Le traité Euratom s'applique aux 27 États membres de l'UE. Le Royaume-Uni l'a quitté à l'occasion du Brexit. (©Union européenne)
Présentation
Constituée en mars 1957, Euratom ou CEEA (Communauté Européenne de l’Energie Atomique) est une communauté européenne visant initialement à développer l’énergie nucléaire via des programmes de recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire.
Le traité Euratom favorise aujourd’hui la mise en commun des connaissances et de certaines infrastructures et financements (comme ITER), tout en assurant un contrôle centralisé de l’approvisionnement en énergie nucléaire.
Instituée pour une durée « illimitée », Euratom, aujourd’hui sous l’autorité de l’Union européenne, prévoit que toute décision en son sein doit être prise à l’unanimité pour pouvoir s’appliquer à tous les États membres, ce qui est parfois considérée comme un frein à toute convergence en termes de politique européenne vis-à-vis de l’énergie nucléaire.
L’Agence d’approvisionnement d’Euratom contresigne les contrats d'achat et de vente d'uranium, de thorium et de plutonium des pays européens.
Euratom promeut une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire par le biais d'« accords Euratom » conclus entre la Commission européenne et des pays tiers.
Missions définies par le traité
Le traité Euratom s’applique aux États membres et aux personnes physiques, entreprises ou institutions de droit privé ou public qui exercent des activités employant les matières fissiles spéciales (uranium enrichi, plutonium, thorium), matières brutes (uranium naturel) et minerais.
Le traité Euratom prévoit les missions suivantes(1) :
Développer la recherche et les investissements dans le nucléaire civil
La Commission invite les Etats membres, personnes ou entreprises à lui communiquer leurs programmes de recherche nucléaire. La Commission européenne publie périodiquement des « Programmes Indicatifs Nucléaires Communs » (PINC)(2), faisant état de recommandations, d’objectifs de production d’énergie nucléaire et des investissements requis. Cela permet aux investisseurs de connaître les projets en cours et de s’y associer le cas échéant.
Les derniers PINC sont parus en 2007(3) et 2015 par la Commission européenne.
Favoriser les entreprises communes
Comme dans le domaine de la fusion nucléaire avec l’EFDA (European fusion development agreement) ou ITER qui dépasse le cadre européen, permettant ainsi de mutualiser les investissements.
Veiller à l’approvisionnement « régulier et équitable en minerais et combustibles nucléaires »
Le traité pose le principe d’un égal accès aux ressources et d’une politique commune d’approvisionnement. Depuis 1960, l’Agence d’approvisionnement d’Euratom(5) est chargée d’autoriser et de conclure les contrats de fourniture, tels que les achats et les ventes de matières (uranium naturel, appauvri ou enrichi, thorium, plutonium). Dans la pratique, les utilisateurs sont autorisés à négocier librement avec les producteurs et l’Agence se limite aujourd’hui à enregistrer les opérations et à les certifier en contresignant les contrats ;
Assurer la protection sanitaire de la population et des travailleurs
La Commission européenne fixe des niveaux maximums admissibles de radioactivité pour les denrées alimentaires ou les mesures de protection en cas d’urgence radiologique(6). Par exemple, le taux maximum admissible en césium 134 ou césium 137 pour les produits laitiers dans l’Union européenne est fixé à 1 000 Bq/kg.
Les États membres sont tenus d’informer la Commission de tout projet de rejet d’effluents radioactifs, un avis conforme étant requis dans le cas où ce projet est susceptible d’affecter le territoire d’autres États membres ;
Garantir que les matières nucléaires civiles ne sont pas détournées à d’autres fins
Un corps de 300 inspecteurs effectue un travail de contrôle dans l’UE en partenariat avec des inspecteurs de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique). Ce corps est libre d’accéder à toutes les informations des États membres. Il s’agit d’une compétence exclusive d’Euratom. Si des personnes ou entreprises se trouvent en infraction, elles peuvent être sanctionnées avec un retrait total ou partiel de leurs matières brutes ou matières fissiles spéciales ;
Promouvoir une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire
Des « accords Euratom » sont conclus par la Commission européenne avec des pays tiers et doivent être approuvés par le Conseil (par exemple, accord Euratom-Australie de 2011(7) sur le transfert de matériel, d’équipements, de technologies et de matières nucléaires en provenance de l’Australie, l’un des principaux fournisseurs d’uranium des centrales européennes, afin d’assurer une égalité d’accès et de traitement à tous les Etats membres de l’UE et leurs exploitants).
Les Etats membres doivent faire état à la Commission de leurs propres accords.
C'est le président de la Commission européenne (ici l'ancien président Jose Manuel Barroso avec la première ministre australienne Julia Gillard en septembre 2011) qui signe les différents « accords Euratom ». (©Union européenne)
Etats membres
Les 27 États membres de l’UE font partie d’Euratom.
Les six pays signataires du traité de Rome instituant le traité d’origine le 25 mars 1957 sont :
- la Belgique ;
- l’Allemagne (à l'époque RFA) ;
- la France ;
- l’Italie;
- le Luxembourg ;
- les Pays-Bas.
Au niveau institutionnel, l’AIEA collabore avec Euratom dans le cadre d’accords tripartites signés avec les États membres et pour contrôler les installations nucléaires dans l’UE.
Les États membres sont responsables de leurs mix énergétiques et de leurs décisions en matière d’énergie nucléaire et « Bruxelles ne peut que donner son avis » rappelle le commissaire européen à l’énergie Günther Oettinger après l’accident de Fukushima(16). Des parlementaires européens comme Corinne Lepage (ADLE) et l'Allemand Jo Leinen (Socialistes et démocrates) plaident pour une modification du traité Euratom afin de changer cet état de fait.
