La pollution de l'air et les émissions de CO2 dues au charbon au plus haut

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mine charbon en australie

La pollution de l'air et les émissions de CO2 dues à l'utilisation du charbon représentent l'une des principales sources de dégradation environnementale à l'échelle mondiale. Le charbon, largement utilisé dans les centrales thermiques pour la production d'électricité et dans l'industrie, génère d'importantes quantités de dioxyde de carbone (CO2), contribuant ainsi fortement au réchauffement climatique.

En plus du CO2, la combustion du charbon émet d'autres polluants atmosphériques tels que le dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d'azote (NOx) et des particules fines, responsables de nombreux problèmes de santé publique, notamment des maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Production et émissions de CO2 dans le monde : L’ennemi climatique n°1 se porte toujours bien

Malgré une baisse progressive de son utilisation dans de nombreux pays, le charbon reste une source d'énergie majeure dans certaines régions, rendant la transition énergétique essentielle pour limiter son impact environnemental. Les fortes baisses de consommation de charbon dans les économies dites avancées sont en effet compensées par une croissance de la demande dans certaines économies émergentes et en développement.

La part du charbon dans le mix électrique mondial pourrait au total s’élève toujours à environ un tiers.

Les niveaux records de consommation de charbon ont été dépassés presque chaque année depuis dix ans. Après avoir faiblement chuté en 2020, la consommation mondiale d’électricité a augmenté de plus de 1 500 TWh en 2021, soit « la plus forte hausse annuelle jamais enregistrée en termes absolus » selon les dernières données de l’AIE. Elle a au total augmenté de 6% par rapport à 2020. Il s’agissait de la plus forte hausse annuelle en pourcentage depuis 2010 après la crise financière. Et la hausse s'est poursuivie depuis.

Or la production mondiale d’électricité à partir du charbon aurait augmenté de près de 9% en 2021, atteignant un nouveau niveau record. Plus de la moitié de la hausse de la consommation électrique mondiale en 2021 aurait ainsi été couverte par une hausse de production des centrales à charbon selon l’AIE. Elle aurait d'ailleurs augmenté plus fortement que la production d’électricité d’origine renouvelable.

C'est pourquoi la hausse de la demande d’électricité dans le monde continue à s'accompagner d'«émissions du secteur à un niveau record », selon les données de l’Agence internationale de l’électricité (AIE). En 2021, les émissions mondiales de CO2 liées au secteur électrique avaient augmenté de 7% (par rapport à 2020).

« Le niveau historiquement élevé de la production d'électricité à partir du charbon est un signe inquiétant de l'éloignement du monde dans ses efforts vers zéro émission nette », constate le directeur exécutif de l’AIE Fatih Birol.

Évolution de la consommation mondiale de charbon en 2023 et prévisionsf

Les prévisions reflètent « l’écart majeur » à l’heure actuelle entre les promesses de neutralité carbone énoncées par de nombreux pays (dont la Chine et l’Inde) durant la COP26 et les faits, déplore l’AIE.

Les « tendances mondiales seront largement façonnées par la Chine et l'Inde », souligne l’AIE : la Chine compte en particulier toujours pour plus de la moitié de la consommation mondiale de ce combustible. Dans ce pays, la consommation de charbon pourrait augmenter d’environ 1% par an, toujours « soutenue par la croissance rapide de la demande d'électricité et la résilience de l'industrie lourde », malgré les efforts du pays pour diversifier son mix électrique (en développant massivement les capacités hydroélectriques, éoliennes, solaires et nucléaires). Mais c’est également de l’Inde que pourrait provenir une hausse quasiment aussi importante de la consommation de charbon avec une croissance annuelle d’environ 4%).

Évolution de la production mondiale d'électricité selon l'AIE

De fortes émissions de méthane

Selon les données aujourd'hui communiquées par les gouvernements à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, les émissions de méthane liées aux mines de charbon s'élèvent à près de 30,5 millions de tonnes par an.

Soit « l'équivalent de 2,5 milliards de tonnes de CO2 » par an, souligne Ember sur la base du potentiel de réchauffement global dans l'atmosphère 82,5 fois plus élevé du méthane par rapport au CO2 sur une durée de 20 ans. Sur une durée de 100 ans, ces émissions de méthane auraient un pouvoir de réchauffement équivalent à celui de 0,9 milliard de tonnes de CO2.. Autrement dit, ces émissions de méthane liées aux mines de charbon auraient un impact sur le réchauffement climatique supérieur aux émissions de CO2 de l'Inde.

