Corinne Faure, Professeur de Marketing, Grenoble École de Management (GEM)
Joachim Schleich, Professeur d'Économie de l'énergie, Grenoble École de Management (GEM)
Comme vous l’avez peut-être remarqué ces dernières semaines, certains produits électroménagers affichent désormais une nouvelle « étiquette énergie ».
Mise en place par l’Union européenne en 1992, cet autocollant informatif a pour objectif d’accélérer la diffusion d’appareils et d’ampoules plus efficaces sur le plan énergétique – l’électroménager et l’éclairage représentant environ 60% de la consommation d’électricité des foyers en Europe(1).
L’Union européenne a pour cette raison établi des normes minimales de performance énergétique, afin que les objets les moins performants soient peu à peu éliminés du marché. Une façon de protéger les consommateurs contre des appareils certes moins coûteux à l’achat mais plus chers si l’on tient compte des coûts de consommation d’énergie sur leur durée de vie.
Pour les autres appareils, les étiquettes énergie aident les consommateurs à choisir en connaissance de cause, en les identifiant par classe d’énergie et en indiquant leur consommation annuelle en kilowattheures.
En Europe, il existe sept classes que l’on distingue grâce à des barres de couleurs plus ou moins longues, allant du vert au rouge. Au total, 28 catégories de produits sont couvertes par des normes minimales, et 16 doivent afficher des étiquettes énergie.
Plusieurs travaux indiquent que cette combinaison des normes minimales et des étiquettes a été efficace. Une étude empirique récente menée dans huit pays européens(2) montre par exemple que le resserrement des normes minimales et l’introduction de nouvelles classes d’énergie en 2011 ont contribué à faire progresser de 15 à 38 points (selon les pays) les parts de marché des appareils électroménagers « froids » (réfrigérateurs et combinaisons frigo-congélateur) appartenant aux classes énergie A+ et mieux.
Cercle vertueux
Lors du lancement de ces étiquettes au début des années 1990 en Europe, des critères fondés sur la consommation d’énergie ont été définis pour déterminer la classe de chaque appareil concerné, sur une échelle allant de la classe A (la meilleure performance) à la classe G (la pire).
Après plusieurs années d’usage, les étiquettes ont atteint leurs limites sur certains appareils, la plupart des modèles disponibles sur le marché ayant atteint les meilleures classes d’énergie.
Pour accompagner cette évolution, l’Union européenne a introduit en 2011 trois nouvelles notations (A+, A++ et A+++) tout en conservant les mêmes critères de classification. Lors du changement d’étiquette en 2011, tous les appareils évalués B ou en dessous ont conservé leur classement ; les appareils A sont restés en A ou sont passés dans les catégories supérieures.
Consommateurs confus
Ces dernières années, les étiquettes énergie ont à nouveau atteint leurs limites, entraînant deux conséquences majeures.
Sous l’effet combiné des progrès technologiques et des standards minima, les appareils à la pire performance énergétique se retrouvent pour certaines catégories d’appareils (en particulier l’électroménager du froid) classés A+. Ce qui signifie que les catégories A à E sont désormais « vides ».
Cette surenchère provoque également la confusion dans l’esprit du consommateur, pour qui tous les appareils classés au-delà de A sont forcément vertueux du point de vue énergétique. Avec son code couleur vert, un appareil classé A+ paraît un excellent choix, quand bien même il s’agit de l’un des moins efficaces sur le marché. L’étiquette énergie ne remplit ici plus sa fonction d’information.
Nouvelles étiquettes
Pour résoudre ces problèmes, l’Union européenne a décidé de remplacer d’ici au 1er mars 2021 les étiquettes énergie actuelles(3), processus qui a officiellement débuté le 1er novembre 2020. Durant cette période de remplacement, il est possible que les deux étiquettes soient apposées sur les appareils concernés par cette réforme (réfrigérateurs, lave-linges, lave-vaisselles et écrans numériques, dont les télévisions).
Dotées d’icônes plus efficaces et d’un code QR permettant d’accéder à davantage d’informations, les nouvelles étiquettes vont surtout reclasser tous les appareils sur le marché sur une échelle familière de A à G : les catégories A+, A++ et A+++ vont donc disparaître. Les critères de classification ont été mis à jour pour refléter le progrès technologique : un produit qui était A+++ en 2020 se retrouvera classé B ou C en 2021 ; un A++ probablement D ou E ; les moins performants, anciens A+, se retrouveront en bas d’échelle avec une classe F ou G.
Pour la première fois, l’étiquette sera ainsi complètement redéfinie.
En prévision des progrès technologiques futurs, les classes les plus performantes seront laissées vides lors du changement en 2021 : il n’y aura donc aucun réfrigérateur classé A. Cela permettra de laisser aux producteurs le temps de progresser et de remplir les meilleures classes d’énergie au fil des années.
Une fois qu’au moins 20% des appareils sur le marché seront classés A, l’étiquette sera à nouveau mise à jour.
Consommateurs mieux avertis
Dans une étude récente(4) menée dans le cadre du projet H2020 Cheetah(5), nous avons testé l’efficacité de ces nouvelles étiquettes. Sur un échantillon de plus de 1 000 personnes, représentatif de la population allemande, nous avons observé les choix de réfrigérateurs faits par des consommateurs exposés soit aux étiquettes actuelles, soit aux nouvelles étiquettes, soit aux deux ensemble.
Nos résultats(6) révèlent clairement que les consommateurs accordent davantage de valeur aux appareils les plus performants du point de vue énergétique et que le changement d’étiquette devrait donc favoriser l’adoption d’appareils à plus haute efficacité énergétique.
Nous avons toutefois observé que lorsque les deux étiquettes sont présentes – ce qui sera souvent le cas dans la période de transition – les consommateurs se réfèrent alors aux anciennes étiquettes pour faire leur choix. Nous recommandons donc de limiter au maximum les phases de transition lors des prochains changements d’étiquettes.
En résumé, les étiquettes énergie changent souvent parce qu’elles fonctionnent bien, ce qui les rend rapidement obsolètes…
Sources / Notes
- Statistiques d'Eurostat portant sur l'année 2018.
- How effective are EU minimum energy performance standards and energy labels for cold appliances ?, Fraunhofer ISI (Joachim Schleich, Antoine Durand, Heike Brugger), 2020.
- Évolution de l'étiquette énergie pour mieux guider les consommateurs, L'info durable, 7 novembre 2020.
- How effective are EU minimum energy performance standards and energy labels for cold appliances ?, Fraunhofer ISI (Joachim Schleich, Antoine Durand, Heike Brugger), 2020.
- CHEETAH – Changing Energy Efficiency Technology Adoption in Households.
- How effective are EU minimum energy performance standards and energy labels for cold appliances ?, Fraunhofer ISI (Joachim Schleich, Antoine Durand, Heike Brugger), 2020.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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