La COP23 se tient à Bonn du 6 au 17 novembre 2017. (©flickr-UNclimatechange)
Près de deux ans après la COP21, les engagements actuels restent incompatibles avec les ambitions de l’Accord de Paris. Lors du Forum Énergie qui s’est tenu le 8 novembre à l’université Paris-Dauphine, différents acteurs se sont à nouveau interrogés sur les modalités concrètes de la lutte contre le changement climatique.
Les États, incontournables dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris
A la question centrale de la 10e édition du Forum Énergie de l’Université Paris-Dauphine - Qui portera l’Accord de Paris ? - il y eut d’abord la réponse politique du secrétaire d’État Sébastien Lecornu : « tout le monde ». Parmi la diversité d’acteurs engagés pour respecter les engagements de la COP21, le rôle central des États a toutefois été rappelé sans surprise par de nombreux intervenants. Sans l’État « régulateur, visionnaire, investisseur, rien ne se fait », constate Pascal Canfin, directeur général de WWF France.
Les États disposent d’ailleurs d’un double pouvoir, a rappelé Christian de Perthuis, fondateur de la Chaire Économie du Climat : « un pouvoir positif de mise en œuvre […] mais aussi un pouvoir négatif de blocage ». A cet égard, Donald Trump constitue selon lui « une illustration caricaturale » des freins à la mise en œuvre de l’Accord de Paris mais de nombreux États ralentissent également, de façon plus discrète, la lutte contre le réchauffement climatique lors des négociations des différentes COP.
Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières de Paris-Dauphine (CGEMP) a par ailleurs rappelé les faiblesses institutionnelles d’un grand nombre d’États signataires de l’Accord de Paris. A Bonn, il va présenter à leur attention un registre d’émissions de gaz à effet de serre ayant recours à la technologie « blockchain » (ce qui évitera de devoir recourir à une organisation comme la Caisse des Dépôts en France).
Un poids croissant de la société civile
Le président de la CRE Jean-François Carenco a appelé à ne pas opposer État et société civile, rappelant que la puissance publique se devait, en matière d’énergie, d’assurer aux consommateurs une sécurité d’approvisionnement et des coûts bas(1).
Si les États « fixent les règles du jeu » selon les termes de Corinne Lepage (CAP21), leur responsabilité devant la société civile dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre a d’ailleurs été affirmée par plusieurs décisions de justice récentes (ONG Urgenda contre l’État néerlandais en juin 2015, de jeunes Américains contre l’État du Massachusetts aux États-Unis en mai 2016, etc.).
Aux côtés des ONG qui « éveillent les consciences » selon Audrey Pulvar (Fondation pour la Nature et l’Homme), la société civile pèse ainsi sur la mise en œuvre des transitions énergétiques, comme en témoigne l’émergence d’une « vraie opinion publique » en Chine qui encourage les autorités à investir massivement dans les différentes filières bas-carbone selon l’Ambassadeur de France Jean-David Lévitte.
En Suisse, le système de votations constitue une illustration plus poussée encore du poids de la société civile. Antonio Hodgers a ainsi rappelé que le canton de Genève (dont il est conseiller d’État) s’est engagé à sortir du nucléaire en 1986 dans le cadre d’une initiative populaire(2).
Villes et entreprises : un temps d’avance
Les domaines d’actions de la transition énergétique (efficacité des bâtiments, systèmes de transports bas-carbone, gestion des déchets, etc.) constituent des problématiques centrales des villes, a rappelé Patrice Geoffron(3). Le « changement de logiciel économique » évoqué par Olivier Pastré, professeur à l’Université Paris VIII, se matérialise aujourd’hui par une logique « bottom-up ».
Les autorités infranationales, en particuliers les villes regroupées en réseaux (C40, Energy Cities), se portent ainsi aux avant-postes de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour Pascal Canfin, les décisions des grandes villes réunies au sein du réseau C40 s’imposent notamment comme des normes au niveau international tant ces marchés sont incontournables.
Les entreprises travaillent pour leur part sur de nombreuses technologiques bas-carbone susceptibles de leur ouvrir d’importants marchés. Pour orienter leurs investissements, elles réclament elles-mêmes la mise en œuvre d’un signal-prix du carbone le plus large possible. La mise en œuvre de prix internes du carbone constitue d’ailleurs « une pratique montante en entreprise », comme l’indique un rapport de septembre 2016 d’Entreprises pour l’environnement(4). Jean-Pierre Clamadieu a notamment rappelé que son groupe Solvay disposait de deux prix internes du CO2 (25 €/t CO2 pour ses décisions à court terme et 75 €/t CO2 pour des investissements de long terme)(5).
Il a été rappelé au Forum Énergie que la Chine doit généraliser d’ici fin 2017 son système d’échange de quotas de CO2, expérimenté jusqu’ici au sein de 8 marchés pilotes régionaux. L’Union européenne qui avait développé ce dispositif de marché carbone pourrait ainsi se retrouver à la traîne, ont déploré plusieurs intervenants. L’urgence à agir est pourtant un sentiment très largement partagé, tout comme les inégalités très fortes renforcées par le changement climatique. Dans une formule assez symbolique, le directeur de la stratégie d’AXA Christian Thimann a indiqué qu’ « un monde à + 2°C sera encore assurable, pas un monde à + 4°C ».
Le marché chinois qui sera mis en œuvre fin 2017 constituera le principal système d’échange de quotas carbone dans le monde. (©Connaissance des Énergies, d’après Banque mondiale)