Pétrole: le Brent clôture au plus bas depuis 2021, le marché capitule

  • AFP
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Le baril de Brent est descendu mardi sous 69 dollars en séance, une première depuis décembre 2021, plus personne n'osant se mettre en travers de la chute des cours, entraînée par le moindre appétit du globe pour le pétrole.

La variété de la mer du Nord, principale référence mondiale du marché du brut, pour livraison en novembre, a chuté de 3,69%, pour clôturer à 69,19 dollars, après avoir atteint 68,68 dollars en séance.

"C'est un bain de sang", a résumé Matt Smith, de Kpler. "On a l'impression d'une capitulation."

Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain avec échéance en octobre a lui lâché 4,31%, à 65,75 dollars, après avoir touché un plus bas depuis 16 mois.

Le mouvement de vente s'est accéléré avec la publication du rapport mensuel de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui a revu en baisse ses prévisions de consommation pour 2024 et 2025.

Le cartel table désormais sur 104,2 et 105,9 millions de barils par jour pour cette année et la prochaine, contre 104,3 et 106,1 jusqu'ici.

"La consommation en Chine reste un sujet d'inquiétude", a écrit l'Opep dans le rapport, qui prévient que les mesures de soutien du gouvernement "pourraient être d'une ampleur insuffisante pour stimuler la consommation de façon significative".

Dans le même temps, l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA) a elle aussi réduit ses prévisions, tant pour 2024 que 2025.

Elle a également mentionné la Chine, où "de nouveaux chiffres montrent un ralentissement de la demande de gazole, de kérosène et du rythme d'activité des raffineries".

"On peut utiliser le rapport de l'Opep comme une prétexte, mais il s'agit juste de la poursuite du mouvement" de baisse entamé voici plusieurs semaines, a fait valoir Matt Smith. "Le marché ajuste ses prévisions sur la base d'une demande plus faible."

Depuis mi-juillet, le Brent a perdu près de 19%.

- "L'Opep perd de son influence" -

"Les données économiques moroses en provenance de la Chine et des Etats-Unis" renforcent les "perspectives sombres de la demande", abonde Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank.

Elles se conjuguent à "une offre abondante en dehors de l'Opep+" pour concourir à la chute des prix.

La décision de huit membres de l'alliance élargie Opep+, jeudi, de repousser de deux mois, d'octobre à décembre, l'accélération de leur production, n'a pas permis d'enrayer l'affaissement des cours.

"Ils ne se réunissent pas avant un moment", souligne Matt Smith. "Donc ils ne peuvent rien faire dans l'immédiat pour aider à renverser la tendance."

Pour Mark Waggoner, d'Excel Futures, l'Opep+ ne peut pas aller au-delà des coupes de production déjà initiées, dans la mesure où d'autres acteurs se sont substitués au cartel et rognent sur ses parts de marché.

"Doucement, mais sûrement, l'Opep perd de son influence", prévient l'analyste.

Pire, Mark Waggoner estime même que les cours "seraient inférieurs de 10 dollars (le baril) sans la situation au Moyen-Orient" et le risque d'extension de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Le climat général incite les investisseurs à la prudence, qui plus au coeur d'un mois de septembre réputé difficile pour les marchés.

Pour beaucoup, le pétrole, qui s'est montré plus volatil que la plupart des autres actifs, fait figure d'indicateur avancé de la conjoncture et du sort qui attend les marchés.

Entre l'élection présidentielle américaine, le manque de conviction sur la trajectoire économique des Etats-Unis et la vitesse de l'assouplissement monétaire à venir, "il y a énormément d'incertitude", selon Mark Waggoner. "Et les gens n'aiment pas ça."

Tout à son anxiété sur la trajectoire de l'économie mondiale, le marché a fait fi de l'arrivée prochaine de la tempête tropicale Francine sur le territoire américain.

Les services météorologiques nationaux (NWS) prévoient que le phénomène se transformera en ouragan mardi avant de toucher terre, mercredi, en Louisiane, à l'ouest de la Nouvelle-Orléans.

La région est truffée de raffineries et de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL).

Pour Matt Smith, la séance de mardi pourrait avoir marqué un tournant.

"On dirait qu'il n'y a plus personne pour vendre", dit-il. "Donc on pourrait approcher d'un plancher."

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