Le parc photovoltaïque de La Réunion a généré 245 GWh en 2015. Ici, la centrale de la Roseraye, au sud-est de l'île. (©EDF-Jean-Luc Petit)
L’essor des énergies renouvelables à la Réunion a été évoqué lors du colloque du SER(1) du 4 février dernier alors qu’EDF avait annoncé quelques jours plus tôt pouvoir augmenter la contribution des sources intermittentes dans cette île sans risque pour le réseau. Explications.
Un seuil de « sécurité » pour l’intégration des énergies intermittentes
En 2015, près de 36% de l’électricité produite à la Réunion a été générée à partir d'énergies renouvelables et presque 10% à partir des seules sources « intermittentes » (solaire photovoltaïque et éolien). Pour rappel, ces dernières se caractérisent par une production touchée par des phases d’interruption non volontaire, plus ou moins prévisible car dépendante des conditions de vent ou d’ensoleillement et donc non nécessairement corrélée à la consommation.
Il est ainsi possible que ces unités de production ne puissent pas apporter leur contribution à certains moments de forte demande et, à l’inverse, qu’elles produisent beaucoup d’électricité lorsque la demande est faible. Pour éviter tout risque pour le réseau(2), un arrêté d’avril 2008 fixe à 30% la part maximale « des puissances actives injectées par de telles installations […] transitant sur le réseau »(3). Autrement dit, le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité (EDF SEI à La Réunion) peut demander aux producteurs de déconnecter leurs installations intermittentes si ce seuil de sécurité de 30% est atteint.
Un stockage par batteries pour pallier l’intermittence
EDF a annoncé pouvoir augmenter le taux d’injection instantanée de « capacité intermittente » à hauteur de 32% à La Réunion grâce à un système de stockage testé depuis 2010 à Saint-André, dans le nord-est de l’île. Dans le cadre du projet PEGASE, un système de batteries sodium-souffre (NaS)(4) permet de corriger les chutes de production des parcs éolien et photovoltaïque réunionnais et de soutenir la fréquence du réseau en cas de besoin.
Ce système a été entre autres développé avec Météo France afin qu’il intègre un système de prévisions météorologiques et puisse anticiper les variations des productions intermittentes. EDF considère qu’il devrait permettre en 2016 de diviser par 3 le nombre de jours de déconnexion de ces unités intermittentes. Les pertes d’électricité « fatale » devraient être réduites de 80% et représenter, en 2016, moins de 0,1% de la production photovoltaïque de La Réunion. EDF va par ailleurs lancer cette année son projet d’installation d’un parc de batteries de 5 MW de capacité à pilotage centralisé afin d’augmenter encore la capacité d’intégration des sources intermittentes, avec un seuil de 35% visé en 2018.
Une production électrique encore carbonée à plus de 63%
La Réunion n’est connectée à aucun réseau électrique extérieur (on parle de « ZNI » pour « zone non interconnecté ») et dépend donc uniquement de ses ressources locales et des importations de combustibles. Parmi les énergies renouvelables, l’hydroélectricité apporte la contribution la plus importante (17,1% de la production électrique), notamment grâce aux barrages de Rivière de l'Est (67,2 MW) et de Takamaka (43,4 MW)(5). Cette source d'énergie permet de satisfaire les pics de consommation et de compenser elle aussi les variations des productions intermittentes.
Vue aérienne de la centrale hydraulique de Takamaka. (©EDF-Jean-Luc Petit)
La bagasse, résidu de canne à sucre qui permet de générer plus de 9% de l’électricité locale, apporte également une production d’origine renouvelable stable. Le parc solaire photovoltaïque de La Réunion, dont la capacité installée a augmenté de 44% entre 2011 et 2015, fournit désormais près de 8,5% de la production électrique de l’île. La part de l’éolien reste en revanche très modeste, le régime de vent étant notamment perturbé par le relief selon EDF.
De nombreux projets renouvelables sont actuellement développés à La Réunion, ce qui vaut parfois à l’île d’être présenté comme un « laboratoire de la transition énergétique ». Une expérimentation de micro-grids 100% solaire doit notamment être lancée cette année à Mafate (accessible uniquement à pied ou par hélicoptère) par EDF et le syndicat d’électrification de La Réunion (SIDELEC). Elle devrait permettre à cette communauté isolée de disposer d’une alimentation électrique autonome associant des panneaux photovoltaïques et des batteries à hydrogène (disposant d’une capacité de stockage de très longue durée).
D’autres projets prometteurs à La Réunion portent sur l’exploitation des énergies marines, en particulier de l’énergie houlomotrice et de l’énergie thermique des mers. L’île dispose ainsi d’un potentiel important avec des sources renouvelables variées bien qu’elle ne soit pas non plus épargnée par les phénomènes naturels violents comme les cyclones (qui contraignent notamment des exploitants à installer des éoliennes aux mâts rabattables).
Une production électrique encore carbonée à plus de 63%
Malgré les nombreux projets renouvelables à La Réunion, la production électrique de l’île reste carbonée à 63,5% en 2015, le charbon restant de loin la principale source du mix réunionnais (40,4%). Rappelons en outre que l’électricité ne constitue qu’une faible part de l’énergie consommée (les transports comptant pour une part importante de la consommation de l'île).
La loi de transition énergétique pour la croissance verte porte toutefois de grandes ambitions « renouvelables » dans les départements d'outre-mer. Elle leur fixe pour objectif de porter la part de ces énergies à 50% de la production d'électricité en 2020 et de parvenir à « l’autonomie énergétique » dix ans plus tard(6), une cible encore difficilement atteignable à La Réunion.
Mix de production électrique de La Réunion en 2015 (©Connaissance des Énergies)