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La banque Crédit Agricole a été attaquée mardi par plusieurs ONG qui l'accusent de ne pas respecter ses engagements sur le charbon. Au-delà de ce cas particulier, c'est la crédibilité des promesses de l'ensemble du secteur qui se joue, estiment les associations.
Selon une étude menée par l'agence de recherche à but non lucratif néerlandaise Profundo, les investisseurs institutionnels détenaient à fin novembre 2021 un total de 1.200 milliards de parts dans les quelque 1.000 entreprises du charbon. Et ils ont versé 1.500 milliards de dollars de financements "sous la forme de prêts et d'émissions d'actions et d'obligations", entre janvier 2019 et novembre 2021.
"Au-delà des montants astronomiques, la recherche fait ressortir plusieurs manquements, anomalies ou violations manifestes des mesures annoncées par les acteurs financiers dans leurs politiques sectorielles adoptées volontairement pour encadrer leurs services à ce secteur", fustige Les Amis de la Terre dans un communiqué.
Crédit Agricole est la première banque à se faire épingler de la sorte, mais Reclaim Finance, qui a mené l'étude, indique qu'elle "contrôlera dans les prochains mois l'application des politiques charbon des autres grands acteurs financiers français, puis internationaux".
Estimant que Crédit Agricole, avec "une stratégie climat digne de ce nom" adoptée en 2019, était une banque "pionnière" en matière de recul du financement de l'industrie du charbon, Reclaim Finance explique que c'est donc aussi l'établissement sur lequel on peut désormais avoir le plus de recul sur les promesses.
Parmi les groupes indûment financés par Crédit Agricole, d'après Reclaim Finance, l'ONG cite le suisse Glencore, les japonais Marubeni et Itoshu, ou encore le russe Rusal.
Concernant Marubeni, par exemple, "si la maison de négoce japonaise s'est engagée à sortir du charbon d'ici 2050, cette sortie est bien trop tardive puisqu'elle intervient 10 ou 20 ans après ce que demande la science climatique... et le Crédit Agricole dans ses propres politiques", dénonce l'ONG en affirmant que la banque a participé en 2021 à un prêt de plus de 500 millions de dollars accordé à Marubeni.
Contrôler et sanctionner
Contactée par l'AFP, la banque affirme qu'"une période transitoire pour les années 2020 et 2021 est explicitement prévue avec une application progressive" et que la période d'observation vient de s'achever.
Si une période transitoire est bel et bien prévue dans sa politique climatique, Crédit Agricole avait également indiqué en mars 2020 attendre de ses clients "qu'ils développent et lui communiquent un plan de retrait conforme au calendrier préconisé par la science climatique (2030 pour les pays de l'Union Européenne et l'OCDE, 2040 pour le reste du monde), comprenant l'engagement à ne pas développer de nouveaux projets", condition nécessaire "pour la poursuite des services financiers à partir de 2021".
"Ce à partir de 2021 devait donc se comprendre, selon Crédit Agricole (comme)... +à partir de 2022+", ironise Les Amis de la Terre.
Reclaim Finance rappelle l'engagement du ministre de l'Economie Bruno Le Maire, en 2018, de contraindre les banques à sortir du charbon, si elles ne le faisaient pas elles-mêmes.
"Il est grand temps de passer de la menace aux actes: l'État doit contrôler et sanctionner les acteurs financiers qui ne renonceraient pas à soutenir la folle expansion des énergies fossiles", exige Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, la Fédération bancaire française a tenu à rappeler que "les chiffres témoignent d'avancées concrètes".
Selon elle, le financement des entreprises impliquées dans le charbon "ne représente plus que 2,1 milliards d'euros, soit 0,16% du portefeuille" des grandes banques françaises quand celui du renouvelable atteint en 2020 plus de 44,3 milliards, en augmentation de 68% en 4 ans.
Malgré un dialogue soutenu, les banques et les ONG s'affrontent régulièrement sur le terrain du climat, les premières vantant leurs avancées, les secondes dénonçant le "greenwashing".
Lundi, c'est l'ONG britannique ShareAction qui avait dénoncé les milliards de dollars injectés par les banques européennes, dans des compagnies développant la production de pétrole et de gaz, en dépit de leurs engagements en faveur du climat, pointant notamment les britanniques HSBC et Barclays, suivies par la française BNP Paribas.