- Source : Ifri
Élu Président du Mexique en juillet 2018, Andrés Manuel López Obrador a depuis cherché à renforcer le poids de l'État et de ses deux grandes entreprises publiques dans le secteur énergétique - Petróleos Mexicanos (Pemex)(1) et la Compagnie fédérale de l’électricité (CFE) - au détriment des compagnies privées. Une politique « à l’encontre des principes de libéralisation mis en œuvre dans la Réforme de l’énergie (2013-2014) qui visait à renforcer la concurrence en vue de créer un véritable marché», rappelle Isabelle Moreau, professeur et responsable du programme Énergie au Centre d'études internationales de l’El Colegio de Mexico.
Dans la publication ci-après mise en ligne le 9 juillet par le Centre Énergie & Climat de l'Ifri, l'auteur détaille la politique énergétique du Président mexicain, pour qui « la souveraineté et la sécurité énergétique constituent les deux principes clés [...] qui se conjuguent avec un État protecteur et propriétaire, un modèle endogène de développement (recherche de l’autosuffisance), et la priorité des critères politiques au détriment des considérations techniques, économiques et financières ». Isabelle Rousseau y décrit également les limites et risques associés à cette nouvelle stratégie, rappelant que Pemex est la compagnie pétrolière « la plus endettée au monde en 2019 (106 milliards de $), avec une dette qui a augmenté de 13 % en 2020 »(2).
Dans le secteur électrique, « cette nouvelle étatisation met en péril l’essor des énergies renouvelables qui proviennent principalement de projets financés par des compagnies privées », souligne Isabelle Rousseau. En 2020, 5,85% de la production mexicaine d'électricité provenait de l'éolien et 4,25% du photovoltaïque. Signalons que la géothermie présente également un intérêt particulier dans ce pays - le Mexique dispose du 6e rang mondial en termes de capacité installée et possède huit centrales - mais « ce secteur est aujourd’hui en standby car le gouvernement, voulant privilégier la CFE, n’octroie plus de concessions aux compagnies privées »(3). Les autres filières bas carbone, l'hydroélectricité et le nucléaire(4), ont compté respectivement pour environ 9% et 4% du mix électrique mexicain en 2020 (contre 63% pour le charbon).
Isabelle Moreau avertit sur les affrontements actuels et à venir des autorités mexicaines avec les compagnies d'une part et aves les pays partenaires d'autres part (notamment dans le cadre du Traité de libre commerce Mexique, États Unis et Canada, dit « T-MEC », entré en vigueur le 1er juillet 2020)(5)). Plus encore, elle témoigne que « la confiance a disparu [...] les investisseurs potentiels se tournent vers d’autres régions du monde »(6). Elle indique par ailleurs que le Mexique est aujourd'hui « à contre-courant » sur la question du changement climatique qui n'apparaît pas comme l'une des priorités d'Andrés Manuel López Obrador.
Sources / Notes
- Dans le secteur des hydrocarbures, Andrés Manuel López Obrador a notamment introduit une nouvelle politique et insufflé un nouveau cap de Pemex : au nom de la recherche d'une autosuffisance énergétique, « la production de brut sera désormais destinée au raffinage au détriment de l’exportation ».
- Isabelle Moreau indique toutefois que « les mauvais résultats de la société ne sont jamais exhibés : la production de 17 champs prioritaires sur 20 présente un retard important, produisant seulement 92 000 barils par jour (b/j) sur les 222 000 b/j prévus ; soit 41 % du scénario prévu ». Dans le secteur gazier, Andrés Manuel López Obrador « a annoncé que le Mexique devait, en 2024, retrouver sa production de 2008 (6,9 milliards de pieds cubes par jour). Mais cet objectif n’a été assorti d’aucun plan précis ».
- « Situation paradoxale car la CFE n’investit pas, faute de deniers. »
- « Le ministère de l’Énergie (Sener) est, en théorie, favorable au nucléaire. En juillet 2020, il a prolongé pour 30 ans la licence que CFE possède sur la centrale de Laguna Verde (Veracruz). Malgré la promesse d’un troisième réacteur dans un avenir proche, rien n’a été fait ».
- « Les dirigeants Trudeau et Biden ont menacé d’engager des représailles contre le Mexique et rien n’empêche les compagnies affectées de faire appel aux mécanismes de solution des différends qu’offre le T-Mec. »
- « C’est le cas, par exemple, d’Iberdrola qui a fait savoir, en octobre 2020, que les 5 milliards de $ destinés à de nouveaux projets au Mexique émigreront vers d’autres destinations. »