- Source : Jean-Louis Caffier
Horizons climatiques : le soleil de la connaissance en ligne de mire !
La BD peut-elle sauver le climat ? N’exagérons pas mais mine de rien, le neuvième art s’engage pour faciliter la compréhension des données essentielles qui permettent de bien mesurer de quoi nous parlons. Dernier épisode en date : « Horizons climatiques, rencontre avec neuf scientifiques du GIEC ».
Qui aurait pu imaginer il y a deux ans qu’une bande dessinée consacrée au climat dépasserait le million d’exemplaires vendus en France en attendant les chiffres à l’international puisque la traduction est effective dans une dizaine de langues ? (« Le monde sans fin » de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain).
Évidemment, personne et surtout pas moi-même en dépit de l’amitié qui me lie à Jean-Marc avec lequel j’ai fondé il y a 15 ans « les Entretiens de Combloux » qui ont permis la formation de 200 journalistes aux bases du climat et de l’énergie (avec aussi le climatologue Hervé le Treut). Pardon de parler un peu de moi, mais quand on y regarde bien, on est exactement dans le même sujet : la lutte contre le réchauffement climatique ne peut se passer d’une information la plus juste et la plus complète possible à destination de tous les publics sans exception.
Et c’est là que la BD nous offre une salutaire bouée de sauvetage dans ce qui reste un océan de scepticisme et de remise en cause des scientifiques. J’en ai personnellement vraiment marre d’entendre depuis 25 ans que « la prise de conscience est faite ». C’est faux car si on avait une connaissance sérieuse de ce qui nous attend à 3 ou 4 degrés de plus, nous éviterions de nous cacher dans le sable venu désormais du Sahara.
L’un des problèmes pour le partage des connaissances, c’est que le sujet est bien sûr compliqué voire trop complexe pour beaucoup. Un rapport du GIEC, c’est près de 1 000 pages écrites en tout petit et c’est en anglais. Il y a bien le résumé destiné aux décideurs mais même ces quelques dizaines de pages ont du mal à émerger de la pile des dossiers. Comme si nous avions le temps !
Si « Le Monde sans fin » plaçait le climat dans toutes ses dimensions et développait les conséquences sur tous les plans, « Horizons climatiques » se concentre sur les rapports du GIEC et prend le temps de nous expliquer simplement les travaux des chercheurs, leurs méthodes de travail, leurs résultats, les perspectives.
Iris-Amata Dion aux textes et Xavier Henrion aux dessins nous entraînent dans une sorte de road movie dans le décors riche en infos et en engagement des laboratoires scientifiques où l’on retrouve neuf scientifiques impliqués dont Valérie Masson Delmotte, Christophe Cassou ou le charismatique « parrain » des climatologues français, Jean Jouzel.
Et face à la lourdeur des dossiers, les craintes voire les déprimes qui accompagnent souvent la question climatique, une lueur d’espoir demeure à chacune des étapes. Il n’est plus question de stopper le réchauffement, mais il est encore possible de limiter son ampleur. On prend ! Et la forme BD aide opportunément à nous détendre face au gigantisme du défi.
« Horizons climatiques » est une formidable proposition dans l’univers de la vulgarisation scientifique ! Et on peut se dire que la BD nous aidera en rigolant aussi en lisant « Tintin au Pôle Nord » ou « Astérix chez les Inuits » où d’imbéciles légionnaires romains climato-sceptiques se prennent quelques baffes bien méritées !
Trois questions à l'auteur : Iris-Amata Dion, climatologue
À quoi attribuez-vous le retour du climato-scepticisme ?
Peu de personnes malheureusement connaissent les travaux du GIEC. Le plus important est de s’emparer de ces connaissances. Les comprendre, c’est générer des décisions et des actions. Notre livre s’adresse à tous ceux qui ont des doutes mais offre aussi des clés à ceux qui sont convaincus pour les aider à argumenter.
Les scientifiques doivent-ils s’engager ?
Ce n’est pas évident de faire de la vulgarisation. Cela nécessite une certaine neutralité mais cette question est difficile et discutée. Maintenant, on ne peut pas faire semblant de ne pas savoir. C’est dans notre devoir de nous engager dans nos domaines d’expertise. C’est le devoir des scientifiques et des citoyens d’agir tant qu’on le peut.
Que faire en priorité pour mieux faire comprendre les enjeux du réchauffement ?
Mon espoir est qu’on en parle plus et mieux dans les milieux académiques. Il faut travailler de toutes les manières possibles pour sortir de la phase anxiogène, montrer les actes, expliquer que tout est possible car il existe des solutions à toutes les échelles. Il y a pour réussir un besoin de soutien des pouvoirs publics.
« Horizons climatiques », éditions Glénat (320 pages, 25 €).