Enjeux et objectifs
Outre l’enjeu énergétique d’assurer une indépendance européenne de l’approvisionnement, Euratom s’est trouvé devant différents enjeux.
Sécurité des populations
Le traité Euratom doit empêcher le détournement des matières nucléaires destinées à des fins civiles vers des fins militaires. En 1957, l’énergie nucléaire est populaire au sein des opinions européennes et les Etats fondateurs d’Euratom considèrent qu’elle constitue « la ressource essentielle qui assurera le développement et le renouvellement des productions et permettra le progrès des œuvres de paix ». Les pays signataires considèrent ainsi Euratom comme un outil pour la paix et de fait, « pour la vie et la santé des populations ». La notion de bien être des populations est ainsi associée au développement de l’énergie nucléaire.
Mutualisation des coûts économiques
Un intérêt majeur du traité Euratom consiste à la mise en commun des connaissances, des infrastructures et du financement de l’énergie nucléaire. Logique qui prévaut aussi dans le cas d’ITER : il s’agit de l’action la plus importante en cours en termes de coopération dans le domaine de l'énergie nucléaire.
Une politique européenne sur le nucléaire
L’UE établit des normes européennes, posant les bases d’une harmonisation en termes de sûreté nucléaire. Elles s’imposent aux candidats à l’entrée dans l’UE dont le niveau de sûreté des centrales peut être mis en cause. Dans cette optique, le programme européen PHARE(11) aide les pays concernés à améliorer la sûreté de leurs installations.
L’ambition d’une concertation européenne sur l’énergie nucléaire se heurte néanmoins aux choix souverains des différents Etats membres. De plus, le Parlement européen critique le traité Euratom qui lui confère un rôle uniquement consultatif. En 1992 et 1993, l’assemblée refuse de voter le budget de recherche nucléaire d’Euratom pour critiquer le fait qu’elle ne peut pas en modifier les orientations. Le budget de la recherche nucléaire est alors fondu dans les crédits du programme-cadre de recherche.
Histoire et faits marquants
Après la création de la CECA(13) en 1951, les six États membres signataires poursuivent leur recherche d’un marché commun autour de deux axes : un marché commun généralisé et une communauté de l’énergie atomique, qui font l’objet de la signature des « traités de Rome » en 1957 et entrent en vigueur dès le 1er janvier 1958.
Créée en même temps que la CEE (Communauté Economique Européenne), Euratom s’appuie comme elle sur l’assemblée et la Cour de Justice européennes ainsi que sur le Comité économique et social mais dispose à l’époque de son propre pouvoir exécutif : sa propre Commission et son propre Conseil, qui fixe le cadre général des activités de la Communauté.
La création d’Euratom(14) intervient à la demande de la France et de Jean Monnet(15) afin d’assurer une indépendance énergétique aux pays signataires. Indépendance qui n’est alors pas assurée comme en témoigne le blocus du golfe d’Aqaba par Nasser en 1956 (crise du canal de Suez) qui provoque une pénurie de carburant. Des problèmes d’approvisionnement se font alors sentir pour le pétrole. A l’époque, seule la France possède un embryon d’industrie nucléaire (budget consacré supérieur à ceux des cinq autres pays réunis).
Euratom possède alors deux Comités spécialisés(8) : le Comité Scientifique et Technique qui assiste la Commission dans l'élaboration des programmes de recherches de la Communauté et le Comité d'arbitrage dont le rôle est de régler les litiges nés à propos de la délivrance des licences et des brevets.
Les États membres se disent, dans le préambule du traité Euratom, « résolus à créer les conditions de développement d’une puissante industrie nucléaire, source de vastes disponibilités d’énergie et d’une modernisation des techniques, ainsi que de multiples autres applications contribuant au bien-être de leurs peuples.»
Le Traité communautaire de fusion des communautés européennes, signé en 1965, prévoit la fusion de l’exécutif d’Euratom avec ceux de la CECA et de la CEE. Depuis 1967, Euratom repose sur le « triangle institutionnel » (Conseil, Commission et Parlement européen), qui est responsable de la mise en œuvre du traité. La communauté Euratom dispose de deux organismes propres :
- l’Agence d’approvisionnement d’Euratom ;
- l’Office de contrôle de sécurité qui réalise des contrôles dans les installations nucléaires des Etats membres.
S’y ajoute le Centre commun de recherche (JRC pour Joint Research Centre) institué par le traité Euratom : cet organe central de la recherche nucléaire au niveau européen(9), intégré à la Commission européenne, promeut le transfert de technologies innovantes, en délivrant notamment des licences non exclusives sur certains brevets, à la requête d’Etats membres, de personnes ou d’entreprises.
Le JRC collabore et apporte un financement à des organismes dans le cadre des programmes-cadres de recherche de la Commission européenne (actuellement 8e programme-cadre pour la période 2014-2020, intitulé « Horizon 2020 »)(10) ou à travers des actions indirectes. Ce huitième programme-cadre d’Euratom est fixé pour une durée de 5 ans sur la période 2004-2018. Il concerne :
- des actions indirectes dans le domaine de la recherche sur l’énergie de fusion et de la fission nucléaire et de la radioprotection ;
- des actions directes entreprises par le JRC, Centre de recherche de la Commission européenne .
Le Centre Commun de Recherche compte sept instituts répartis sur cinq centres de recherche en Italie (Ispra), en Allemagne (Karlsruhe), aux Pays-Bas (Petten), en Belgique (Geel) et en Espagne (Séville)(12).
Bien que partageant les mêmes institutions que l’UE, Euratom garde une personnalité juridique distincte. Le traité Euratom a connu peu de modifications et seules certaines adaptations ont été opérées par le traité modificatif de 2007.