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Le tourisme, dont la croissance spectaculaire devrait se poursuivre, représente désormais 8% des émissions de gaz à effet de serre, pesant plus lourd sur le climat qu'on ne l'avait jusqu'ici estimé, selon une étude parue lundi.
Entre 2009 et 2013, l'empreinte mondiale du secteur est passée de 3,9 à 4,5 gigatonnes équivalent CO2 (GtCO2e), soit +15%, soit quatre fois plus que ce que les évaluations précédentes laissaient envisager, ont calculé des chercheurs, dont l'étude est publiée dans Nature Climate Change.
Il faut dire que sur ces cinq années, les dépenses touristiques dans le monde sont passées de 2.500 mds de dollars à 4.700 mds. Une demande telle qu'elle ne peut être compensée par les efforts menés pour verdir l'activité, notent les auteurs, qui basent leurs projections sur une croissance annuelle du secteur de 4% jusque dans les années 2025 au moins.
"Le tourisme, vu sa croissance et son intensité carbone, va représenter une part grandissante des émissions mondiales de gaz à effet de serre", préviennent-ils, appelant à une surveillance continue de la situation.
Les auteurs, qui ont étudié le cas de 160 pays, constatent que l'impact du tourisme, national ou international, vient pour une large part de pays à revenus élevés (notamment via les transports aériens -- 20% des émissions touristiques).
Mais la hausse la plus remarquable est liée aux régions à revenus moyens.
"Nous voyons la demande touristique venue d'Inde et de Chine croître rapidement, et nous nous attendons à ce que la tendance se poursuive au cours de cette décennie", explique Ya-Yen Sun, de l'Ecole de commerce de l'Université du Queensland, co-auteur.
"Outre la taille de la population, ce qui est préoccupant est que les gens tendent à voyager plus loin, plus fréquemment, et par avion, avec des revenus accrus", ajoute l'universitaire. "Réduire les émissions du transport est donc un point clé".
- "Plus près de chez soi"? -
En 2013, les Etats-Unis affichaient la plus forte empreinte carbone touristique, suivis de la Chine, l'Allemagne, l'Inde, le Mexique et le Brésil.
En revanche, les habitants des îles et de destinations populaires comme la Croatie, la Grèce ou la Thaïlande, subissaient le plus fort impact généré par des visiteurs étrangers.
L'impact vient des transports, mais aussi des biens et services consommés (logement, alimentation, shopping...).
De précédentes évaluations n'incluaient pas certains pans soutenant indirectement ces activités (la déforestation par exemple) ni tout le cycle de vie des biens et services, notent les auteurs.
"Notre analyse offre une vision inédite du coût réel du tourisme", dit Arunima Malik, de l'Université de Sydney.
Les projections à 2025 vont de 5 GtCO2e à 6,5 GtCO2e. Cela dépendra des mesures prises.
"C'est dans l'intérêt de l'industrie du tourisme" de réduire ses émissions, a dit lundi à Bonn Patricia Espinosa, secrétaire climat de l'ONU, en marge d'une session de discussions climatiques. "Parce que beaucoup de ce qu'elle +vend+ dépendra de la préservation de l'environnement".
Jusqu'à présent ni les incitations à "voyager responsable" ni les technologies n'ont permis de faire bouger les choses.
"Les changements de comportement de la part des voyageurs (voyager moins, plus près de chez soi, ou même régler une compensation carbone) s'avèrent lents et marginaux", dit Ya-Yen Sun. Et si l'on peut espérer des "améliorations technologiques", par exemple en terme d'efficacité énergétique, "les progrès restent lents".
Imposer une taxe carbone ou un système d'échanges de quotas d'émissions, notamment aux services aériens, pourrait se révéler indispensable, "pour accroître la pression", notent les auteurs.
Les voyages internationaux et notamment les vols long-courriers comptent parmi les secteurs les plus florissants. Le nombre total de passagers devrait quasiment doubler d'ici 2036, à 7,8 milliards par an, selon l'IATA, l'Association internationale du transport aérien.
L'aviation représente près de 2% des émissions de CO2 générées par les activités humaines.
Adopté fin 2015 par la communauté internationale, l'accord de Paris, qui vise à maintenir le réchauffement sous 2°C par rapport à la Révolution industrielle, ne prend en compte ni l'aviation ni le tourisme.
A ce stade, les engagements des pays, s'ils sont tenus, conduisent le monde à au moins +3°C, selon les chercheurs.