Les taxes constituent en moyenne 60% du prix du litre de SP95 et de gazole à la pompe.
Les carburants sont lourdement taxés en France, comme partout en Europe. Pour composer le prix des carburants, au coût de l'énergie viennent s'ajouter les coûts de distribution, l'accise sur les carburants (anciennement « TICPE ») et la TVA. Le Parlement fixe les taux d'accise, et les conseils régionaux peuvent appliquer une majoration.
Qu'est-ce que l'accise sur les carburants (ex-TICPE) ?
L'accise sur les carburants est l’une des deux taxes (avec la TVA) revenant à l’État qui s’appliquent aux carburants en France. Son montant diffère pour chaque type de produit pétrolier. Il est fixé annuellement par litre de carburant consommé. Elle n’est donc pas directement impactée par les variations des cours du pétrole brut, contrairement à la TVA qui suit mécaniquement ces variations.
La TVA s’applique à 20% et deux fois : au montant hors taxes du carburant, ainsi qu’à la TICPE.
L'accise sur les carburants, instaurée en 2022, remplace la TICPE et englobe tous les produits énergétiques utilisés comme carburants et combustibles. Elle est collectée lors de l'importation ou la mise à la consommation, principalement sur les produits pétroliers, les biocarburants, le gaz naturel, le charbon et l'électricité, en tant qu'impôt indirect calculé par quantité de produit vendue.
Par convention, on continue d'appeler « TICPE » la taxe qui s'applique à tous les produits utilisés comme carburants ou additifs, incluant les biocarburants avec des barèmes spécifiques.
Majoration régionale
Si les prix des carburants varient d’une station-service à une autre, ce n'est pas uniquement dû à la marge des distributeurs.
Depuis janvier 2007, les régions sont autorisées à appliquer une tranche supplémentaire au montant de la TICPE dans le cadre du transfert de financements jusqu’alors assurés par l’État. Cette tranche ne peut excéder 1,15 centime d’euro par litre de gazole et 1,77 centime d’euro par litre de supercarburant sans plomb.
Depuis janvier 2011, les régions sont autorisées à appliquer une deuxième tranche supplémentaire au tarif de la TICPE, dans la limite de 1,35 c€/litre de gazole et de 0,73 c€/litre de supercarburant sans plomb, et plus élevée en Île-de-France. Cette majoration est exclusivement destinée à financer des infrastructures de transport durable, ferroviaire ou fluvial.
En définitive, la TICPE pesant sur les carburants est actuellement majorée de 2,5 centimes d’euros par litre de carburant partout en France sauf en Corse et en Auvergne-Rhône-Alpes. Le Poitou-Charentes n'avait pas appliqué cette surtaxe régionale pendant longtemps. Tous coûts égaux par ailleurs et compte tenu du fait que la TVA s’applique sur la TICPE à un taux de 20%, un plein de 50 litres coûte ainsi théoriquement 1,5 € moins cher dans ces deux régions que dans le reste de la France.
Dans les départements d'outre-mer, une taxe spéciale de consommation (TSC) remplace la TICPE, avec des taux fixés par les conseils régionaux.
Exonérations
Certaines professions bénéficient d'exonérations partielles ou totales sur les carburants, dans le but de les soutenir en réduisant leurs coûts énergétiques.
Cela inclut l'aviation, qui est exonérée pour les vols internationaux, les bateaux, notamment pour la pêche, et les taxis, qui obtiennent des réductions spécifiques. Les transports publics, routiers de voyageurs et de marchandises profitent également d'exonérations ou de remboursements sur une partie de la taxe, tout comme les agriculteurs pour le fioul, avec des contrôles pour éviter la fraude.
Quel est le montant des taxes sur les carburants ?
En 2024, les taux de l'accise s'élèvent à 59,40 centimes par litre pour le gazole et 68,29 centimes pour l'essence SP95-E5(1), hors majorations régionales.
