Originellement focalisée sur le pétrole, l'AIE réalise aujourd'hui des projections sur toutes les énergies. (©Pixabay)
Qu'est-ce que l'Agence internationale de l’énergie ?
L’Agence internationale de l’énergie (AIE ou IEA en anglais) est une organisation intergouvernementale autonome rattachée à l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE). Elle est composée de 30 pays membres, pour la plupart importateurs de pétrole.
Fondée en 1974 à la suite de la première crise pétrolière, elle a initialement pour vocation de coordonner les mesures à prendre en cas de difficultés d’approvisionnement sur les marchés pétroliers, et plus globalement de garantir la sécurité énergétique de ses membres.
L'AIE a depuis étendu son expertise à toutes les énergies. Avec plus de 200 statisticiens et experts de l’énergie travaillant en son sein, l’Agence assure aussi un rôle de conseil auprès de ses membres.
Par ailleurs, elle publie chaque année des études dont la plus connue est le « World Energy Outlook » dans laquelle elle dresse un état des lieux du secteur énergétique et émet des hypothèses sur l’avenir.
Rôle et missions
Assurer l’approvisionnement des pays membres en produits pétroliers
L’AIE aide les gouvernements à prendre des mesures conjointes leur permettant de faire face à des situations de rupture d’approvisionnement pétrolier. Elle constitue un groupe d’intérêt de défense des pays consommateurs de pétrole, se posant ainsi historiquement en contrepoids international de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).
Coordonner les politiques énergétiques des pays membres
Aujourd’hui, la vocation de l’AIE évolue dans un nouveau contexte énergétique :
- la notion de sécurité énergétique n’est plus réduite au pétrole au regard du rôle croissant d’autres ressources énergétiques comme le gaz naturel, le charbon, l’énergie nucléaire ou les énergies renouvelables ;
- l'efficacité énergétique est un autre axe de progrès permettant d’accroître la sécurité énergétique des États par une réduction de leur consommation.
L'AIE publie annuellement le « World Energy Outlook », état des lieux de l’énergie dans le monde.
L’AIE oriente et favorise la convergence des différentes politiques énergétiques et des pratiques environnementales de ses pays membres.
L'Agence fonde des décisions énergétiques selon 4 axes : la sécurité énergétique, le développement économique, la protection de l'environnement et l'engagement mondial.
Budget
Le budget 2018 de l’AIE(3) s'élève à 27,8 millions d’euros. Son financement est en grande partie assuré par les contributions des pays membres. Celles-ci sont fixées en fonction de la puissance économique de chaque pays membre. Ainsi, les États-Unis, le Japon et l'Allemagne font partie des principaux contributeurs.
L'AIE reçoit également des contributions volontaires (de l'ordre d'un tiers de son budget) et plus d'un cinquième de son budget est assuré par la vente de ses publications.
Fonctionnement technique ou scientifique
L’utilisation des stocks stratégiques
Le Programme International de l’Energie (PIE)(1), texte fondateur de l’AIE, stipule que les pays membres de l'AIE sont tenus de posséder en permanence un stock stratégique équivalent à au moins 90 jours d'importations nettes de pétrole brut, sur la base de la moyenne des importations de l'année précédente.
L’AIE est habilitée à décider la quantité de pétrole injectée dans les marchés depuis les stocks stratégiques de pétrole et sa répartition au sein de l’organisation. Cela confère à l’AIE un rôle important en termes de distribution de pétrole parmi ses membres. L’utilisation de ces stocks stratégiques peut permettre de lutter contre les augmentations de prix décidés par l’OPEP. Le recours à ces stocks peut exercer une influence à la baisse sur les prix du brut.
Cependant, l’utilisation des stocks stratégiques n’a un impact majeur sur le marché que si la proportion qu’elle représente est significative comparée à la production mondiale. Par ailleurs, d’importants consommateurs de pétrole comme la Chine ou l’Inde ne sont pas membres de l’AIE alors que leurs influence sur les marchés pétroliers est en constante augmentation.
Les statistiques et les études
L’AIE est devenue une référence mondial en matière d’expertise énergétique, ce qui lui confère un rôle d’organe de conseil influent. En plus des pays membres, elle collabore avec des institutions internationales comme le G8 ou la Commission européenne mais aussi avec des pays non-membres pour les aider à envisager des scénarios futurs et à prendre des décisions concordantes. Dans ce cadre, l’AIE :
- agrège et analyse des données relatives à l’énergie ;
- organise des colloques d’experts internationaux ;
- évalue les programmes énergétiques nationaux des pays membres et non-membres ;
- établit des projections énergétiques globales fondées sur différents scénarios ;
- prépare les études et recommandations pour les gouvernements sur des sujets clés.
