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Les parlementaires ont validé mercredi - non sans quelque réserves - la candidature de Pierre-Marie Abadie pour prendre la tête de l'autorité de sûreté nucléaire, au coeur d'un projet de réorganisation controversée.
44 voix pour, 17 contre et beaucoup de votes blancs
Pierre-Marie Abadie, actuel directeur général de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), a recueilli au total 44 voix en faveur de sa nomination et 17 voix contre sur 61 suffrages exprimés au sein des deux chambres, l'Assemblée nationale et le Sénat, selon le dépouillement des votes effectué simultanément mercredi.
Le vote a toutefois été marqué par un nombre élevé de votes blancs : pas moins de 25 comptabilisés au terme des scrutins organisés le 16 octobre à l'Assemblée nationale puis mercredi au Sénat, au sein des commissions du développement durable des deux chambres.
"C'est un vote avec un certain nombre de réserves", notamment liées "à un problème de conflit moral" soulevé par certains parlementaires, a expliqué une source parlementaire à l'AFP. En cause : les actuelles fonctions de M. Abadie.
Familier des questions énergétiques, Pierre-Marie Abadie est depuis octobre 2014 le directeur général de l'Andra, organisme qui est le maître d'ouvrage du projet Cigéo d'enfouissement en profondeur des déchets les plus radioactifs du parc nucléaire français. Or, ce projet prévu à Bure, dans la Meuse, et initié par le gouvernement en 2006, est actuellement à l'instruction à l'ASN, le gendarme de la sûreté nucléaire.
Mais M. Abadie a promis qu'une fois nommé, il se déporterait du dossier et ne s'occuperait plus de Cigeo "sur l'ensemble du mandat de six ans". Il a aussi précisé qu'il ne participerait "à aucune des discussions et des décisions relatives aux installations et aux décisions qui concernent directement l'Andra".
Un calendrier « tendu »
Le nom de l'actuel directeur de l'Andra avait été proposé en mai par l'Elysée pour présider l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), puis la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), autorité unique qui remplacera l'ASN à partir du 1er janvier 2025.
Une fois sa nomination entérinée par un décret du président de la République publié au Journal officiel, Pierre-Marie Abadie succèdera à la présidence de l'ASN à Bernard Doroszczuk, dont le mandat, non renouvelable, s'achève le 12 novembre.
M. Abadie devra alors s'atteler aux dernières étapes du processus de création au 1er janvier de l'ASNR, issue de la fusion contestée entre l'ASN, gendarme des centrales nucléaires, et l'IRSN, l'institut expert du secteur, tous deux nés au début des années 2000 des leçons de l'accident de Tchernobyl.
La création de l'ASNR, décidée à l'Elysée, a été approuvée au Parlement début avril au terme d'une bataille parlementaire et d'une vive opposition tant des syndicats que d'associations, inquiets de voir mises à mal l'information du public et la séparation entre expertise et décision. La loi, qui vise à "fluidifier" les décisions relatives aux défis immenses de la relance du nucléaire, a été promulguée le 22 mai.
Compte tenu des délais serrés entre cette promulgation et la création effective de l'ASNR, l'actuel président de l'ASN Bernard Doroszczuk avait évoqué un calendrier "tendu" et des incertitudes à lever comme un manque de 37 millions d'euros sur le budget de l'autorité.
Au printemps, le choix de la personnalité de M. Abadie, haut fonctionnaire expert de l'énergie, avait été salué par l'IRSN. En revanche, les opposants au projet Cigéo, y ont vu "un parfum de conflit d'intérêts".
"De légitimes interrogations se font jour sur l'opérationnalité de l'ASNR au début de l'an prochain et sur d'éventuels conflits d'intérêts", a résumé mercredi Pascal Martin, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable au Sénat, avant d'entendre M. Abadie sur sa feuille de route des prochaines semaines.
"Il faut tout faire pour démarrer au 1er janvier l'ASNR. C'est un enjeu, on le doit aux personnels", a déclaré le dirigeant, en fixant comme priorité d'"assurer les fonctions essentielles de l'institution". "Il n'y a pas de fonctionnement dégradé pour la sûreté", a-t-il aussi promis.