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Le PDG d'EDF Luc Rémont, évincé vendredi par Emmanuel Macron, lèguera une pile de dossiers sensibles à son potentiel successeur désigné par l'Etat Bernard Fontana. Tour d'horizon des sujets chauds qui ont alimenté ces derniers mois des disputes entre l'Etat et EDF.
La décision de l'Elysée a mis en lumière les profondes divergences entre EDF et son actionnaire unique l'Etat sur les sujets stratégiques du financement des nouveaux réacteurs nucléaires et le prix de l'électricité.
Le prix de l'électricité nucléaire
Dès son arrivée à la tête de l'électricien en novembre 2022, Luc Rémont s'est employé avec force à défendre les intérêts de l'entreprise repassée à 100% sous le giron de l'Etat, pour qu'elle redevienne rentable afin d'affronter le mur d'investissements nucléaires. Au risque d'irriter l'exécutif qui a vu en EDF le "bras armé" de sa politique énergétique.
Les divergences se sont notamment cristallisées sur la question du coût de l'électricité pour les grands industriels, à partir de 2026.
Des fonderies d'aluminium à la chimie, ces grandes industries très énergivores dites "électro-intensives" bénéficient de tarifs d'électricité à prix cassé jusqu'à fin 2025, date d'extinction du système dit Arenh.
Pour remplacer ce mécanisme et définir un nouveau cadre, l'Etat et EDF ont négocié en novembre 2023 un accord, selon lequel EDF peut vendre son électricité plus librement avec un prix cible de 70 euros en moyenne du mégawattheure sur 15 ans assorti d'un mécanisme de redistribution aux consommateurs en cas de prix élevés d'EDF.
Pour les grands industriels "électro-intensifs", EDF devait conclure des contrats de long terme à prix préférentiel, mais ces négociations ont tourné au bras de fer. Fustigé par les industriels pour ses prix jugés prohibitifs, EDF s'est aussi attiré les foudres de l'Etat soucieux d'éviter une désindustrialisation.
Avec deux seuls contrats signés, le compte n'y est pas pour l'Etat qui s'est dit "attentif à ce que les engagements de novembre 2023 soient tenus". "Ca fait évidemment partie de la feuille de route du PDG", a souligné vendredi une source gouvernementale. Lundi, l'Uniden, l'organisation qui réunit ces industriels, a dit espérer parvenir "avant l'été" à un accord sur le prix.
La relance nucléaire
Les discussions se sont également tendues sur le chantier industriel de la relance du nucléaire, annoncée en février 2022 par Emmanuel Macron, six réacteurs nucléaires EPR2 pour faire de la France la "première nation industrielle décarbonée d'Europe".
Mais le devis définitif d'EDF - fixant l'estimation du coût et les délais - se fait toujours attendre, tandis que l'échéance pour la mise en service du premier réacteur à Penly est désormais repoussée de 2035 à 2038.
De quoi pousser le conseil de politique nucléaire réuni par Emmanuel Macron le 17 mars, à lancer un "suivi renforcé" du projet par le gouvernement. EDF doit "amplifier les actions de maîtrise des coûts et du calendrier" et "présenter d'ici la fin de l'année un chiffrage engageant, en coûts et en délais", une tâche qui reviendra à M. Fontana.
L'Etat a mis en avant l'arrivée d'"échéances majeures" telles que la "décision finale d'investissements" attendue en 2026, indispensable pour lancer le chantier. D'où le besoin d'accélérer. Ces derniers mois, le patron d'EDF estimait lui qu'il était plus prudent de temporiser, faute de visibilité sur le partage des coûts d'un chantier estimé à 79,9 milliards d'euros, voire 100 milliards d'euros, en incluant la dette.
Et comment la financer
Le conseil de politique nucléaire a esquissé les grandes lignes du schéma de financement, prévoyant un prêt à taux zéro pendant la durée de construction assorti d'un mécanisme de prix garanti par l'Etat.
Mais les modalités précises n'ont pas pu être validées, faute de finaliser les discussions entre EDF et Luc Rémont sur le partage des coûts. "Je n'ai pas été entendu", a dit le PDG au Figaro, dimanche. Luc Rémont militait pour un prêt à taux zéro sur l'ensemble de la durée de remboursement et pour un "pacte de confiance". Autrement dit, selon une source proche du dossier, une sorte de "contral moral" dans lequel l'Etat s'engagerait à ne pas augmenter les taxes ou impôts sur le nucléaire durant cette période.