ITER construction

Le complexe du tokamak est soutenu par 493 colonnes de béton surmontées de plots parasismiques. (©F4E)

Présentation

ITER est l'acronyme de International Thermonuclear Experimental Reactor en anglais, qui signifie « le chemin » en latin, est un projet scientifique international de réacteur expérimental à fusion nucléaire fondé sur le principe du confinement magnétique. Par extension, le sigle ITER désigne à la fois le réacteur et l’organisation en charge du projet.

L’accord formel scellant le projet commun des pays participants a été signé en 2006 et les premières phases de construction des installations ont été amorcées en 2010 sur le site de Cadarache (France). Le réacteur devrait être inauguré à l’horizon 2018-2020 et sa période d’exploitation est estimée à environ 20 ans. Le programme ITER rassemble la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l’Union européenne, l’Inde, le Japon et la Russie.

ITER vise à démontrer la faisabilité scientifique et technique du processus de fusion nucléaire contrôlée d’ici 2040. Il s’agit de reproduire sur Terre des réactions thermonucléaires un peu comme celles qui ont lieu au cœur des étoiles. De très grandes quantités d’énergie sont libérées par la fusion nucléaire, comme en atteste la puissance des armes thermonucléaires modernes, les bombe H « à fusion ». Pouvoir reproduire ce phénomène en le contrôlant au sein d’un réacteur permettrait, en théorie, de satisfaire une grande partie des besoins énergétiques de l’humanité. De plus, la fusion nucléaire est présentée par les promoteurs du programme ITER comme une source d’énergie universelle, inépuisable et sans risque majeur pour l'environnement.

Enjeux et objectifs du programme ITER

Le programme ITER devrait permettre de réaliser des avancées notoires sur la fusion nucléaire en vue d’une exploitation industrielle, ainsi que sur d’autres domaines de la physique comme l’étude des plasmas thermonucléaires.

Si les découvertes du programme ITER validaient les technologies de la production d’énergie par fusion nucléaire, cela ouvrirait la voie d’une énergie abondante, potentiellement inépuisable, et propre dès la fin du siècle.

Comment la fusion nucléaire peut produire de la chaleur et de l’électricité

La « fusion nucléaire » aussi appelée « fusion thermonucléaire » est la réunion de deux noyaux atomiques légers pour former un noyau unique plus lourd. Au cours de cette réaction de fusion, la masse du noyau produit est inférieure à la somme des masses des noyaux légers d'origine. Or, en vertu de la relation établie par Albert Einstein « E=mc2 », la différence de masse est convertie en énergie. Ce dégagement d’énergie se manifeste entre autres sous forme de neutrons isolés chargés d’énergie. Le phénomène de fusion nucléaire se différencie donc de celui de la fission nucléaire. Dans ce dernier, un atome lourd se scinde en deux atomes plus légers et plus stables avec un dégagement d’énergie nettement inférieur.

Les plans du réacteur ITER utilisent un concept de chambre à confinement magnétique inventé dans les années 1950 appelé « tokamak ». Cette chambre a deux rôles principaux :

  • engendrer et contenir les réactions de fusion au sein d’un bouclier magnétique. Puisqu’il est immatériel, ce bouclier peut résister aux températures nécessaires (150 millions de degrés) à l’enclenchement du processus de fusion ;
  • recueillir l’énergie transmise par les neutrons aux parois internes du tokamak, de la transformer en chaleur. Dans l'installation ITER, cette chaleur est évacuée à l’aide de tours de refroidissement. Dans le prototype de réacteur de fusion DEMO, déjà envisagé pour succéder à ITER, la chaleur sera utilisée pour produire de la vapeur et, au moyen de turbines et d'alternateurs, de l'électricité.

La quantité d'énergie produite par la réaction de fusion est environ 4 millions de fois supérieure à celle que génèrent des réactions chimiques telles que la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz naturel. Une centrale au charbon de 1 000 MW brûle 2,7 millions de tonnes de charbon par an. Une centrale de fusion de capacité équivalente ne consommerait que 250 kilos de combustible chaque année(7).

Les deux principaux objectifs scientifiques d’ITER

Puissance

Générer une puissance de 500 mégawatts en étant alimenté par une puissance de 50 mégawatts, durant un temps de l’ordre de 6 min.

