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Luc Rémont est l'actuel PDG de l'énergéticien français EDF.
Parcours
Né en 1969, Luc Rémont a débuté sa carrière en 1993 comme ingénieur à la délégation générale pour l'armement (DGA).
Il intègre en 1996 le ministère des Finances, où il suit les banques multilatérales de développement, puis les participations de l'État dans le transport. De 2002 à 2007, il a fait partie des cabinets des différents ministres des Finances.
A Bercy, Luc Rémont a été le directeur de cabinet adjoint du ministre de l'Economie et des Finances Thierry Breton. Il était à ses côtés au moment de la privatisation partielle d'EDF.
Il entre chez Schneider en juillet 2014, quittant la Bank of America Merrill Lynch où, expert en fusions-acquisitions, il suivait justement le dossier Schneider. Il conseillait Alstom à Bank of America Merrill Lynch lors de la vente de la branche énergie Alstom à General Electric.
Il a travaillé huit ans chez l'équipementier électrique Schneider, d'abord comme directeur France puis directeur général pour les opérations internationales, et connaît donc bien le paysage énergétique français et mondial.
En France de 2014 à 2017, il gère notamment des opérations de restructuration et de transformation parfois délicates socialement.
Un représentant du personnel CFE-CGC, interrogé par l'AFP, ne tarit pas d'éloges sur ce "bon manager, très apprécié des équipes" et qui "a vite compris les complexités de l'entreprise". "Chez Schneider, les négociations ne se font pas au forceps. Il n'a jamais imposé une vision différente. Sur toutes les situations un peu compliquées, on a toujours réussi à trouver un terrain d'entente (...) On le voyait souvent, il aimait bien avoir des contacts directs avec les représentants du personnel pour avoir une vision sans filtre". Au sein du géant des équipements électriques, on loue son "fort sens du devoir". D'ailleurs, ce polytechnicien ingénieur de l'armement n'est-il pas réserviste ?
Passé directeur général des Opérations internationales, il affronte d'autres défis, en particulier intégrer le géant indien Larsen and Toubro. Cette acquisition, la plus grosse jamais réalisée par le groupe dans le sous-continent, a une telle importance qu'elle fait de l'Inde la troisième région principale pour les activités de Schneider, à égalité avec la France, son berceau historique.
Grand voyageur, l'homme est aussi bon businessman pour le syndicaliste interrogé par l'AFP. "Il a su faire revenir la croissance (en France). Il a un super réseau, un carnet d'adresses pas mal qui pouvait aider dans le business", grâce à son passage en cabinets ministériels.
Nomination à EDF
Luc Rémont a été nommé par l'Élysée le 29 septembre 2022 et a pris ses fonctions à la tête d'EDF le 22 novembre 2023. Il a remplacé Jean-Bernard Lévy, qui dirigeait le groupe depuis 2014 et bientôt atteint par la limite d'âge mais dont le départ anticipé a été annoncé dès cet été en même temps que la renationalisation d'EDF à 100%.
Le Parlement avait approuvé le 26 octobre 2022. Le Conseil d'administration d'EDF l'avait coopté en qualité d'administrateur le 18 novembre 2022, puis soumise pour ratification à la prochaine Assemblée générale ordinaire des actionnaires d'EDF.
Pour le gouvernement "il coche toutes les cases" pour cette nouvelle fonction.
La CGT voit quant à elle avec méfiance la nomination d'un profil plus financier qu'industriel. "C'est un pur produit de la finance, pas un industriel. Aucune expérience d'un secteur d'une complexité incroyable !", glisse une source syndicale. "On n'a pas de jugement sur telle ou telle personne, parce que ce qui est pour nous la priorité, c'est quelle feuille de route ?", a indiqué à l'AFP Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT.
"On jugera sur pièces. Il faudra qu'il nous fasse la démonstration qu'il veut travailler avec les syndicats, avec la CGT et avec une ligne, on l'espère, qui réponde à ce qu'on porte depuis des mois et à l'intérêt de tous les citoyens", ajoutait M. Coudour, dont le syndicat s'oppose au "démantèlement" d'EDF et défend le maintien d'un service public de l'électricité.