Produit | Accise | Rapportée par MWh |
---|---|---|
Supercarburants SP95-E5 et SP98 | 68,29 c€/L | 76,826 €/MWh |
Supercarburant SP95-E10 | 66,29 c€/L | 74,516 €/MWh |
Gazole | 59,40 c€/L | 59,40 €/MWh |
E85 | 11,83 c€/L | 17,894 €/MWh |
ED95 | 6,43 c€/L | 12,157 €/MWh |
B100 | 11,83 c€/L | 12,905 €/MWh |
Carburéacteurs | 56,18 c€/L | 59,481 €/MWh |
GPLc (carburant) | 20,71 €/100kg | 16,208 €/MWh |
GNV (PCS) | 5,23 €/MWh | 5,23 €/MWh |
GPL (combustible) | 6,63 €/100kg | 5,189 €/MWh |
Gaz naturel combustible (PCS) | - | 8,37 €/MWh |
Fioul domestique | 15,62 c€/L | 15,62 €/MWh |
Fioul lourd | 13,95 €/100kg net | 12,56 €/MWh |
Électricité | - | 32,06 €/MWh |
En 2022, la TICPE a rapporté 30,3 milliards d’euros en comptabilité nationale, en baisse par rapport aux 30,9 milliards atteints en 2021 et aux 31,8 milliards en 2019. Avec l'électrification du parc automobile, ces recettes sont amenées à fortement baisser, et devraient être compensées par une hausse de l'accise sur l'électricité.
En 2023, l’État a perçu 16,8 milliards d’euros via la comptabilité budgétaire, tandis que les collectivités locales ont reçu 11,0 milliards d’euros, et l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a perçu 1,9 milliard d’euros.
Comparaisons
Les carburants sont donc bien les énergies les plus taxées en France.
Source : ADEME, Sénat, ministère de l’Economie, CRE, ATEE, INSEE - Analyse, calculs et graphique : Selectra, en octobre 2024
Sources : CRE, INSEE, MNEI, ATEE - Analyse, calculs et graphique : Selectra, en octobre 2024
En termes de taxation des carburants, la France se situe dans la moyenne européenne(2).
Pays | Essence | Gazole |
---|---|---|
France | 69 c€/L | 61 c€/L |
Allemagne | 65 c€/L | 47 c€/L |
Pologne | 40 c€/L | 36 c€/L |
Italie | 73 c€/L | 62 c€/L |
Espagne | 47 c€/L | 38 c€/L |
Pays-Bas | 79 c€/L | 52 c€/L |
Belgique | 60 c€/L | 60 c€/L |
Suède | 51 c€/L | 38 c€/L |
Histoire des taxes sur les carburants pétroliers
La taxe intérieure pétrolière (TIP), instaurée en 1928 pour structurer l'industrie du raffinage en France, a gagné en importance dans les années 1970 après le premier choc pétrolier de 1973. Rebaptisée en 2011 « taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques » (TICPE), elle a élargi son champ pour inclure des produits non pétroliers, tels que les biocarburants.
Depuis 2014, les accises incluent une « composante carbone » calculée en euros par tonne de CO2 émise lors de la combustion de carburants. En 2018, cette composante s'élevait à 44,6 € par tonne de CO2, ajoutant environ 12 centimes par litre de gazole et 10 centimes par litre d'essence. Bien que la loi de finances 2018 prévoyait une augmentation importante et progressive jusqu'en 2030, le processus d'augmentation a été interrompu après le mouvement des « gilets jaunes » par la loi de finances 2019.
Elle est toujours de 44,6 € par tonne de CO2 en 2024.
Le gazole a bénéficié pendant longtemps de nombreux avantages fiscaux, mais un rééquilibrage a été entamé depuis 2015, afin de poursuivre le rapprochement de fiscalité avec l'essence. En janvier 2018, le dernier gros alourdissement de la fiscalité sur les carburants avait provoqué une hausse de 7,6 centimes par litre sur le gazole et de 3,84 centimes sur les essences. Si les taxes sur l'essence sont toujours plus élevées que sur la gazole en 2024, la part qu'elles représentent dans le prix au litre TTC est équivalent, de l'ordre de 60% du prix total quand on intègre les TVA.
Les pistes d'amélioration de la fiscalité du pétrole
Face aux fortes variations des prix des carburants en France et aux protestations récurrentes des automobilistes subissant les hausses, Quentin Perrier s'interroge sur la fiscalité en place : si celle-ci « fournit un signal-prix utile à long terme, elle répond mal aux enjeux liés à la volatilité des prix à court et moyen terme ». Les réflexions sur la fiscalité pesant sur les carburants sont jusqu'ici « restées dans une logique de compensation, consistant à taxer puis à redistribuer aux publics les plus précaires ». Une logique rejetée à ce jour par des citoyens méfiants.
Le rejet de la hausse de la taxe carbone par les Gilets jaunes est l'une des illustrations des limites du dispositif fiscal actuel, indique l'économiste, pointant également l'alignement à venir de la fiscalité sur le gazole non routier de l’agriculture et du BTP avec le gazole routier (qui doit se faire de façon progressive entre 2024 et 2030, sans prendre en compte l'évolution des cours du brut).
