Centrafrique: vivre à Bangui, entre pénurie d'eau et électricité

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Une file de bidons jaunes et bleus s'étire sur une centaine de mètres à l'approche d'un des sept forages du quartier excentré de Galabadja.

A Bangui, la pénurie d'eau marque chaque saison sèche, aggravée cette semaine par une panne majeure d'électricité.

"Parfois, j'attends toute la journée, et je repars sans eau, le linge du bébé peut rester deux ou trois jours dans une bassine sans que je puisse le laver", dit Jolinette Gaba, 24 ans, soucieuse pour son nourrisson de sept mois.

Aujourd'hui, la file est moins longue: "les familles ont profité des pluies d'hier soir pour remplir leurs bassines, elles ne reviendront que cet après-midi quand elles auront épuisé leurs réserves", note Jean-Prospère Bissengue, président d'une association locale.

Tractés par des chariots à bras, petites cases en acier montées sur deux roues, les réceptacles s'alignent le long d'un caniveau. Sous l'ombre des manguiers, la chaleur est supportable, 28°en ce début de matinée. L'après-midi le thermomètre dépasse les 40°.

Une moto-pompe rugit pour extraire l'eau jaillissant d'un tuyau à l'extérieur d'une propriété privée, un employé remplit les contenants. Le prix du bidon a été multiplié par quatre, compte tenu notamment des coûts du carburant.

Gab Bogeul attend. "Je suis venu dès 3H00 avec 18 bidons mais pour l'instant, je n'ai pu en remplir aucun", dit ce vendeur ambulant, 36 ans, interrogé en début de matinée.

"D'habitude, je vends pour 7.000 francs CFA de savons par jour. Maintenant, c'est plutôt 3.000, nous avons dû réduire les rations alimentaires à un seul repas par jour", dit-il.

Les problèmes d'eau sont monnaie courante dans cette capitale aux rues poussiéreuses.

Ici le développement a été entravé par des années de guerre civile mais aussi par les défaillances de gouvernance. En saison sèche, les puits se tarissent, de février à mai c'est l'afflux vers les points privés à pompe manuelle ou mécanisée, jusqu'à ce que les pluies s'intensifient.

La Société de distribution d'eau de Centrafrique (SODECA) a installé aux frais des habitants un réseau d'eau dans la concession de ceux qui peuvent soutenir la dépense. Cependant, faute d'électricité, l'extraction des eaux de la rivière Oubangui a été entravée.

-"Activités bloquées"-

Une panne technique majeure perturbe en effet le réseau électrique depuis lundi dans plusieurs quartiers.

Les autorités ont promis de réparer rapidement. Mais commerces, administrations et écoles n'ont pu travailler normalement ces derniers jours.

C'est un désastre pour Patrick Kourama, vendeur de poisson et de volaille congelés au marché de Boy-Rabe. Dans son espace exigu, ses deux congélateurs et ses ventilateurs sont à l'arrêt. Seule la petite chaîne HIFI alimentée par un panneau solaire hurle une musique assourdissante dans le brouhaha des allées étroites. "Nos activités sont bloquées actuellement et l'argent ne rentre pas à cause des pertes des produits", dit il.

Le commerçant protège ses marchandises avec des cartons pour qu'elles ne se décongèlent pas trop vite" mais ne peut pas conserver ses produits plus d'une journée.

Le gouvernement a promis dès 2021 la construction de 50 châteaux d'eau à Bangui dont un pour alimenter le quartier de Galabadja. Mais seul un chantier a débuté.

Jolinette Gaba repart un bidon sur la tête, l'opération lui aura coûté 1.000 CFA (1,5 euro) pour 10 bidons. Dans ce pays d'Afrique centrale, un des plus pauvres au monde, plus de la moitié de la population vit avec moins de 2 euros par jour.

Fin décembre, le président Faustin Archange Touadera avait pointé "l'absence d'une politique énergétique rigoureuse pendant 40 années", avec pour conséquence "la faible production et distribution de l'énergie".

Les différents investissements, dont la construction d'une centrale solaire au nord de la capitale, n'ont pas suffi, la production se maintenant autour de 100 mégawatts pour un besoin estimé à 250 mégawatts dans le pays.

Élu en 2016, M. Touadéra a été réélu en 2020 après un scrutin perturbé par des groupes armés rebelles et entaché d'accusations de fraude. Il compte briguer un nouveau mandat lors de la prochaine présidentielle prévue en décembre. Ses opposants l'accusent de vouloir rester président à vie, avec la protection des mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner, déployés dans le pays depuis 2018.

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