Entre 2015 et 2022, les émissions de carbone liées au charbon par habitant au sein des pays du G20 ont augmenté de 9%, précise le rapport d'Ember.

Douze pays membres du G20, dont la Grande-Bretagne, l'Allemagne et les Etats-Unis, ont toutefois réussi à réduire considérablement leurs émissions par habitant, même si certains continuent d'émettre bien plus que d'autres au regard de la moyenne mondiale par habitant.

Mais d'autres, tels que l'Inde, l'Indonésie et la Chine, ont vu leurs émissions augmenter.

En Indonésie, les émissions de CO2 liées au charbon par habitant ont grimpé de 56% depuis 2015, selon le rapport, tandis qu'un groupe de pays riches et d'institutions internationales s'était engagé l'an dernier à verser à cet Etat 20 milliards de dollars pour réduire sa dépendance au charbon.

"La Chine et l'Inde sont souvent accusés d'être les principaux pollueurs au charbon. Mais si l'on tient compte de la population, la Corée du Sud et l'Australie étaient encore les plus gros pollueurs en 2022", explique Dave Jones, responsable chez Ember.

De nouvelles analyses montrant que les émissions de méthane (CH4) provenant de mines de charbon pourraient être deux fois plus élevées que leur niveau comptabilisé à l'heure actuelle.

Pour rappel, le « Global Methane Pledge » (lancé en novembre 2021 par plus de 110 pays dans le cadre de la COP26 et qui compte désormais près de 150 pays engagés) vise à réduire les émissions de méthane d’origine anthropique de 30% d’ici à 2030. Selon l'Agence internationale de l'énergie, une réduction de 75% des émissions de méthane liées aux énergies fossiles est nécessaire d'ici à 2030 pour espérer rester sur une trajectoire de réchauffement limitée à 1,5°C, souligne Ember.

La réduction des émissions de méthane issues des mines de charbon constitue « un moyen facile de lutter contre le changement climatique mais le faible niveau de suivi et de reporting laisse les gouvernements aveugles à l’ampleur de leurs émissions et aux opportunités pour les atténuer », déplore le think tank Ember.

Les projets de centrales à charbon incompatibles avec l'objectif de 2°C

En 2015, année de la conférence sur le climat de Paris, plus de 2 000 centrales à charbon étaient encore en projet ou en construction, mettant en péril l'objectif de contenir le réchauffement climatique à +2°C.

Les émissions de gaz à effet de serre générées par ces 2 440 nouvelles centrales, ajoutées à celles des sites existants, placeraient le monde sur une trajectoire dépassant +3°C par rapport au niveau pré-révolution industrielle, indique un rapport du Climate Action Tracker (CAT), qui regroupe quatre instituts de recherche.

"Même sans construction nouvelle" de centrales, les émissions issues du secteur de la production électrique à partir du charbon seront en 2030 environ 150% au-delà que ce qu'elles devraient être pour ne pas dépasser le seuil de +2°C, explique cette étude.

Les pays ayant les projets les plus importants en termes de construction de centrales à charbon sont la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, l'Afrique du sud, la Corée du sud, les Philippines et la Turquie, ainsi que l'Union européenne, selon cette étude.

La pollution de l'air à l'origine de nombreux décès

Si on parle souvent du danger de la combustion des énergies fossiles dans le contexte des émissions de CO2 et du changement climatique, on néglige les impacts sanitaires potentiels.

Entre 6,5 et 8 millions de personnes dans le monde mourraient chaque année - soit 18 à 20 000 par jour - en raison de la pollution de l'air liée aux activités humaines, ce qui représente 20% des adultes décédés dans le monde. Comparé à d'autres causes de morts prématurées, la pollution de l'air, qui provoque maladies cardiaques ou pulmonaires, tue 19 fois plus de personnes chaque année que le paludisme, 9 fois plus que le sida ou 3 fois plus que l'alcool.

Principales responsables de cette hécatombe, la production et la consommation d'énergie, à l'origine de 85% des particules fines et de la quasi-totalité des oxydes de soufre et d'azote. En cause notamment, le recours au charbon ou au pétrole dans la production d'électricité, l'industrie et les transports, mais aussi la cuisson au moyen de combustibles solides comme le charbon de bois à laquelle recourent encore 2,7 milliards de personnes dans les pays pauvres, en Asie et en Afrique.