L'AIE publie mensuellement le « Oil Market Report » qui est une prévision de la demande mondiale de pétrole.
Elle publie annuellement le « World Energy Outlook », état des lieux de l’énergie dans le monde agrémenté de projections, et ses « Key World Energy Statistics ».
Pays membres
La France a adhéré à l'AIE en 1992, 18 ans après sa création.
Les 30 pays membres de l'AIE sont(2) : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Corée du Sud, le Danemark, l’Espagne, l'Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Suède, la Suisse, la Turquie.
Parmi ces pays, 16 sont membres fondateurs. La Norvège « participe » à l'Agence en vertu d’un accord spécial depuis 1974. La France a pour sa part adhéré à l'AIE en 1992. La Commission européenne participe également aux travaux de l'AIE.
Signalons par ailleurs que 8 États ont le statut de pays « associé » au sein de l'AIE (statut créé en 2015 pour élargir la coopération de l'Agence) : l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Maroc, Singapour et la Thaïlande.
Etre membre de l’AIE implique :
- d’être membre de l’OCDE ;
- de remplir les conditions relatives aux stocks stratégiques de pétrole.
L’organisation interne est composée de :
- un Conseil de direction composé de hauts fonctionnaires chargés de l’énergie délégués par les différents pays membres qui se réunit périodiquement ;
- un Secrétariat composé de spécialistes des questions énergétiques et placé sous l'autorité d'un Directeur exécutif.
L’AIE est basée à Paris dans le 7e arrondissement, non loin des bureaux de l’OCDE qui se situent dans le 16e arrondissement.
Passé et présent
En février 1973, Henry Kissinger explique que « la situation énergétique pose de sévères problèmes politiques et économiques pour toutes les nations. Les solutions isolées ne sont pas possibles. Ce défi ne peut être traité avec succès que par des actions concertées internationalement ».
L’AIE est créée 15 novembre 1974 lors d’une réunion du Groupe de Coordination Énergétique de l’OCDE à Bruxelles. Etienne Davignon est le premier Directeur exécutif de l’AIE de 1974 à 1977.
En 1990, lors de la première guerre du Golfe, l’annonce de l’AIE d’utiliser les stocks stratégiques en vendant près de 2 milliards de barils par jour fait instantanément chuter les prix de 10 $ par baril de pétrole.
En mars 2003, après le déclenchement de la guerre en Irak, un conflit diplomatique oppose l’OPEP et les membres de l’AIE. Les réserves de l’Irak (10% des réserves de pétrole conventionnel dans le monde) étant inexploitables, les pays membres de l’AIE menacent l’OPEP d’avoir recours aux stocks stratégiques si davantage de pétrole n’est pas puisé pour pallier cette situation. Un accord est finalement trouvé.
Evolutions actuelles et à venir
L’émergence de pays non-membres de l’AIE
Le premier défi qui s’impose à l’AIE concerne les changements de la demande globale de pétrole. Le marché global de l’énergie a considérablement changé depuis la création de l’AIE en 1974, notamment par l’importance prise par les pays émergents.
L’AIE a conclu des accords avec des pays non membres comme la Chine et l’Inde (qui disposent du statut d' « associé ») pour élargir ses champs d'actions et d'influence. L’Agence est encore amenée à s’ouvrir davantage encore vers des partenaires extérieurs si elle veut préserver son influence.
La création d’une agence spécialisée dans les énergies renouvelables : l’Irena
L’AIE n’a fait des énergies renouvelables une priorité que récemment. Sachant que le développement de ces énergies est amené à fortement s’accroître dans le futur, l’AIE, historiquement associée au pétrole, pourrait potentiellement voir son influence décliner au profit d'autres organisations, Irena (International Renewable Energy Agency) en tête.
Créée en 2009, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables aspire à constituer l’organisation de référence en la matière et dispose d'un nombre bien plus élevé de pays membres (160 à mi-mars 2019) que l'AIE. La volonté de l'AIE est donc de s’ouvrir à une coordination plus globale, tant d'un point de vue géographique que des politiques énergétiques.
Le saviez-vous ?
En 2005, les stocks stratégiques ont été utilisés par l’AIE après le passage de l’ouragan Katrina sur les installations pétrolières du Golfe du Mexique, une seconde fois après 1991.