Dans sa feuille de route, un dossier est tout en haut de la pile : relancer une production électrique en panne, en raison de problèmes de corrosion sur certains réacteurs nucléaires, mais aussi de la sécheresse qui a fragilisé le potentiel des centrales hydroélectriques cet été.
Sur 56 réacteurs nucléaires, environ la moitié sont à l'arrêt en raison de ces problèmes de corrosion ou pour des maintenances programmées, ce qui devrait faire chuter pour 2022 la production à un plus bas historique de 280 TWh. Or tout l'enjeu sera de faire redémarrer suffisamment de réacteurs pour faire face aux pics de consommation, notamment en cas de scénario très froid.
D'autres chantiers plus structurels attendent le nouvel homme fort d'EDF. À moyen et long terme, le nouveau patron aura aussi à gérer le branchement de l'EPR Flamanville, qui accuse dix ans de retard, et de faramineux investissements à venir pour relancer le nucléaire, selon la feuille de route fixée par Emmanuel Macron dans son discours de Belfort en février 2022.
L'exécutif veut doter la France de six nouveaux EPR de seconde génération, avec une option pour huit autres et prolonger la durée de vie d'un parc vieillissant au-delà de 50 ans, pour accroître l'approvisionnement électrique de la France et de l'Europe alors qu'il faudra de plus en plus se passer des énergies fossiles. Le gouvernement a dévoilé cette semaine un projet de loi visant à lancer au plus vite ces nouveaux réacteurs, avec une première pierre avant la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Luc Rémont aura aussi à gérer une renationalisation de l'entreprise reprise à 100% dans l'escarcelle de l'État et une dette colossale qui pourrait atteindre plus de 60 milliards d'euros fin 2022. Une situation due à la baisse de la production, aggravée par la décision du gouvernement de lui faire vendre davantage d'électricité bon marché à ses concurrents pour protéger la facture des ménages.
Faits d'armes à la tête d'EDF
"C'est peut-être la mission d'une vie", commentait le polytechnicien, à l'aube d'un hiver de tous les dangers, quand la France craignait de se retrouver ponctuellement dans le noir.
Le nouvel homme fort d'EDF appelé à la rescousse par l'Etat pour prendre la suite de Jean-Bernard Lévy n'aura pas chômé. Il s'est rendu, depuis sa nomination, dans toutes les directions et sur tous les sites qui présentent des enjeux importants pour le groupe.
"Le principe qui est qu'on ne s'ennuie jamais à EDF s'est tout à fait vérifié", résumait-il mercredi dernier dans l'une de ses rares apparitions publiques, au Sénat.
Quitte parfois à ferrailler avec l'Etat-actionnaire qui l'a nommé, notamment dans le dossier brûlant des prix de l'électricité. En cause selon lui, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui "induit une sous-rémunération" de l'activité nucléaire d'EDF. Il a demandé aussi une réforme "profonde" des règles du marché européen, en jugeant "indispensable" le découplage des prix du gaz et de l'électricité. "On doit reconnaître qu'il agit auprès du gouvernement pour défendre les intérêts d'EDF, pour lui permettre de réussir les enjeux essentiels qui l'attendent et ainsi redonner à la France sa souveraineté et son indépendance énergétiques", souligne une source syndicale à l'AFP.
Sous pression constante de l'Etat, redevenu son actionnaire unique en juin 2023, EDF a redressé significativement sa production nucléaire touchée par des problèmes de corrosion, renouant avec les bénéfices cette même année.
Il va devoir désormais poursuivre cette montée en puissance en construisant de nouveaux réacteurs et se conformer ainsi à la volonté élyséenne de relancer l'atome pour permettre la décarbonation de l'industrie par son électrification.
Dans cette optique, EDF va devoir doper ses investissements à 25 milliards d'euros par an, un niveau "sans commune mesure" dans son histoire, avait déjà prévenu Luc Rémont.