La Chine et l'Inde comptent à elles seules pour la moitié de ce bilan, tandis qu'un autre million de morts se partagent entre le Bangladesh, l'Indonésie, le Japon et les États-Unis, selon une étude publiée mardi dans la revue scientifique Environmental Research(1).

Selon de précédentes recherches, la pollution de l'air raccourcit de plus de deux ans l'espérance de vie, en moyenne. Et l'Asie est la plus touchée, avec une espérance de vie réduite de plus de 4 ans en Chine notamment, contre huit mois en Europe.

Les estimations se basent sur des données satellites et des relevés de surface pour déterminer les concentrations de particules fines PM2,5. Mais elles ne permettent pas de déterminer si ces particules viennent de la combustion d'énergies fossiles ou de la fumée des incendies de forêts, a noté la co-auteure Loretta Mickley, spécialiste des interactions entre climat et chimie à Harvard. "Avec les données satellite, on ne voit que certaines pièces du puzzle", a-t-elle indiqué.

Pour affiner le tableau, l'équipe de chercheurs a utilisé un modèle 3D de chimie atmosphérique qui divise la Terre en blocs de 60 km par 50 km, couplé à des données d'émissions de CO2 des différents secteurs (industrie, aviation...) et à des simulations de circulation de l'air de la Nasa. Une fois connue la concentration de PM2,5, ils se sont penchés sur l'impact sur la santé. De récentes études ayant montré une sous-estimation de cette menace, ils ont développé un nouveau modèle de risque.

Les technologies « CCUS » à la rescousse ?

Il existe actuellement une vingtaine d'installations « CCUS » (Carbon Capture, Utilization, and Storage en anglais) en service dans le monde. Leurs capacités cumulées de capture du CO2 s'élèvent à plus de 40 millions de tonnes par an. La grande majorité de ces installations CCUS sont situées en Amérique du Nord et utilisent le CO2 pour améliorer la récupération d'hydrocarbures dans les gisements pétroliers.

Dans une étude en anglais publiée par le Centre Énergie de l’Ifri, Sylvie Cornot-Gandolphe(2) rappelle que 3 des 4 scénarios présentés par le GIEC dans son rapport « 1,5°C » remis fin 2018 intègrent un fort développement de la CCUS (dite « CCS » en l'absence d'utilisation du CO2). Elle signale un regain d'intérêt pour ces technologies qui ont « changé d'image » (avec l'émergence d'une « nouvelle économie du carbone »), tout en constatant que les utilisations du CO2 hors récupération assistée du pétrole restent actuellement « limitées ».

À l'heure actuelle, seules 2 centrales à charbon dans le monde sont équipées de systèmes de capture et de stockage du CO2 : Boundary Dam 3 au Canada (capacité de stockage de près de 1 Mt CO2/an) et Petra Nova au Texas (1,4 Mt CO2/an). L'installation d'un système CCUS a coûté près de 1 milliard de dollars pour chaque site, les exploitants ayant bénéficié d'un soutien public.

Aux États-Unis, une nouvelle réglementation - le FUTURE(3) Act -  votée par le Congrès en février 2018 doit permettre d'encourager le développement des projets CCUS avec un crédit d'impôt renforcé (dit « 45Q »). Le parc américain de centrales à charbon est toutefois vieillissant (la majorité des centrales sont en activité depuis plus de 40 ans) et leurs exploitants ne semblent pas disposés à consacrer un investissement important pour des systèmes CCUS (« retrofit » des centrales).

En Chine, dont la production électrique à partir du charbon émet près de 5 milliards de tonnes de CO2 chaque année, le contexte est bien plus favorable à l'intégration de systèmes CCUS sur les centrales à charbon : parc d'unités de production récent, marché carbone national opérationnel, soutien gouvernement aux technologies bas carbone, etc. Pour autant, les technologies CCS/CCUS « en sont toujours à leurs débuts » dans ce pays où un cadre réglementaire pour le déploiement de ces systèmes fait entre autres toujours défaut.

Les pays du G7 réunis en Italie ont décidé en avril 2024 de supprimer progressivement d'ici à 2035 les centrales électriques au charbon sans dispositifs de captage de carbone, une étape importante vers la fin du recours aux combustibles fossiles.

