Une raison de plus d’aller voter ce 9 juin…

Portrait Phuc-Vinh NGUYEN

Chercheur politique française et européenne de l’énergie

En 2019, une forte mobilisation dans la rue (marche pour le climat) puis dans les urnes avaient permis de légitimer démocratiquement l’accélération de la lutte contre le changement climatique, conduisant le Pacte vert européen à être érigé au rang de première priorité de la Commission von der Leyen. En 2024, les élections européennes pourraient-elles sonner son glas ?

À quelques jours du scrutin électoral, les projections semblent formelles. Une montée de l’extrême droite européenne, dans la lignée de ce qui s’observe dans de nombreux pays européens (Pays-Bas, Italie, Suède), est attendue. Elle s’explique en partie par la capacité avérée d’une partie de la droite conservatrice et radicale à instrumentaliser et capitaliser sur une supposée opposition aux normes environnementales à l’instar de l’épisode de « colère des agriculteurs ».

Pourtant, dès lors que l’équilibre politique qui résultera des élections européennes déterminera une grande partie de l’ambition climatique de l’Union européenne (UE) pour les prochaines années, commenter par anticipation une victoire des droites a eu pour conséquence de leur permettre d’imposer les termes du débat. Cela fut d’autant plus facilité par l’apathie d’une partie des forces progressistes à défendre le Pacte vert européen. À titre d’exemple, en parlant de « pause réglementaire »(1) sur les normes européennes environnementales en mai 2023, Emmanuel Macron a pu contribuer à légitimer les arguments populistes de l’extrême droite européenne.

C’est donc avec cette nouvelle configuration politique que devront vraisemblablement composer les défenseurs du Pacte vert européen pour les cinq prochaines années.

Dans un premier temps, il apparait essentiel de sécuriser les objectifs obtenus jusqu’à présent au sein du Pacte vert. Contrairement à ce que promet l’extrême droite européenne, « abroger » ce nouvel acquis communautaire vert ne sera pas possible.

D’un point de vue juridique, une analyse(2) des clauses de revoyure contenues dans le paquet FitFor55 démontre que la Commission européenne est la seule à disposer d’un pouvoir d’initiative permettant de rouvrir les dossiers.

D’un point de vue politique, si le Parlement européen devra avaliser la Présidente de la Commission européenne, l’extrême droite ne participera pas à un quelconque accord de coalition. Cette sauvegarde des cibles établis au cours de la mandature qui s’achève pourrait être permise en cas de formation d’une « grande coalition élargie », regroupant droite européenne (PPE), sociaux-démocrates (S&D), libéraux (Renew) et Verts européens.

Ces derniers, feraient office de force d’équilibre, conditionnant leur soutien plénier au fait que le Pacte vert ne soit pas détricoté. De son côté, le PPE verrait sa candidate officielle (Ursula von der Leyen) être approuvée, résultat qui ne serait pas garanti en cas d’alliance d’Ursula von der Leyen avec la Première ministre italienne Meloni (ECR) dès lors que les S&D et Renew pourraient ne pas vouloir soutenir un tel glissement vers la droite. Pour autant, certains dossiers pourraient être amenés à être rouverts, sous pression des États membres. Le risque serait alors de créer un phénomène de réaction en chaîne du fait de la nature systémique du Pacte vert européen.

En rouvrant et révisant à la baisse certains dossiers à l’instar de la fin de vente des véhicules thermiques neufs (prévue pour 2035), les conséquences seraient de freiner le déploiement des bornes de recharges électriques (règlement AFI(3)) ou encore le déploiement des énergies renouvelables (directive éponyme).

Dans un second temps, au-delà du gain numérique des groupes de droite, c’est surtout la droitisation interne au sein même des groupes politiques qui risque de mettre à mal l’ambition climatique européenne. En déplaçant le curseur politique vers la droite à l’intérieur même des groupes, notamment chez les libéraux, jusqu’alors faiseurs de majorité et, dans une moindre mesure, chez les sociaux-démocrates, des majorités ad hoc (texte par texte) pourraient voir le jour.

Ce fut le cas avec la loi sur la nature et la restauration dont le compromis voté par le Parlement fut largement édulcoré par rapport à la proposition initiale de la Commission sous pression des droites européennes. Cet exemple pourrait préfigurer ce à quoi ressemblerait un hémicycle plus à droite. Or, une montée des droites radicales et conservatrices pourrait conduire à ce que les États membres amalgament le rejet d’une partie des normes environnementales en un rejet plus général vis-à-vis des normes climatiques.

Au niveau européen, cela conduirait à des compromis politiques moins-disant comparés à ce qui aurait pu être voté au cours de la précédente mandature. Au niveau national, cela conduirait les États membres à être tentés de retarder la mise en œuvre du Pacte vert. Un risque potentiellement bien plus élevé que la seule menace de détricotage brandie par l’extrême droite européenne.

Une raison de plus d’aller voter ce 9 juin.

 

 

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