Energie et géopolitique sont intimement liées dans le golfe persique. Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, considèrent le programme nucléaire civil iranien comme une boîte de Pandore. Pour y mettre fin, les Américains plaident pour un embargo sur le pétrole iranien.
Boycott pétrolier : quel poids ?
Avec plus de 4 millions de barils produits quotidiennement, l’Iran est le 4e producteur de pétrole dans le monde. Il dispose de presque 10% des réserves mondiales estimées à fin 2010 (137 milliards de barils). C’est à ce secteur phare de l’économie iranienne que les Etats-Unis veulent s’attaquer, dans la continuité de leurs sanctions financières contre Téhéran (gel des avoirs contre toutes les institutions financières commerçant avec la banque centrale iranienne).
Les exportations iraniennes de pétrole assurent près de 80% des rentrées de devises étrangères du régime chiite. Les Etats-Unis, dont les importations pétrolières ne sont pas alimentées par l’Iran, s’appliquent à convaincre les partenaires commerciaux de Téhéran d’engager un embargo pétrolier. En déplacement à Johannesburg mardi dernier, le vice-ministre américain de l’énergie Daniel Poneman a tenté de convaincre l’Afrique du Sud, premier importateur africain de brut iranien, avec un argument simple : le marché du pétrole est « un marché mondial, le pétrole est fongible et facile à transporter ». Autrement dit, il serait possible de se passer du producteur iranien.
Quelles alternatives et quelles réactions ?
Avec une production de près de 9,4 à 9,8 millions de barils par jour, l’Arabie saoudite est le 1er producteur de pétrole de l’OPEP devant l’Iran et le 2e producteur mondial derrière la Russie. Les Etats-Unis misent sur cet allié de poids pour compenser le déficit d’offre qui résulterait de l’embargo iranien. Le 17 janvier, le ministre saoudien du Pétrole a confirmé cette option en annonçant à CNN que son pays était prêt à atteindre une production évaluée entre 11,4 à 11,8 millions de barils par jour en quelques jours. Une hausse de la production susceptible de se substituer aux 2,6 millions de barils exportés actuellement par l’Iran. « Tout ce que nous avons à faire est d’ouvrir les vannes » précisait-il.
Un argument défendu par les Américains qui cherchent à convaincre quelques pays asiatiques encore hésitants comme le Japon et la Corée du Sud. De leur côté, la Russie, l’Inde et la Chine se sont clairement opposés à tout embargo pétrolier.
Sous l’impulsion du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne, les pays de l’Union européenne se retrouvent lundi 23 janvier pour la mise en place dudit embargo. L’UE importe 5,8% de son pétrole brut d’Iran en 2010 (l'équivalent de près de 450 000 barils par jour) et ses pays membres en seraient affectés de façon diverse. Les pays par lesquels arrive le brut iranien depuis la mer seraient les plus touchés, à savoir l’Italie, l’Espagne et surtout la Grèce qui importe un quart de son pétrole d’Iran.
Quels risques ?
Malgré les déclarations du ministre saoudien jugées « inamicales », l’Iran ne présente aucun signe allant dans le sens d’un arrêt de son programme nucléaire. Fin décembre, le pays avait menacé de fermer la voie du détroit d’Ormuz, par lequel transite près 35% du pétrole transporté par voie maritime dans le monde. Celle-ci pourrait provoquer une intervention militaire des forces américaines situées dans le Golfe. Le chef de la diplomatie iranienne démentait ce matin toute fermeture de ce détroit mais cette hypothèse rappelle que les conséquences d’un embargo dépasseraient le cadre des cours pétroliers.
Malgré les incertitudes liées aux exportations iraniennes et à la circulation du détroit d’Ormuz, le risque de pénurie pour les pays de l’AIE est limité à court terme par le Programme International pour l’Energie : les pays membres de l'AIE sont tenus de posséder en permanence un stock stratégique équivalent à au moins 90 jours d'importations nettes de pétrole brut, sur la base de la moyenne des importations de l'année précédente.
Rappelons que l’Iran est également un géant gazier, disposant de plus de 15% des réserves prouvées de gaz naturel dans le monde fin 2010. Sa production est toutefois essentiellement consacrée à la consommation interne.