- Source : Ifri
Au sein du continent africain, le Nigéria possède les plus vastes réserves prouvées de gaz naturel (5 100 milliards de m3 à fin 2014) et les deuxièmes plus importantes de pétrole (37,1 milliards de barils) derrière la Libye. La production d’hydrocarbures de ce pays reste toutefois relativement faible en raison de nombreuses contraintes (corruption, insécurité, absence de visibilité juridique et fiscale, etc.).
Dans cette note, Benjamin Augé, chercheur associé aux centres Énergie et Afrique de l’Ifri, dresse le bilan pétrolier de Goodluck Jonathan, président du Nigéria de 2011 à 2015, et présente les dossiers que va devoir traiter son successeur, Muhammadu Buhari (coalition de l’All Progressives Congress), élu en avril 2015.
Le mandat de Goodluck Jonathan a été marqué par différents scandales(1) (la société nationale NNPC n’ayant par exemple pas versé des milliards de dollars qu’elle devait à la Banque centrale du Nigéria selon son ancien gouverneur) et blocages bureaucratiques, empêchant notamment l’adoption de la législation qui devait régir le secteur pétrolier (Petroleum Industry Bill). Cette situation a provoqué un désengagement progressif des investisseurs étrangers : le premier producteur au Nigéria, Shell, s’est séparé d’une dizaine de permis entre 2011 et 2015 et ConocoPhilips a vendu la totalité de ses actifs dans le pays en 2014. Une réforme du secteur pétrolier est ainsi nécessaire pour redonner confiance aux opérateurs et investisseurs.
Le nouveau président nigérian doit également gagner le soutien des habitants du delta du Niger, région d’où provient la quasi-totalité du pétrole extrait dans le pays et où les leaders locaux soutiennent encore massivement Goodluck Jonathan. Muhammadu Buhari envisage de mettre fin à une amnistie mise en place en 2009 avec le MEND (Movement for the Emancipation of the Niger Delta), mouvement qui avait attaqué des infrastructures pétrolières et gazières par le passé en revendiquant officiellement une meilleure répartition de la rente pétrolière au profit des États producteurs. L’amnistie a jusqu’ici garanti, entre autres, à près de 30 000 personnes soutenant le MEND d’accéder à des formations diplômantes à l’étranger, un programme très coûteux parfois détourné de ses objectifs premiers et peu efficace (les anciens « fauteurs de troubles » ne séduisent pas les employeurs malgré leurs formations).
Outre la réforme du secteur pétrolier, des zones polluées par l’exploitation pétrolière, mettant à mal la pêche et l’agriculture au niveau local, doivent encore être nettoyées. La chute des cours pétroliers pèse actuellement sur l’économie nigériane (avec une forte dépréciation du naira, la monnaie locale). Pour financer ses réformes, le nouveau président compte sur le rapatriement de dizaines de milliards de dollars de fonds volés par les précédentes administrations (la France s’est engagée à aider le Nigéria). Un recours à l’endettement n’est pas à exclure, la dette publique nigériane ne représentant actuellement que 10% du revenu national brut.
Sources / Notes
(1) Le Nigéria n’en a pas fini avec ses anciens scandales de corruption : les États-Unis conditionnent en effet leur aide militaire pour lutter contre Boko Horam dans le pays au traitement juridique d’affaires passées (notamment concernant des commissions payées par Technip, KBR, JGC et Snamprogetti dans les années 1990).