Directeur du projet Cigéo
Depuis plusieurs mois, les opposants au projet Cigéo(1) ont durci leurs actions, sur le terrain, par l’occupation illicite du bois dans lequel devrait être construit une partie des installations de surface et par des manifestations parfois violentes devant le Centre de recherche de l’Andra situé en Meuse et Haute-Marne, devant les tribunaux, par des recours systématiques. Face à ce regain d’opposition à un projet initié il y a plus de 25 ans, il convient de rappeler pourquoi le Parlement a mandaté l’Andra, agence publique, pour construire Cigéo.
Quel que soit l’avis que l’on peut avoir sur l’avenir de l’énergie nucléaire, il existe une réalité indiscutable : les déchets radioactifs sont bel et bien là. Aujourd’hui en France, un tiers des déchets de haute activité et deux tiers des déchets dits de moyenne activité à vie longue qu’il est prévu de stocker au sein de Cigéo sont déjà produits, conditionnés et entreposés temporairement sur leurs sites de production dans l’attente d’une solution de gestion définitive. Même s’ils ne représentent que 3% du volume des déchets radioactifs produits ou à produire, ils en concentrent 99% de la radioactivité et ils vont rester dangereux pendant encore très longtemps.
Trois axes ont été étudiés : la séparation/transmutation, l’entreposage de longue durée et le stockage en couche géologique profonde.
Face à cette réalité, de nombreuses recherches ont été entreprises, en France, et à l’étranger, pour trouver une solution sûre et pérenne. En 1991, avec la loi « Bataille », le Parlement s’est donné 15 années pour conduire des recherches sur la gestion des déchets les plus radioactifs.
Trois axes ont été étudiés : la séparation/transmutation, l’entreposage de longue durée (recherches confiées au Commissariat à l’Energie Atomique) et le stockage en couche géologique profonde (confié à l’Andra). Les conclusions de ces recherches ont été transmises à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), et sur la base de son avis, le Parlement a approuvé, par une loi, en 2006, le choix du stockage en couche géologique profonde. On notera que tous les autres pays ayant à gérer des déchets très radioactifs, issus également de leurs parcs électronucléaires respectifs, se sont aussi tournés vers le choix exclusif du stockage en couche géologique profonde, et non vers une solution intermédiaire de type subsurface, qui, selon les modèles de prévision de l’évolution des couches géologiques surfaciques, ne peut garantir un confinement de la radioactivité sur la centaine de milliers d’années pendant lesquels les déchets de haute activité doivent rester éloignés des populations et de leur environnement.
En 2006, le Parlement a demandé à l’Andra de concevoir un centre de stockage réversible.
S’agissant de la séparation/transmutation, l’ASN a considéré que si l’on peut espérer acquérir un jour les savoir-faire technologiques pour la mettre en œuvre à l’échelle industrielle, sous la forme du déploiement d’un parc de plusieurs installations nucléaires de nouvelle génération, elle ne pourrait pas traiter la totalité des déchets de haute activité et à vie longue, en particulier les déchets déjà produits et conditionnés, ce qui rend nécessaire de mettre en œuvre une « autre solution de référence ».
Concernant l’entreposage de longue durée, qui se définirait comme un entreposage conçu pour une durée supérieure à un siècle, l’ASN a estimé qu’il ne peut pas constituer une solution définitive pour la gestion des déchets radioactifs de haute activité à vie longue. En effet, les entreposages de longue durée supposent le maintien d’un contrôle continu de la part de la société et la reprise des déchets par les générations futures, « ce qui semble difficile à garantir sur des échelles de temps de plusieurs centaines d’années », eu égard aux aléas de civilisation (guerres, etc.) ou naturels.
En 2006, le Parlement a donc demandé à l’Andra de concevoir un centre de stockage réversible : c’est l’objet du projet Cigéo qui, s’il est autorisé, sera situé en Meuse/Haute-Marne, un des très rares endroits en France où on puisse trouver, à 490 mètres de profondeur, une couche géologique épaisse et stable depuis 160 millions d’années, reconnue pour son imperméabilité et sa capacité à confiner la radioactivité sur le très long terme.
Outre ses qualités géologiques, la localisation du projet Cigéo en Meuse/Haute-Marne a été validée par le gouvernement, après avis de l’ASN et de la CNE (Commission nationale d'évaluation) et après un long processus d’échanges avec les élus locaux et les parties prenantes.
Refuser de gérer aujourd’hui ces déchets très dangereux conduirait à en léguer la responsabilité et la charge à nos enfants...
Début 2016, la ministre de l'Environnement, de l’Écologie et de la Mer a arrêté le coût du projet Cigéo, dont la construction et l’exploitation durera près de 150 ans, à 25 milliards d’euros, ce qui représente, selon la Cour des comptes, une part de la facture du consommateur d’électricité de l’ordre de 1 à 2 %. Si l’investissement est important, il est comparable à d’autres opérations d’investissement, il est très inférieur au coût que représenterait le déploiement des solutions de séparation/transmutation ou les renouvellements successifs des installations temporaires d’entreposage et il fait déjà l’objet de provisions dans les bilans comptables des producteurs de déchets, ce qui assure une sécurisation du financement du projet.
Enfin, le Parlement a établi, en juillet 2016, sur la base des travaux de l’Andra et des conclusions issues du débat public de 2013, la notion de réversibilité comme « la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion », en inscrivant au cœur de la réversibilité la possibilité de récupérer des déchets déjà stockés. Tous les leviers d’une gouvernance responsable d’un projet transgénérationnel ont ainsi été définis.
Dès lors, refuser de gérer aujourd’hui ces déchets très dangereux conduirait à en léguer la responsabilité et la charge à nos enfants et aux générations qui vont suivre, alors même que notre pays dispose de toutes les compétences scientifiques, techniques, technologiques et industrielles ainsi que les capacités financières pour mettre en œuvre la solution sûre et pérenne que représente Cigéo.
Sources / Notes
- Centre industriel de stockage géologique profond pour les déchets les plus radioactifs, issus du retraitement des combustibles nucléaires usés.