A titre de comparaison, le record mondial établi par le réacteur européen JET (Joint European Torus) situé en Angleterre n’est que de 16 mégawatts pendant une seconde, pour une puissance injectée de 25 mégawatts.

L'équation Q ≥ 10 symbolise ce premier objectif scientifique : produire dix fois plus d'énergie que la machine n'en aura reçue. Conçu pour produire 500 MW d'énergie de fusion à partir d'un apport externe de 50 MW, ITER pourrait être le premier dispositif de fusion contrôlée capable de générer de l'énergie de manière effective(3).

  • Facteur d’amplification (Q) : rapport de l’énergie dégagée sur l’énergie injectée. Le record du réacteur à fusion par confinement magnétique est de 0,65 pendant une seconde.
  • Breakeven : terme anglais correspondant au moment à partir duquel le plasma produit autant d’énergie qu’il en consomme pour son chauffage (Q = 1).
  • Ignition : le chauffage du plasma est entièrement assuré par l’apport de chaleur provenant des noyaux d’hélium créés lors des réactions de fusion. Les modes de chauffage additionnels peuvent être coupés (Q = infini).

Temps

Maintenir les réactions de fusion dans le plasma pendant au moins un quart d’heure(2). A titre de comparaison, Tore Supra (tokamak de recherche à Cadarache) détient depuis le 4 décembre 2003 le record mondial de la durée d’un plasma entièrement maitrisé, pendant 6 minutes 30 secondes à une température de 40 millions de degrés.

Les découvertes sur le processus de fusion doivent être tant qualitatives que quantitatives. Les scientifiques cherchent à accroître un peu plus la température et la durée d’un plasma, jusqu’au seuil de combustion et de la fusion auto-entretenue (« ignition »).

Industrialisation

ITER est une étape vers une installation pré-industrielle qui devra démontrer la faisabilité de la production d'électricité. L’étape suivante, avec le réacteur de démonstration DEMO, devrait apporter la démonstration d’une production continue d’énergie, ce qui suppose, en particulier, la régénération du tritium à partir du lithium (pour ITER, le tritium sera approvisionné en externe en provenance de réacteurs canadiens à eau lourde) et l’utilisation de nouveaux matériaux capables de résister à d’importants flux de neutrons énergétiques. Si tout se passe comme prévu, DEMO inaugurera l'ère de la fusion nucléaire industrielle.

"Fin 2035 on commencera à faire de la vraie production d'énergie de fusion, et le réacteur fonctionnera à pleine puissance, à 500MW, fin 2036", et non en 2025-2027 comme précédemment envisagé, a déclaré M. Bigot, ancien patron du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) français et directeur général du programme Iter de 2015 à son décès en 2022.

Alors que la viabilité du programme de réacteur expérimental de fusion nucléaire était remise en question, certains des pays envisageant alors de remettre en cause leur participation, Bernard Bigot l'avait remis sur les rails.

Aujourd'hui, "chacun des partenaires du programme - la Chine, l'Europe, l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les États-Unis - a produit sa part de pièces de très haute technologie destinées à la machine et aux systèmes industriels de l'installation", et les trois quarts des "tâches indispensable à la production d'un premier plasma sont désormais réalisées", selon Iter

L'échéance annoncée pour un déploiement à grande échelle est à la deuxième partie du XXIe siècle.
 

Les composants du réacteur

ITER met en œuvre une multitude de technologies de pointe afin d’engendrer et de maintenir le processus de fusion par confinement magnétique.

