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Le boom des panneaux solaires permet aux Polonais de songer à divorcer d'avec le charbon, et une technologie photovoltaïque locale pourrait bientôt changer la donne sur la façon d'exploiter la puissance du soleil.
Longtemps derrière les puissances européennes du solaire, les Polonais ont mis depuis peu les bouchées doubles pour équiper leurs toits d'installations PV, dans un pays qu'on associe rarement au ciel bleu, mais plutôt au smog au dessus des villes et villages chauffés au charbon, dit "l'or noir" national.
Les coûts montant en flèche de l'extraction du charbon, des émissions du CO2 et, par conséquent, de l'énergie, semblent avoir commencé à peser sur les porte-monnaie et la conscience du gouvernement et des Polonais.
« Mieux respirer »
Andrzej Machno, 74 ans, compte parmi les premiers à Skawina (sud) à avoir troqué sa vieille chaudière à charbon contre des panneaux solaires, serrés désormais sur le toit de sa maison familiale.
"La mairie s'y est investi et on a saisi l'occasion. D'autres ont suivi. C'était un choix excellent", dit à l'AFP l'ancien hôtelier, l'œil vif et bonne posture, jouant avec son petit-fils dans un jardin fleuri aux premiers rayons du printemps. "On arrive maintenant à mieux respirer à Skawina", dit M. Machno qui a passé sa vie dans cette ville, symbolisée et polluée durant des décennies par une importante usine d'alluminium, fermée depuis.
Ruée sur les micro-installations photovoltaïques
"On a une ruée aux micro-installations photovoltaïques en Pologne", déclare à l'AFP Ryszard Wnuk, expert en énergies renouvelables à l'Agence nationale pour l'économie d'énergie (KAPE). Et de souligner qu'environ 70% du parc solaire en Pologne est constitué d'équipements de puissance moyenne de 8 kW. L'étape de grandes centrales solaires photovoltaïques commence seulement à se dessiner.
En cinq ans, ce pays de 38 millions d'habitants est passé de seulement 187 mégawatts (MW) de puissance installée en photovoltaïque, à 3 935 MW en 2020, l'année où ce chiffre a crû de 155%, selon les statistiques locales.
La croissance mondiale moyenne dans ce secteur était de 22% en 2020, selon l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), rappelle M. Wnuk. "C'était déjà 4 243 MW, fin février dernier en Pologne, loin au-delà des prévisions qui tablent seulement sur 5 700 MW en 2030", souligne-t-il.
Un système simple et avantageux de subventions publiques et de stockage par opérateur du réseau du surplus d'électricité produit en autoconsommation, "sont aussi à la source du phénomène", estime l'expert.
Mot difficile : photovoltaïque
"Il y a dix ans, personne en Pologne ne savait prononcer correctement le mot photovoltaïque!", rappelle à l'AFP Dawid Zielinski, 36 ans, le PDG de la société Columbus Energy. Cette ancienne start-up créée il y a sept ans, compte parmi les acteurs majeurs du photovoltaïque et énergie verte en Pologne, emploie 3 500 personnes, est cotée à la Bourse de Varsovie et affiche ses ambitions internationales.
"Aujourd'hui, tout le monde sait bien que le photovoltaïque, les éoliennes et d'autres énergies renouvelables sont le seul chemin juste pour ne pas payer bientôt de gigantesques factures d'électricité", souligne cet homme débordant d'énergie, rencontré au siège de son groupe.
Les pérovskites
C'est en quête de solutions du futur, que M. Zielinski a investi dans le lancement imminent de la première chaîne au monde de production industrielle de nouveaux modules photovoltaïques basés sur des cellules en pérovskites. Ces structures atomiques particulières, répandues dans la nature et faciles à obtenir en laboratoire se sont avérées, au fil des recherches internationales, dotées de l'aptitude à former des cellules photovoltaïques, dont l'efficacité égale celle des panneaux en silicium.
Il y a huit ans, Olga Malinkiewicz, alors doctorante polonaise à l'Institut des sciences moléculaires (ICMol) de l'Université de Valence, en Espagne, a inventé la technologie bon marché de pose de couches de pérovskites par simple impression à jet d'encre. Depuis, la vision de panneaux solaires légers, souples, efficaces, à taux de transparence et à teinte variables, qu'on peut poser facilement sur un ordinateur portable, une voiture, un drone, un vaisseau spatial ou un bâtiment, même à l'intérieur, anime les esprits des chercheurs entre Tokyo et Oxford, en passant par Wroclaw (sud-ouest de la Pologne) où Mme Malinkiewicz a installé sa société Saule Technologies.
Sa découverte, remarquée par la revue Nature, lui vaut notamment le prestigieux prix du concours Photonics 2, organisé par la Commission européenne, et un autre du MIT. Pourtant, sourit Andrzej Machno, le photovoltaïque a aussi ses inconvénients : avant je devais charger six tonnes de charbon par mois dans la chaudière et ensuite décharger les cendres alors que maintenant je reste assis, je bois de la bière et j'ai pris du poids !".