La vision de…
Stephan Silvestre
Docteur en économie, enseignant-chercheur à la Paris School of Business (PSB)
Secrétaire de la Chaire de Management des risques énergétiques de PSB
Depuis 800 000 ans, l’humanité se développe grâce à la maîtrise de l’énergie. La maîtrise du feu a permis à l’homme de se chauffer, de se nourrir plus sainement, de conquérir ou de se défendre, de voir la nuit ; en résumé, il a pu s’affranchir de ses contraintes matérielles et ainsi développer ses compétences intellectuelles et son organisation sociale.
S’en est suivi, du néolithique jusqu’au XVIIIe siècle, l’ère énergétique de la collecte. La principale ressource était le bois, ainsi que le fourrage pour les animaux de trait. Malheureusement, à l’instar des ressources alimentaires, les ressources énergétiques étaient très dépendantes des conditions environnementales et de nombreuses pénuries ont provoqué de grands désastres.
Avec la Révolution industrielle est arrivée l’ère de l’extraction minière. L’humanité a systématisé ses méthodes d’exploitation afin d’alimenter son industrie naissante en ressources énergétiques. Le charbon a alors commencé à remplacer le bois, y compris dans les foyers, pour le chauffage et la cuisson. Avec la Révolution industrielle, l’humanité a ainsi connu sa deuxième révolution énergétique.
La troisième révolution énergétique a eu lieu au début du XXe siècle, singulièrement au moment de la Seconde Guerre mondiale, pour faire émerger l’ère de la transformation. Transformation du pétrole, dans un premier temps, pour produire carburants, kérosènes, combustibles de chauffage, plastiques ou produits pétrochimiques pour la pharmacie, l’alimentaire et tant d’autres secteurs, puis transformation d’uranium en combustible pour la production d’électricité. Avec la généralisation de l’informatique, l’électricité est devenue la clé du développement humain.
Le XXIe siècle est maintenant le théâtre d’une quatrième révolution énergétique, celle de la technologie. Cette nouvelle ère est caractérisée par la multiplicité des sources. La technologie de pointe est présente non seulement au sein des ressources nouvelles, telles que les panneaux solaires, les éoliennes, les batteries de nouvelle génération ou les agrocarburants, mais aussi dans les ressources traditionnelles, au travers des techniques de forage non conventionnelles, de l’extraction en offshore ultra-profond ou en environnement extrême, ou encore des centrales nucléaires de quatrième génération.
Et, bien entendu, elle sera encore plus présente dans les ressources futures, comme les hydrates de méthane, l’hydrogène, ou encore la fusion thermonucléaire. Il en résulte que la part de la ressource dans la valeur ajoutée de l’énergie produite devient minoritaire, au profit de celle de la technologie.
Cette nouvelle configuration économique va bouleverser les enjeux énergétiques mondiaux. Les batailles géopolitiques, voire militaires, autour du contrôle des matières premières énergétiques et de leurs routes vont devenir caduques, alors que celles liées au contrôle de la propriété intellectuelle vont devenir stratégiques. En 2050, les maîtres de l’énergie seront ceux des technologies associées. L’enjeu ne sera plus la ressource, mais le savoir.