©Kuwait Oil Company
Les pays producteurs de pétrole réunis au sein de « l'OPEP+ » ont décidé, à l'issue de leur 37e rencontre ce 2 juin, de prolonger durant l'année 2025 leur accord relatif à la production de brut. Dans les faits, cette production va augmenter. Explications.
Qu'a décidé l'OPEP+ ce 2 juin ?
Les producteurs de l'OPEP+ (qui réunit depuis 2016 les membres de l'OPEP et des alliés pour davantage peser sur les cours) ont reconduit pour l'année 2025 un volume global de production de référence de 39,725 millions de barils de pétrole brut par jour (Mb/j), dont 24,135 Mb/j pour les pays membres de l'OPEP et 15,59 Mb/j pour les producteurs hors OPEP(1).
Soit un peu moins de 38% de la production totale de pétrole attendue en 2025 selon les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie (104,5 Mb/j).
Mais ce volume de référence « ne tient pas compte des réductions volontaires », souligne Jérôme Sabathier, chef du département Économie et évaluation environnementale chez IFP Energies nouvelles.
« Depuis fin 2022, l'OPEP+ a mis en place une série d'accords de réduction de la production, complétés par des réductions volontaires de la production de certains pays, pour un total de 5,9 Mb/j », rappelle-t-il.
Ce 2 juin, l'OPEP+ a ainsi « décidé de prolonger les accords de réduction de 3,7 Mb/j jusqu'à la fin de 2025 et les réductions volontaires de production de 2,2 Mb/j jusqu'à la fin de septembre 2024. À partir d'octobre 2024, ces dernières seront progressivement réduites jusqu'à la fin du mois de septembre 2025. Au final, selon les nouveaux accords, la production de l'OPEP+ devrait être de 35,6 Mb/j entre juin et septembre 2024, pour terminer l'année à 36,1 Mb/j et atteindre progressivement 38,1 Mb/j fin 2025. (Iran, Libye et Venezuela exclus car ils ne sont pas soumis à quota) ».
Quels sont les pays réduisant actuellement volontairement leurs productions ?
Huit des principaux producteurs de l'OPEP+ (par ordre de production : Arabie saoudite, Russie, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, Kazakhstan, Algérie, Oman) ont décidé de maintenir leurs réductions volontaires de production (s'élevant donc à 2,2 Mb/j en cumul) jusqu'en septembre 2024, avant de les supprimer d'ici à septembre 2025. Autrement dit, ils augmenteront leurs productions respectives.
Par exemple, l'Arabie saoudite, qui a actuellement un quota de production de brut de 8,978 Mb/j, va chaque mois augmenter cette production à partir d'octobre 2024 (9,061 Mb/j) jusqu'en septembre 2025 (9,978 Mb/j), augmentant ainsi sa production d'un million de barils par jour en un an.
Une décision spécifique concernant les Émirats arabes unis
Cet accord du 2 juin « reflète la volonté de l'OPEP+ de maintenir un soutien aux prix du pétrole brut, tout en assouplissant progressivement les contraintes de production, face aux critiques de certains membres tels que les Émirats arabes unis ».
L'OPEP+ a ainsi validé une hausse de la production de référence des Émirats arabes unis (EAU) qui devrait progressivement augmenter de 300 000 barils par jour entre janvier et fin septembre 2025 (par rapport au niveau actuel d'environ 2,9 M/j).
« L’année dernière, au milieu d'un conflit amer (en particulier avec les EAU), le groupe a demandé à des consultants externes d'évaluer la capacité de production de pétrole que les membres sont en mesure de produire, en vue de fixer des quotas individuels pour 2025 », précise Jérôme Sabathier.
L'alliance de producteurs de pétrole a « décidé de prolonger la période d'évaluation jusqu'à la fin du mois de novembre 2025, afin de servir de guide pour les nouveaux niveaux de production de référence pour 2026. Il semble donc que le Kazakhstan et l'Irak n'obtiendront pas d'objectifs de production plus élevés avant 2026 » (ces deux pays ont pompé plus que les niveaux autorisés cette année et espéraient voir leur quota de production augmenter dans les mois à venir).
Quel impact ?
L'OPEP+ mise sur les coupes de production de ses membres pour soutenir les cours depuis fin 2022. Dans les faits, le prix du baril n'augmente pas autant que le souhaiteraient les producteurs de cette alliance.
« Un prix autour de 90 $/b satisferait beaucoup de pays de l’OPEP+ mais l’Arabie Saoudite vise les 100 $/b (niveau requis selon le FMI pour financer ses programmes économiques et de diversification) », indique Jérôme Sabathier, alors que de nouvelles actions de Saudi Aramco ont été mises sur le marché (les cours du pétrole avoisinent actuellement 80 $ par baril).
Les premières réactions suite à la réunion du 2 juin ont été « mitigées, certains analystes soulignant l'impact haussier sur les prix de cette extension des réductions de production, tandis que d'autres s'interrogeaient sur la capacité du marché à absorber les barils supplémentaires à partir d'octobre 2024, notamment si les perspectives économiques s'avéraient plus faibles que prévu » (l'OPEP+ estime que la consommation mondiale de pétrole va se maintenir en 2024 tandis que l'AIE a revu à la baisse ses estimations).
Jérôme Sabathier juge que « le résultat de la réunion de l’OPEP+ était largement anticipé par le marché : une extension des réductions de production en attendant plus d’information concernant l’évolution de la demande sur le 2e semestre et en 2025 ».
Quand auront lieu les prochaines grandes décisions de l'OPEP+ ?
Le 38e sommet des producteurs de l'OPEP+ est prévu le 1er décembre 2024(2). Le réexamen des quotas de production de chaque membre devrait quant à lui être discuté fin 2025.
« Malgré des dissensions(3), l’OPEP+ a réussi à relativement bien contrôler le marché pétrolier ces derniers temps », considère Jérôme Sabathier. « La prochaine étape importante pour la cohésion du groupe sera l’attribution des nouveaux quotas pour 2026 ».