« Il est possible de mieux protéger les consommateurs des variations de prix en modifiant l’architecture de la fiscalité sur les carburants », assure l'économiste du climat Quentin Perrier(3), avec une fiscalité « élastique » évoluant au gré des variations du pétrole brut.
La note de Terra Nova préconise une modulation de la fiscalité en fonction des prix internationaux du baril de brut : « en cas d’envolée des prix internationaux du baril, le taux de taxe pourrait diminuer afin d’atténuer l’impact sur les prix à la pompe. Inversement, le taux de taxe augmenterait lorsque les prix baissent, afin de préserver l’incitation à décarboner ».
Pour la mise en œuvre de cette fiscalité dite « élastique », l'auteur préconise la mise en place d'un barème (voté annuellement dans le cadre des lois de finances) qui pourrait être modifié par le Parlement « en fonction de ses objectifs en termes de décarbonation, d’efforts demandés aux automobilistes et de recettes fiscales pour l’année à venir ». Le barème serait automatiquement « ajusté de façon hebdomadaire » dans les stations-service suivant l'évolution des cours du pétrole brut.
Cette suggestion pourrait s'apparenter à la « TIPP flottante » mise en place par le gouvernement Jospin entre 2000 et 2002 « mais elle en corrige les principaux défauts » (en particulier le délai de réaction liée à la nécessité de devoir voter chaque hausse de taxe), assure Quentin Perrier. La TIPP flottante était modulée quand le cours du baril de Brent variait à la hausse ou à la baisse de plus de 10%. Le mécanisme d’ajustement cessait lorsque le cours du baril revenait à un niveau inférieur à celui de janvier 2000, soit 25,44 $. L’évaluation du coût de ce mécanisme est sujette à débat. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2005, celui-ci aurait diminué les recettes fiscales de l'État de 2,7 milliards d’euros en 22 mois et engendré une baisse des prix à la pompe n’ayant pas excédé 0,022 €/litre. Sur la période, l’Etat avait tout de même touché 1,4 milliard d’euros supplémentaire en raison des recettes de TVA supplémentaires liés aux hausses des cours du baril de Brent.
« Plus la taxe est élastique, plus le consommateur sera protégé de la volatilité des prix, en contrepartie d’une plus grande incertitude sur les recettes fiscales de l’État ». La note de Terra Nova envisage deux scénarios : une taxe très élastique couvrant la moitié des variations du prix du brut (à chaque augmentation du prix du pétrole, la taxe sur les carburants baisse pour amortir la moitié de cette augmentation et inversement en cas de baisse du prix) et une taxe légèrement élastique (couvrant 17 % des variations du prix du brut). Dans le cas d'une taxe très élastique, le prix du gazole à la pompe n'aurait par exemple pas dépassé 1,73 euro par litre en 2022 (alors qu'il a largement dépassé 2 €/l avec la taxe « rigide » actuelle) ;
Quant à l'impact sur les finances publiques, il est recommandé d'« estimer le barème nécessaire pour maintenir un certain niveau de recettes pour les finances publiques, à l’instar de ce qui est pratiqué pour le bonus-malus automobile ». Même sans pilotage, la note de Terra Nova estime qu'un tel dispositif, s'il avait été mis en place en 2010, aurait réduit de 2% les recettes publiques avec une taxe légèrement élastique (près de 500 millions d'euros de baisse par an) et de 6% avec une taxe très élastique (près de 1,5 milliard d'euros de baisse par an). Quentin Perrier met en parallèle le coût d'autres mesures « actées à cause de la rigidité de la taxe actuelle : la ristourne à la pompe mise en place en 2022 sur neuf mois a coûté près de 8 milliards d’euros, soit autant que la mise en place d'une taxe légèrement élastique depuis 2010 ».
Quentin Perrier appelle in fine à « changer de focale : on ne regarde plus le taux de taxe mais le prix final pour le consommateur ». Ce qui profiterait selon lui également aux politiques climatiques qui seraient « mieux acceptées, plus efficaces et plus pérennes ».
La possibilité de mettre en œuvre une « taxe flottante » a à nouveau été évoquée à de nombreuses reprises : fin 2018 dans le contexte de la crise des « gilets jaunes », début 2022 avec la hausse record des prix des carburants en France ou encore à l'automne 2023. Le ministre de l'Economie M. Le Maire s'était positionne contre : "Je veux juste donner quelques chiffres: si on veut baisser le prix du carburant de trois centimes par litre, c'est-à-dire pas grand chose, il faut dépenser 1 milliard d'euros. J'estime que ce n'est pas de l'argent public bien employé."