Le taux d’autoconsommation correspond à la part de la production qui est consommée sur place par l‘autoproducteur. (©EDF-Getty Images)
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié le 21 février une délibération(1) présentant ses recommandations pour favoriser le développement de l'autoconsommation en France, en assurant à ses acteurs « une rentabilité raisonnable et proportionnée aux bénéfices qu’elle apporte au système électrique dans son ensemble ».
Simplifier le cadre technique et contractuel de l’autoconsommation
A l’issue d’une large consultation menée au second semestre 2017 auprès des acteurs du secteur, la CRE a formulé ses conclusions et recommandations sur le développement de l’autoconsommation en France(3) qui doit, selon ses termes, s’appuyer sur « un cadre lisible et cohérent sur les aspects contractuels et économiques(2) ». Elle adresse une partie de ces recommandations aux gestionnaires des réseaux de distribution publique d’électricité afin de favoriser un « développement harmonieux de l’autoconsommation ».
La CRE appelle tout d’abord les gestionnaires de réseaux à « faire évoluer leurs documentations techniques de référence » précisant les modalités de raccordement (notamment les règles techniques pour le raccordement simultané d’une installation de consommation et d’une installation de production). Pour déclarer les nouvelles installations d’autoconsommation, la CRE recommande de mettre en place « une plate-forme dématérialisée et simplifiée » sur laquelle les informations pourraient être saisies par le commercialisateur ou l’installateur(4).
Le gendarme de l’énergie demande par ailleurs aux gestionnaires de réseaux d’« installer prioritairement des compteurs évolués [Linky] chez les autoconsommateurs » pour que ces derniers disposent d’un unique compteur (avec des mesures à un pas de 30 minutes), facilitant ainsi le comptage des flux d’électricité injectés et soutirés.
Pour simplifier le cadre contractuel de l’autoconsommation, la CRE demande notamment aux gestionnaires de réseaux de proposer deux « contrats uniques » pour les autoconsommateurs individuels ayant des installations de puissance inférieure ou égale à 36 kVA : l’un relatif aux injections (signé avec l’acheteur des surplus d’électricité), l’autre aux soutirages (signé avec le fournisseur), ce qui garantit entre autres le droit du consommateur à changer de fournisseur. La CRE indique par ailleurs ne pas être favorable à étendre le périmètre des opérations d’autoconsommation collective au-delà du niveau de la « poche de réseau » (c’est-à-dire au-delà de l’aval d’un même poste de distribution publique HTA/BT(5)).
Des mécanismes de soutien « direct » et « indirect » en questions
A l’heure actuelle, les autoconsommateurs dont l’installation de production a une puissance inférieure à 1 MW (ou une puissance supérieure à 1 MW mais produisant moins de 240 GWh par an(6)) bénéficient d’une exonération de la CSPE (contribution au service public de l’électricité) et des taxes locales (TCFE communale et départementale) sur la part d’électricité autoconsommée.
La CRE note que ce soutien financier « indirect » à l’autoconsommation pourrait, si cette dernière se développe fortement, poser « une question budgétaire pour l’État et pour les collectivités qui pourrait nécessiter des ajustements substantiels ». Elle appelle ainsi, « sous réserve de faisabilité juridique », à limiter ces exonérations aux autoconsommateurs individuels ayant des installations photovoltaïques de moins de 9 kWc. La CRE recommande par ailleurs de ne pas étendre ces exonérations aux opérations d’autoconsommation collective.
Les dispositifs de soutien « direct » (tarifs d’achats, appels d’offres) restent toutefois « à privilégier » selon la CRE dès lors qu’ils « permettent notamment un pilotage plus efficace du rythme de développement des installations et limitent ainsi les risques d’effets d’aubaine »(7).
Elle recommande des cadres de soutien différents selon la taille des installations d’autoconsommation et leur fonctionnement (autoconsommation individuelle, collective ou en vente à totalité), avec notamment en métropole :
- un tarif d’achat unique pour les installations photovoltaïques de moins de 9 kWc (qu’elles soient en autoconsommation ou en injection totale sur le réseau)(8) ;
- des tarifs d’achat distincts pour les installations de 9 à 100 kWc, des expérimentations devant être menées afin d’en préciser le niveau selon le type d’installations ;
- des appels d’offres pour les installations de plus de 100 kWc, la CRE recommandant de soumettre les projets de plus de 500 kWc de puissance au « cadre de la vente en totalité » (que l’installation fasse ou non l’objet d’une autoconsommation).
Ces dernières recommandations concernent la France métropolitaine, la CRE souhaitant par ailleurs que le gestionnaire de réseau dans les zones non-interconnectées (EDF SEI) fournisse une étude d’ici fin 2018 sur « les impacts et la valeur de l’autoconsommation pour les systèmes électriques insulaires ».
Les tarifs de réseaux en consultation
Le gendarme de l’énergie indique ne pas envisager « à ce stade une évolution complémentaire » du tarif de réseau (TURPE) pour l’autoconsommation individuelle, jugeant que celui-ci doit refléter « les coûts de réseau quel que soit l’usage de l’électricité ». Pour l’autoconsommation collective, il appelle les acteurs de l’énergie à s’exprimer sur « la façon de refléter dans les tarifs les coûts évités sur les réseaux par la production locale d’électricité ».
La CRE a ainsi mis en ligne le 21 février une consultation publique sur « la prise en compte de l’autoconsommation dans la structure du TURPE HTA-BT et des tarifs réglementés de vente »(9), à laquelle les parties intéressées peuvent répondre jusqu’au 23 mars 2018.
Pour rappel, Enedis faisait état d’environ 20 000 autoconsommateurs raccordés à ses réseaux publics de distribution à fin 2017 (auxquels s’ajoutent 5 000 installations en attente de raccordement et les sites en autoconsommation sans injection). Cela reste « très peu par rapport à d’autres voisins européens », rappelle la CRE, en particulier par rapport à l’Allemagne qui compte près de 1,5 million d’autoconsommateurs mais aussi au Royaume-Uni (750 000), à l’Italie (630 000) ou à la Belgique (380 000).