  • Le cryostat : Le cryostat est une grande structure en acier inoxydable qui enveloppe la chambre à vide et les aimants supraconducteurs, délimitant un environnement sous vide extrêmement froid. Le cryostat est rempli d'hélium gazeux à une pression légèrement supérieure à une atmosphère, jouant ainsi le rôle de barrière thermique.
  • Les aimants : Des champs magnétiques de grande intensité doivent être mis en œuvre pour confiner le plasma dans la chambre à vide d'ITER. Les bobines sont situées entre la chambre à vide et le cryostat, où elles sont refroidies à très basse température et protégées contre l’échauffement induit par les neutrons de la réaction de fusion.
  • Le système de chauffage externe : Le courant, qui chauffe le plasma dans sa phase initiale, ne suffit pas pour atteindre les températures requises pour la fusion nucléaire. On a recours à des systèmes de chauffage additionnels, par injection de particules neutres très énergétiques ou par ondes radio selon le principe d’un four à micro-ondes.
  • La chambre à vide : Une enceinte en inox parfaitement hermétique située à l'intérieur du cryostat.  La taille de la chambre à vide détermine le volume du plasma de fusion : plus l'enceinte est volumineuse, plus la machine peut produire d'énergie. La chambre à vide d'ITER est deux fois plus grande et seize fois plus lourde que celle du JET, le plus grand des tokamaks aujourd'hui en activité.
  • La couverture interne : La couverture tapisse les surfaces internes de la chambre à vide. Elle protège la chambre et les aimants supraconducteurs de la chaleur et des flux de neutrons issus de la réaction de fusion. Elle ralentit les neutrons, transformant leur énergie cinétique en énergie thermique qui est dissipée par les fluides de refroidissement. Dans les centrales de fusion, cette énergie sera utilisée pour produire de l'électricité.
  • Le divertor : Il est installé comme « plancher » de la chambre à vide. Il assure l'extraction d’une partie de la chaleur, des cendres d'hélium produits de la réaction de fusion, ainsi que d'autres impuretés issues du plasma. Le divertor fonctionne comme un gigantesque système d'évacuation.
  • Les systèmes de mesure : Un système de diagnostics très complet est prévu sur la machine ITER afin de recueillir les mesures qui permettront de contrôler, d'évaluer, d'optimiser le comportement du plasma dans la machine et de continuer les études scientifiques pour améliorer les performances.

Datés clés

  • 1985 : Lors du sommet de Genève, l’Union Soviétique de Gorbatchev propose aux Etats-Unis de construire un Tokamak de nouvelle génération.
  • 1998 : Les États-Unis, l’Europe et le Japon acceptent (le projet est placé sous l’égide de l’AIEA, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique).
  • 1998 : Fin de la première phase de l’étude d’ingénierie détaillée. La décision de ne pas construire ITER est prise et les États-Unis se retirent du projet. Les trois partenaires restant décident de réaliser un projet plus modeste.
  • 2001 : Achèvement de l’ingénierie détaillée du nouveau projet.
  • janvier 2003 : Les États-Unis et la Chine rejoignent le projet.
  • juin 2003 : La Corée du Sud rejoint le projet.
  • 2005 : L’Inde rejoint le projet.
  • 24 octobre 2007 : L'Accord ITER est ratifié par l'ensemble des membres, donnant officiellement naissance à l'ITER Organization.
  • été 2010 : trois chantiers sont ouverts : le creusement de la fosse du tokamak, la construction du bâtiment où seront assemblés certains des éléments de la machine et enfin la construction du siège d'ITER Organization.
  • avril 2012 : fin de l'installation des 432 plots parasismiques qui soutiendront le complexe du tokamak.
  • novembre 2012 : Aggrégation par l'ASN et Publication au Journal officiel du décret autorisant la création de l'installation nucléaire d'ITER.
  • mai 2017 : Début de l'assemblage des premiers composants majeurs du Tokamak.
  • novembre 2019 : Installation du premier des six aimants gigantesques qui formeront la chambre à vide.
  • juillet 2020 : Début de l'assemblage du Tokamak lors d'une cérémonie officielle.
  • décembre 2023 : Achèvement de l'installation du cryostat, un composant crucial du Tokamak.

Les pays participants

L’ITER Organization a officiellement été créée le 24 octobre 2007. C’est le cœur international en charge du projet. Le Conseil ITER est l'instance dirigeante qui supervise les travaux d'ITER Organization. C'est lui qui nomme les hauts responsables du programme, modifie les règlements, prend les décisions budgétaires et accepte les nouveaux pays et organisations au sein du programme ITER.

L’accord international pour la construction et l’exploitation d’ITER regroupe les participants suivants :

  • l’Union européenne via Fusion for Energy (F4E) sous l’égide de l’Euratom (la Suisse est associée au programme Euratom) ;
  • la Chine ;
  • la Corée du Sud ;
  • les États-Unis ;
  • l’Inde ;
  • le Japon ;
  • la Russie.

