
Cette couverture est d’autant plus étonnante que cet ouvrage va beaucoup plus loin en offrant un panorama à 360 degrés de l’ensemble des questions liées à la mobilité électrique. Passionnant ! L’auteur connait bien le sujet. Il a travaillé pendant 20 ans sur le climat, puis sur les renouvelables à l’Agence internationale de l’énergie et poursuit ses travaux sur les ENR à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Ces compétences lui donne aujourd’hui toute légitimité pour endosser le costume de redresseur de torts des ENR. Il l’avait déjà sorti du pressing pour son précédent livre, « Éoliennes, pourquoi tant de haine ? »(1). Au volant de sa voiture électrique, il roule cette fois serein et fort de son enthousiasme pour cette révolution électrique qu’il imagine avec des voitures uniquement alimentées par les énergies renouvelables.
Au moins, c’est clair et Cédric Philibert assume. Et il ne tient pas du tout à la polémique systématique et stérile mais défend l’idée d’un débat apaisé : « cela passe forcément par une meilleure connaissance des sujets, et au-delà de la réhabilitation de la voiture électrique, la connaissance, c’est bien le but de ce livre ».
On peut remercier Cédric Philibert de faire reculer le « pour ou contre » si réducteur quand on évoque l’énergie, les éoliennes et les renouvelables, le nucléaire, le gaz, les batteries, et on en passe.
Et cet ouvrage propose justement de mesurer les atouts, les contraintes, les limites, les perspectives de tout ce qui fait la mobilité électrique qui ne se contente pas des voitures et n’oublie pas les cars, les bus, les utilitaires, les camions. Et nous voyageons entre les mines de cobalt ou d’uranium, entre les batteries et les bornes de recharge, entre la ville horizontale et la ville verticale, entre les émissions de CO2 et l’hydrogène « qui a perdu la bataille comme le Minitel face à Internet » !
En conclusion, rien n’est parfait à 100% dans la transition, mais il faut reconnaitre les progrès, en l’occurrence ceux de la voiture électrique face à sa concurrente thermique. On peut le faire en relativisant les problèmes qui sont réels mais devraient s’atténuer grâce à l’innovation : poids des voitures et des batteries, recharges, GES lors de la fabrication, terres rares en quantité limitée, prix…
Pour l’auteur, « un rêve est à portée de main, le gracieux tandem mobilité-renouvelable ».
Trois questions à l'auteur : Cédric Philibert
Le gouvernement et l’industrie automobile affirment s’engager sur la route du tout électrique avec le contrat stratégique de la filière signé début mai. C’est une réalité ?
Oui, il y a beaucoup d’éléments positifs, il y a clairement l’idée d’accélérer. C’est très important que l’État et les constructeurs travaillent ensemble. C’est intéressant par exemple de travailler sur le stockage de l’électricité renouvelable dans les batteries de voiture ou d’améliorer l’installation des bornes de recharge.
J’ai cependant une vraie réserve : les constructeurs gardent le moteur thermique non pas pour l’Europe où ce sera bientôt interdit mais pour l’exportation notamment vers le Mexique ou la Russie. C’est dommage.
Le frein principal au développement des voitures électriques, c’est le prix. Sommes-nous bien certains que les prix vont baisser ?
Oui, c’est certain ! Dans les premières années des voitures électriques, les constructeurs ont dépensé beaucoup en recherche et développement. Ils n’ont produit que du haut de gamme afin de placer leurs marges à un haut niveau. Ensuite, les prix ont commencé à baisser avec la Zoé puis la Spring.
Aujourd’hui, on attend des modèles électriques type R5 et les coûts vont baisser car ces voitures seront plus faciles à fabriquer. On peut prévoir à court terme des prix entre 20 et 25 000 €.
La lutte contre le changement climatique est-elle une vraie motivation chez les acheteurs ?
Indiscutablement oui. Mais attention au greenwashing. Les collectivités et les entreprises communiquent beaucoup sur les véhicules électriques pour faire croire qu’ils font ce qu’il faut d’une manière générale.
Pour les particuliers, c’est un double succès : si j’achète une Tesla, j’ai une voiture qui impressionne et en même temps, je suis écolo !
« Pourquoi la voiture électrique est bonne pour le climat », Cédric Philibert. Les Petits Matins, en partenariat avec l’Institut Veblen pour les réformes économiques (208 pages, 20 €).