Pipeline H2Med d'hydrogène entre Barcelone et Marseille : un projet ambitieux mais risqué

  • AFP
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Le projet de pipeline d'hydrogène entre Barcelone et Marseille, lancé officiellement en décembre 2022 en Espagne, est jugé essentiel pour la souveraineté énergétique de l'Union européenne, mais repose sur un pari risqué. Le gouvernement espagnol a donné son feu vert en juillet 2024 au début des travaux du projet de pipeline H2Med entre Barcelone et Marseille, censé approvisionner à l'horizon 2030 l'Europe du nord avec de l'hydrogène vert produit dans la péninsule ibérique.

Présentation du projet d'hydrogénoduc

Baptisé "H2Med" ou "BarMar" (contraction de Barcelone-Marseille), ce pipeline sous-marin permettra d'acheminer de l'hydrogène dit "vert" car fabriqué à partir d'électricité renouvelable, depuis l'Espagne vers la France et le nord de l'UE. Outre le pipeline sous-marin, ce projet comprendra une interconnexion entre la ville portugaise de Celorico da Beira (nord-est) et la ville espagnole de Zamora (nord-ouest).

Ce projet, annoncé le 20 octobre 2022 lors d'un sommet européen, pourrait remplacer le "MidCat", lancé en 2003 pour relier les réseaux gaziers français et espagnol via les Pyrénées mais finalement abandonné en raison de son manque d'intérêt économique, de l'opposition des écologistes et de celle de Paris.

Le pipeline entre Barcelone et Marseille doit permettre de transporter 10% de l'hydrogène consommé en Europe, soit quelque deux millions de tonnes par an à l'horizon 2030, ce qui permettra d'accélérer la décarbonation de l'industrie européenne, en lui donnant accès à une énergie propre produite à grande échelle. L'Espagne et le Portugal ont pour ambition de devenir des références mondiales en matière d'hydrogène vert, grâce à leurs nombreux parcs éoliens et photovoltaïques.

Paris, Madrid et Lisbonne avaient initialement annoncé en octobre que du gaz pourrait être acheminé dans un premier temps via ce tuyau afin de réduire la dépendance de l'Europe au gaz russe, la péninsule ibérique possédant 40% des capacités de regazéification de l'UE. Mais il sera finalement dédié uniquement au transport d'hydrogène, une condition indispensable pour espérer être déclaré "projet d'intérêt commun" par Bruxelles et obtenir un financement européen pouvant aller jusqu'à 50% du coût. L'agrément a été obtenu en avril 2024.

Opérationnel en 2030, ce pipeline coûtera environ 2,5 milliards d'euros. Sa construction devrait démarrer fin 2025. L'interconnexion entre le Portugal et l'Espagne devrait coûter elle environ 350 millions.

"Ce projet est appelé à devenir l'épine dorsale de la future Europe de l'hydrogène", indispensable pour stimuler "la compétitivité de notre industrie, la décarbonisation" et "l'autonomie stratégique" de l'UE, pour le directeur général d'Enagas, Arturo Gonzalo.

Pourquoi Marseille et Barcelone ?

Selon les promoteurs du projet, cette connexion est "l'option la plus directe et la plus efficace pour relier la péninsule ibérique à l'Europe centrale".

De plus, Barcelone est un hub énergétique en Espagne tandis que Marseille constitue une porte d'entrée intéressante pour desservir la vallée du Rhône, l'Allemagne, voire le nord de l'Italie, régions industrielles appelées à devenir de fortes consommatrices d'hydrogène vert.

Le tracé définitif n'a pas encore été fixé mais sur les trois tracés envisagés, celui privilégié a une longueur de 455 kilomètres et une profondeur maximale de 2 600 mètres.

Ce tracé est plus long qu'un autre longeant la côte mais il a l'avantage technique d'offrir "des pentes ascendantes plus douces" au niveau du relief sous-marin.

Quels obstacles?

Le H2Med se heurte à plusieurs difficultés techniques, liées en partie à son caractère inédit. "Un hydrogénoduc sous-marin à cette profondeur, à cette distance, cela n'a jamais été fait", souligne Gonzalo Escribano, expert du centre d'études espagnol "Real Instituto Elcano".

Pour José Ignacio Linares, professeur à l'université Pontificia Comillas de Madrid, l'un des principaux problèmes tient à la nature de l'hydrogène, un gaz constitué de petites molécules susceptibles de s'échapper par les jointures du pipeline et, par ailleurs, extrêmement agressives --donc susceptibles d'entraîner des problèmes de corrosion.

Mais ces problèmes "ne sont pas insurmontables", souligne cet ingénieur de formation. "Il suffit d'installer une membrane à l'intérieur du tuyau, une sorte de plastique, pour éviter que l'hydrogène ne s'échappe ou n'attaque" le métal, ajoute-t-il.

Le véritable risque, pour les experts, porte sur la viabilité économique du projet. S'agissant d'une technologie balbutiante, "on ignore quand le marché de l'hydrogène vert prendra son essor, quand on sera en mesure d'en produire suffisamment pour l'exporter", explique M. Escribano.

"Le problème, c'est que les délais de construction d'un pipeline sont tellement longs qu'on ne peut pas se permettre d'attendre. Sinon, on se retrouvera avec une importante production d'hydrogène qu'on ne pourra pas exporter", rappelle M. Linares.

Commentaires

Larderet
Une des grandes difficultés du transport d’hydrogène gazeux, a fortiori sous pression et sur une grande distance, est l’extrême facilité de ce gaz à fuir à travers de la plupart des métaux et pas seulement « par les jointures du pipeline ». Il faudra effectivement une membrane épaisse à base d’alliage de zirconium, rare élément relativement étanche à l’hydrogène. Celui-ci étant en outre particulièrement explosif, la réalisation de ce gazoduc Barcelone - Marseille est un drôle de pari comme les aime ce gouvernement adepte des solutions qui ne marchent pas dans le domaine de l’énergie.

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