Le financement du projet est assuré par des contributions, financières et en nature, à hauteur de 45,5% par l’Europe dont 20% à la charge du pays hôte (la France) et le reste à parts égales entre les autres participants.

Il est envisageable qu’un huitième membre soit appelé à intégrer le projet afin de couvrir d’autres surcoûts. Le Brésil et le Kazakhstan ont également déposé une candidature. Les différents pays disposent d’agences « domestiques » nationales qui assurent l'interface avec l’ITER Organization. L’agence ITER France, créée au sein du CEA, est notamment en charge de :

  • l’accueil des collaborateurs d'ITER et de leurs familles ;
  • des travaux de viabilisation du site avant le démarrage des travaux de construction de l’installation de recherche ;
  • l’élaboration des dossiers de sûreté et du démantèlement de l’installation la fin de son exploitation.

La complexité de l’ITER Organization, les intérêts nationaux, l’interférence entre les dimensions scientifique et diplomatique sont à l’origine d’une part des surcoûts.

Pietro Barabaschi est l'actuel directeur général d'ITER. Il succède à Bernard Bigot (2015-2022), Osamu Motojima (2010-2015) et Kaname Ikeda (2007-2010).

Coût et surcoût

Initialement, le coût du projet a été estimé à 10 milliards d’euros, somme correspondant à la construction (10 ans), l’exploitation (20 ans), et le démantèlement de l’installation. Cependant, les plans de conception de la machine et de ses infrastructures périphériques ont depuis été étendus, engendrant un surcoût substantiel. Les prix des matériaux de base nécessaires à la construction ont également beaucoup augmenté. Selon des estimations à fin 2011(1), les seuls coûts de construction pourraient atteindre près de 13 milliards d’euros, un montant à répartir entre les différents partenaires du projet. Cela en fait l’un des programmes majeurs de recherche scientifique.

Le projet ITER a pris du retard et l'estimation des coûts totaux de construction est passée de près 5 milliards d’euros à 18 milliards, montant sujet à de nouvelles évolutions. L'UE évalue sa participation à près de 6,6 milliards (alors qu'elle supporte 45,5% du coût du projet). La complexité technologique du projet est grande, et sa faisabilité demeure incertaine.

La première production de plasma, essentielle pour la fusion, qui était initialement prévue pour 2025, est maintenant reportée à 2033 au plus tôt. Les retards et les réparations de pièces défectueuses entraîneront des surcoûts estimés actuellement à cinq milliards d'euros. La nouvelle échéance pour la production d'énergie magnétique complète est fixée à 2036, au lieu de 2033 comme prévu dans le calendrier initial de 2016.

En juin 2024, le conseil d'administration a approuvé la poursuite du projet selon ce nouveau calendrier, comme l'a indiqué le directeur. Le conseil doit encore se prononcer sur la demande de financements supplémentaires s'élevant à cinq milliards d'euros.

Certaines associations émettent des réserves quant au programme ITER. Elles soulignent que les objectifs à très long terme de la recherche sur la fusion nucléaire ne répondent pas aux questions énergétiques et environnementales qui se posent aujourd’hui. Selon ces associations, il serait possible d’utiliser les fonds employés à d’autres fins, notamment dans le secteur des énergies renouvelables.

Afin de remettre le coût du projet en perspective, rappelons que la facture énergétique européenne dépasse chaque année les 400 milliards d’euros.

Site de Cadarache

ITER est actuellement en cours de construction sur le site de Cadarache. Le choix du site a été négocié entre les divers pays contributeurs.

Quatre sites de construction avaient été proposés :

  • Cadarache, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), en France ;
  • Clarington, dans l'Ontario au Canada ;
  • Rokkasho-Mura, au nord de l'île Honshu au Japon ;
  • Vandellos, en Espagne.

C’est à Moscou, en 2005, que le choix des pays membres s’est arrêté sur le site français.

Les enjeux en termes d’emplois sont importants. Plus d'un millier de personnes sont employés sur le site ITER, un chiffre qui pourrait atteindre 5 000 personnes au plus fort de l'activité de construction selon les porteurs du projet.

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