Après le parc éolien de Planèze, CNR souhaite étendre progressivement le mécanisme de financement participatif à d’autres de ses projets d’énergies renouvelables. (©CNR)
Le 17 janvier dernier, CNR (Compagnie Nationale du Rhône) a annoncé le futur lancement en mars de sa première campagne de financement participatif portant sur un parc éolien en Ardèche. Des investissements citoyens de ce type se développent de plus en plus pour contribuer au développement des énergies renouvelables. Explications.
Une collecte de 200 000 euros pour le parc éolien de Planèze
Situé sur la commune de Saint-Georges-Les-Bains en Ardèche, le parc de Planèze sera constitué de 5 éoliennes d’une puissance totale cumulée de 11,5 MW. Il doit permettre de produire près de 20,5 GWh d’électricité par an (facteur de charge de 20,3% attendu), soit de quoi satisfaire les besoins électriques (chauffage inclus) de 8 500 personnes par an. Jusque-là, rien de très surprenant.
Ce parc va toutefois faire l’objet d’une collecte de financement participatif organisée par l’exploitant CNR, 1er producteur français d’électricité d’origine renouvelable (essentiellement grâce à ses barrages hydroélectriques). Cette campagne aura lieu du 1er mars au 31 mai et vise à récolter 200 000 euros de fonds (le coût total du projet est de 13,2 millions d’euros), ce qui correspond au financement de deux pales d’une éolienne.
L’intérêt semble assez évident en matière d’acceptabilité locale, notamment pour éviter les réactions de type Nimby face à des éoliennes dont la hauteur avoisine 100 m. Toutefois, le projet se trouve déjà à une étape avancée puisque sa construction a déjà débuté à l’été 2016. La mise en service du parc est prévue à l’été 2017, soit peu de temps après la fin de la collecte. Dans un premier temps, les riverains seront les seuls à pouvoir apporter une contribution au projet, puis la campagne de financement sera étendue aux salariés de CNR (à partir du 31 mars) et enfin au « grand public » (à partir du 2 mai).
Des souscriptions comprises entre 10 et 10 000 euros
C’est la société Enerfip qui est chargée de mettre en œuvre la collecte citoyenne pour le projet de Planèze. Créée en 2014, cette plateforme de financement participatif « dédiée à la transition énergétique » a déjà accompagné une dizaine de projets (pour un montant total de 1,2 million d’euros collectés). Les campagnes de financement participatif qu’elle coordonne s’effectuent sous forme de prêts obligataires(1).
Pour le parc de Planèze, la souscription de chaque contributeur doit être comprise entre 10 et 10 000 euros. Enerfip a mis en place certains jours des permanences d’information et d’investissement en Ardèche, offrant la possibilité aux riverains de payer sur place.
Les investisseurs citoyens percevront une rémunération « trimestrielle pour les intérêts, avec un remboursement du capital investi in fine (à l’échéance de la durée du prêt) », indique CNR. La rentabilité de l’investissement pourra être suivie sur le site d’Enerfip(2). Parmi les différents projets sélectionnés sur la plateforme, les rémunérations sont comprises entre 4% et 7% par an sur des durées de 2 à 5 ans.
Un signe de la décentralisation des problématiques énergétiques
Pour Jean-Marie Chevalier, Professeur émérite à l’Université Paris-Dauphine, le financement participatif « correspond à une progressive décentralisation des problématiques énergie-climat ». Ces campagnes de financement témoignent de l’envie des citoyens « de participer et de promouvoir des approches plus locales, plus innovatrices, moins intenses en carbone, plus utilisatrices de ressources locales et de leur combinaisons ou complémentarités ». Selon lui, la dimension financière « renforce et approfondit cette approche; elle apparaît aussi comme une garantie supplémentaire », citant des initiatives de ce type en Bretagne et en Poitou-Charentes.
Les pionniers du prêt participatif par internet pour des projets d'énergie renouvelable ne sont toutefois pas français mais anglais (Abundance en 2009) et américains (Solar Mosaic en 2010). Les Pays-Bas sont également « précurseurs », indique Enerfip qui cite entre autres « le célèbre projet éolien en equity de De Wind Centrale(3) qui a permis de lever 1,3 million d'euros en 13 heures en 2013 ».
Le Danemark, où « plus de 50% des projets éoliens font l’objet d’un financement citoyen » selon Enerfip, est également très attaché au modèle participatif. En Allemagne, Jean-Marie Chevalier rappelle le rôle central des « Stadtwerke » (entreprises communales de statut public ou mixte) dans de telles initiatives.
En France, la société Enerfip dit observer une croissance exponentielle de sa communauté depuis plusieurs mois et est convaincue que ce mode de financement (sur des plateformes dédiées comme celles de la société ou de Lumo(4)) va se déployer à grande échelle et se pérenniser. Jusqu’ici, Enerfip indique avoir principalement sélectionné des projets d’énergie renouvelable « classiques » avec tarif d’achat réglementé (photovoltaïque et éolien en tête) mais envisage de s’ouvrir à d’autres secteurs, notamment dans le domaine de l’efficacité énergétique, afin de contribuer à cette grande « transition ».