L'Indonésie compte pour presque 90% de la production de charbon en Asie du Sud-Est et est l'un des principaux exportateurs mondiaux. Ici Jakarta. (source : Pixabay-Febri Amar)
Les 10 pays d'Asie du Sud-Est(1) constituent « une force motrice des tendances énergétiques mondiales » et devraient connaître la 2e plus grosse hausse de consommation d'énergie dans les décennies à venir (après l'Inde), selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui alerte sur les défis associés dans un nouveau rapport publié ce 22 octobre(2).
Une demande en forte hausse, s'appuyant sur les énergies fossiles
Depuis 2010, l'Asie du Sud-Est a compté pour près de 11% de l'augmentation de la consommation mondiale d'énergie mais cette région pourrait, compte tenu de sa croissance tant économique que démographique, « contribuer à plus de 25% de la hausse de la demande d'ici à 2035 », selon le scénario Stated Policies (STEPS) de l'AIE (trajectoire basée sur les politiques actuelles).
🗣 “The kind of decisions that will be made in Southeast Asia are very important. That's the reason I’m in Singapore to inaugurate @IEA’s 1st office outside of Paris”
In this @Bloomberg interview, @fbirol highlights Southeast Asia's growing role in the global energy system ⬇️ pic.twitter.com/yExXyRc19y— International Energy Agency (@IEA) October 22, 2024
D'ici à la moitié du XXIe siècle, la consommation d'énergie en Asie du Sud-Est devrait dépasser celle de l'Union européenne. Gros point noir d'un point de vue climatique : les énergies fossiles, charbon en tête, ont satisfait presque 80% des nouveaux besoins d'énergie en Asie du Sud-Est depuis 2010, selon l'AIE. Et la tendance actuelle pourrait rendre la région plus dépendante des importations d'énergies fossiles et entraîner une hausse d'un tiers des émissions de CO2 liées à l'énergie en Asie du Sud-Est d'ici à 2050.
Au total, le pétrole et le charbon comptent actuellement chacun pour environ un quart de la consommation d'énergie primaire en Asie du Sud-Est (près d'un cinquième pour le gaz).
Et les centrales à charbon - récentes, la moyenne d'âge du parc étant inférieure à 15 ans - génèrent à elles seules la moitié de l'électricité dans la région. Ce qui suscite une réelle inquiétude, compte tenu de la croissance rapide de la consommation d'électricité anticipée dans les années à venir (+ 4% par an), notamment en raison des besoins croissants de climatisation(3).
Quelles perspectives ?
L'AIE appelle à augmenter d'urgence les investissements dans les énergies bas carbone en Asie du Sud-Est : « à l’heure actuelle, la région dans son ensemble n’attire que 2% des investissements mondiaux dans les énergies propres, alors qu’elle représente 6% du PIB mondial, 5% de la demande énergétique mondiale et abrite 9% de la population mondiale ».
Pour que cette zone atteigne ses objectifs énergie-climat, elle devra quintupler ses investissements dans ce domaine (« 190 milliards de dollars étant nécessaires en 2035 »), juge l'AIE. Selon son scénario Stated Policies, les énergies bas carbone (en particulier l'éolien et le solaire photovoltaïque) pourraient satisfaire plus de 35% de la hausse de la demande énergétique d'ici à 2035. Une contribution insuffisante alors même que 8 des pays d'Asie du Sud-Est ont annoncé des objectifs de neutralité carbone (à l'horizon 2050 pour Brunei, le Cambodge, le Laos, la Malaisie, Singapour et le Vietnam ; en 2060 pour l'Indonésie ; en 2065 pour la Thaïlande).
Selon le scénario « Announced Pledges » de l'AIE (scénario dit « APS » considérant que tous les objectifs annoncés seront atteints à l'horizon donné), la consommation d'énergie en Asie du Sud-Est n'augmenterait « que » d'environ 40% d'ici à 2050. Et la contribution des énergies renouvelables dans ce mix pourrait plus que doubler d'ici à 2035.
Dans le scénario de neutralité carbone de l'AIE (scénario « NZE », non représenté ci-dessus), la consommation d'énergie renouvelable en Asie du Sud-Est ne serait supérieure que de 6% en 2050 au scénario « APS » mais des efforts bien plus importants seraient nécessaires pour réduire la demande globale d'énergie (avec des progrès accrus en matière d'efficacité énergétique).
L'AIE intègre également dans tous ses scénarios quelques projets nucléaires dans la région d'ici 2050 (notamment en Indonésie et au Vietnam qui envisagent le développement de cette énergie) mais la contribution de l'atome restera dans tous les cas limitée (environ 1% du mix électrique de la région en 2050 dans le scénario STEPS et 2% dans le scénario APS).