Des nouvelles centrales à charbon moins polluantes

Les centrales à charbon « supercritiques » et « ultra-supercritiques » représentent des avancées technologiques visant à améliorer l'efficacité énergétique des centrales thermiques traditionnelles tout en réduisant leur impact environnemental. Ces centrales fonctionnent à des températures et des pressions plus élevées que les centrales conventionnelles, dépassant le point critique de l'eau, où celle-ci ne peut exister ni sous forme liquide ni sous forme gazeuse.

Dans les centrales supercritiques, la vapeur est produite à des températures d’environ 565 °C, tandis que dans les centrales ultra-supercritiques, les températures peuvent atteindre 600 à 620 °C.

Grâce à ces conditions, l'efficacité de la conversion de l'énergie peut atteindre 45 %, contre environ 33 % pour les centrales à charbon classiques. Cette amélioration permet de réduire les émissions de CO2 par mégawattheure produit, tout en consommant moins de charbon pour la même production énergétique, faisant de ces centrales une option plus performante, bien qu’elles restent néanmoins associées à l’exploitation d’une source d’énergie fossile polluante.

Taxer? Interdire? Subventionner? Pour le climat, il faut tout combiner, conclu une étude

Interdire les centrales à charbon, taxer le carbone ou subventionner les renouvelables... isolément, ces mesures ne suffisent pas à obtenir d'importantes réductions des gaz à effet de serre, affirme une vaste étude internationale(4) qui donne sa recette d'une politique climatique efficace : combiner taxes, contraintes réglementaires et mesures incitatives.

Cette étude, publié dans la revue Science, a passé au crible 25 ans de politiques publiques (taxes, subventions, normes ou sensibilisation) dans 41 pays du globe représentant 81% des émissions mondiales.

Sa conclusion? Sur 1 500 politiques analysées, couvrant l'énergie, les transports, l'industrie et le bâtiment, "seulement 63 cas de politiques publiques performantes ont été identifiées, chacune obtenant en moyenne 19% de baisse des émissions".

"Les chercheurs montrent que l'interdiction des centrales électriques à charbon ou des moteurs thermiques ne se traduit pas par des réductions importantes des émissions lorsqu'elle est mise en oeuvre seule", explique l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact du climat (PIK), qui a dirigé ces travaux avec l'Institut de recherche Mercator (MCC) de Berlin.

"Les cas performants n'apparaissent qu'avec un tandem de taxes et d'incitations tarifaires, combiné à un paquet de politiques bien conçues, comme au Royaume-Uni pour la production d'électricité au charbon ou en Norvège pour les voitures", poursuit le communiqué des chercheurs.

Dans le cas du déclin du charbon britannique, les chercheurs identifient une rupture nette en 2014-2015 dans la foulée de l'introduction d'un prix plancher du carbone en 2013.

"Bien que la littérature existante ait attribué la majeure partie de cet effet au prix plancher du carbone, notre méthode révèle que ce prix faisait partie d'un vaste ensemble, comprenant des mesures de régulation (normes et planification de l'expansion des renouvelables, règles anti-pollution atmosphériques plus strictes et annonce d'une fermeture progressive des centrales au charbon) et des mesures incitatives reposant sur le marché (tarif de subventionnement des renouvelables et mises aux enchères)", écrivent les auteurs de l'étude.

Ces 63 politiques fructueuses ont représenté "des réductions d'émissions totales entre 0,6 milliard et 1,8 milliard de tonnes d'équivalent CO2" (CO2eq), estime l'étude. En 2022, l'humanité émettait 57,4 milliards de tonnes de CO2eq, selon les estimations des Nations-unies.

Les chercheurs espèrent que leurs travaux influeront sur les feuilles de routes climatiques des pays signataires de l'accord de Paris, qui doivent, d'ici février 2025, en transmettre à l'ONU une version actualisée pour tenter de limiter le réchauffement à 1,5°C depuis l'ère pré-industrielle (contre 1,2°C environ à ce jour).

"Nos conclusions démontrent que la multiplication des politiques n'est pas nécessairement synonyme de meilleurs résultats ; au contraire, c'est la bonne combinaison de mesures qui est cruciale", explique l'auteur principal, Nicolas Koch, du PIK et du MCC.

"L'étude ne s'intéresse qu'aux politiques climatiques qui obtiennent des réductions soudaines, alors que la plupart d'entre elles reposent sur l'efficacité des nouvelles mesures ou vise une trajectoire d'émissions à long terme, puisqu'établir des infrastructures et des modes de vie plus écologiques prend des années", a nuancé aussi Robin Lamboll, spécialiste environnemental de l'Imperial College de Londres.

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