L'Irlande ne dispose à l'heure actuelle d'aucune liaison électrique directe avec l'Europe continentale. (Navire de pose de câbles « Aurora ». ©Nexans)
L'interconnexion entre la France et l'Irlande, prévue pour 2026, revêt une importance d'autant plus grande depuis la décision du Royaume-Uni de quitter l'UE : il s'agira de la première connexion directe entre l'Irlande et l'Europe continentale
Une interconnexion électrique de 575 km
Porté par les gestionnaires des réseaux de transport électrique français (RTE) et son équivalent irlandais (EirGrid), le projet « Celtic Interconnector » consiste en une ligne électrique souterraine de 575 kilomètres de long (dont près de 500 km en mer) reliant le poste irlandais de Knockraha dans la région de Cork au poste français de La Martyre dans le Finistère.
Il doit permettre de transporter 7O0 mégawatts d'électricité, de quoi alimenter 450 000 foyers. La capacité d’échange du câble « ne nécessite aucun renforcement significatif des réseaux électriques existants » selon RTE et EirGrid.
L’électricité circulera sur cette liaison en courant continu pour limiter les pertes sur cette grande distance. « Sur des distances aussi importantes, l'électricité ne peut être transportée de manière économique que sous forme de courant continu », indique Siemens Energy qui fournira la technologie de transmission à haute tension (320 kV(1)). Les stations convertissant le courant continu en alternatif (et inversement) seront situées côté irlandais près de Knochkraha (comté de Cork) et côté français à côté de La Martyre.
Cette interconnexion va « mettre fin à l’isolement électrique de l’Irlande du continent européen », indique EirGrid. Elle constituera la première liaison électrique directe entre la France et l’Irlande et revêt pour cette île un intérêt particulier dans le contexte incertain autour du Brexit.
La France et l'Irlande ont signé en novembre 2022 les accords techniques et financiers relatifs à la liaison électrique « Celtric Interconnector »(2). Cela « le plus long XLPEd'interconnexion jamais construit dans le monde », selon le fournisseur dudit câble Nexans.
Coût et financement
Le coût total de l'interconnexion « Celtic » est de 1,623 milliard d'euros. Il avait été estimé en 2019 à 930 millions d'euros. Le surcoût s'expliquerait par "des tensions sur les marchés de fournitures (câbles et stations)".
Le projet a été reconnu Projet d’Intérêt Commun (PIC) par l’Union européenne et s’est vu attribuer octobre une subvention de 530 millions d’euros par la Commission européenne(3) en octobre 2019. La répartition des coûts est de 65% pour EirGrid et 35% pour RTE, jusqu'à 1,18 milliard d'euros environ, puis "un partage à 50/50".
Une mise en service prévue à l'horizon 2026
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) et son homologue irlandaise, la CRU, ont donné leur feu vert à l'exploitation le 25 avril 2019.
Les travaux de construction du Celtic Interconnector ont débuté en 2023, « après la réalisation de l’étude d’impact économique et environnemental du projet et de l’enquête publique associée ». La mise en service de la liaison est prévue à l’horizon 2026, précise RTE.
Le Celtic Interconnector s'intègre dans le cadre de « la solidarité électrique » prônée au niveau européen, en renforçant la sécurité d’approvisionnement des États membres et en facilitant le développement des filières renouvelables productrices d’électricité dans l'UE. Il a été reconnu d'utilité publique par la France en septembre 2022.
Il permettra l'échange direct d'électricité et notamment à l'Irlande d'exporter de l'électricité produite par des éoliennes off-shore. "Cela signifie que nous pouvons importer de l'énergie d'Europe lorsque nous en avons besoin et, surtout, que nous pouvons également exporter de l'énergie, notamment lorsque nous commencerons à réaliser l'énorme potentiel de notre capacité éolienne off-shore", s'est félicité Eamon Ryan, le ministre irlandais de l'Environnement.
"Celtic Interconnector" devrait notamment permettre de limiter le recours au gaz irlandais, mais aussi de faire des économies sur les coûts de production d'électricité et de réduire les volumes d'électricité renouvelable perdus à cause des surplus de production, souligne la CRE.
Pour rappel, le Conseil européen a, en octobre 2014, appelé tous les États membres à porter le niveau de leurs « capacités d’interconnexion électriques à au moins 10 % de leurs capacités de production installées à l’horizon 2020 ». Selon la Commission européenne, 17 pays de l'UE sont « sur la bonne trajectoire ou ont déjà atteint cet objectif » (dont la France)(4).
La filière éolienne a compté pour 27,6% de la production électrique de la République d'Irlande en 2018. (©Connaissance des Énergies)
Le principal instrument pour atteindre cet objectif est « la liste de projets d'infrastructures d’intérêt commun (PIC) [...] qui bénéficient de procédures accélérées d'octroi d'autorisations, de conditions réglementaires plus favorables et, pour certains, d'un accès à un soutien financier »(5). Le projet Celtic Interconnector a été reconnu « d’intérêt commun » en octobre 2013 et la subvention attribuée par la Commission européenne va compter pour plus de la moitié du coût total du projet (estimé à près de 930 millions d’euros).