Le fioul plus propre utilisé par les navires accélérerait le réchauffement climatique, selon une nouvelle étude

  • AFP
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La dépollution du carburant des navires accélère-t-elle le réchauffement climatique ? Au cœur d'une controverse scientifique depuis un an, cette question a trouvé un nouvel écho jeudi, avec la publication d'une étude pointant le rôle de cette nouvelle réglementation sur les températures record de 2023.

Un effet qui « va pratiquement doubler le taux de réchauffement pour les années 2020 »

Cette réglementation de l'Organisation maritime internationale (OMI), qui a abaissé fortement la teneur en soufre du fioul des navires depuis le 1er janvier 2020, a "contribué au réchauffement anormal que nous avons connu en 2023 et 2024", a déclaré à l'AFP Tianle Yuan, chercheur à l'Université du Maryland et auteur principal de cette étude américaine, publiée dans la revue Communications Earth & Environment.

Il s'agit d'"un effet réchauffant important" qui "va pratiquement doubler le taux de réchauffement pour les années 2020", a souligné M. Yuan, en pointant "un impact particulièrement fort sur l'Atlantique Nord", un océan marqué en 2023 par des canicules marines inédites.

Ce phénomène trouverait sa source dans l'effet refroidissant des dioxydes de soufre, émis lors de la combustion de fioul lourd par les navires. Ces aérosols contribuent à réfléchir et à absorber les rayons du soleil et favorisent la formation des nuages, qui absorbent moins de chaleur que les océans. Le soufre émis par les navires atténue ainsi le réchauffement climatique, lui-même dû à l'accumulation des gaz à effet de serre émis par les activités humaines.

Instaurée pour améliorer la qualité de l'air, la réglementation de l'OMI a été particulièrement efficace, en réduisant de 80% les émissions de soufre du transport maritime depuis 2020, souligne l'étude, qui estime qu'elle pourrait cependant provoquer une hausse de la température mondiale de 0,16°C sur sept ans.

Cette publication intervient alors que la planète enchaîne les records de chaleur depuis juin 2023, en particulier à la surface des océans, qui ont atteint un plus haut absolu en mars 2024 (21,07°C).

« Choc terminal »

Les auteurs de l'étude comparent la réglementation de l'OMI au "choc terminal" et "involontaire" d'une expérience de géo-ingénierie. Cette science de la manipulation du climat, qui vise à contrer les effets du réchauffement climatique, étudie en effet l'injection d'aérosols à grande échelle dans l'atmosphère ou l'éclaircissement des nuages marins pour qu'ils réfléchissent mieux les rayons du soleil.

Les auteurs estiment d'ailleurs que leurs résultats suggèrent que "l'éclaircissement des nuages marins peut être une méthode viable de géo-ingénierie pour refroidir temporairement l'atmosphère".

"Ça faisait longtemps qu'on attendait un réchauffement associé à l'amélioration de la qualité de l'air. On appelait ça la "climate penalty" (peine climatique, ndlr) des politiques de qualité de l'air", a remarqué Nicolas Bellouin, professeur en climatologie à l'Université de Reading (Royaume-Uni).

"L'industrie maritime avait même misé là-dessus, sans succès, pour éviter de devoir utiliser des carburants plus propres, donc plus chers", a rappelé le chercheur qui n'a pas participé à cette étude, qu'il juge "plus solide scientifiquement que les études précédentes".

"Mais je pense que la contribution" de la baisse des émissions des navires "à l'anomalie de (température de) 2023 et aux taux de réchauffement à venir reste une question ouverte", ajoute-t-il, en pointant certaines limites de l'étude.

Cela fait près d'un an que la question agite la communauté scientifique. Jusqu'à présent, la plupart des climatologues estimaient que la réduction des émissions du secteur maritime ne pouvait expliquer qu'une petite partie de la hausse des températures, de l'ordre de quelques centièmes de degré, selon un article, souvent cité, publié par Carbon Brief.

"Il y a peu de débat sur le fait que les aérosols refroidissent le climat, mais il y a beaucoup d'incertitudes sur l'ampleur de cet effet refroidissant", a ainsi souligné Edward Gryspeerdt, chercheur à l'Imperial College de Londres, cité par le Science Media Centre britannique.

"L'histoire nous a montré que des variabilités naturelles ont été surinterprétées dans le passé", a ajouté à l'AFP Jean-Louis Dufresne, climatologue, directeur de recherche au CNRS, qui estime "compliqué" d'analyser "de petites perturbations sur des courtes périodes de temps".

Commentaires

EtDF
Ite missae est.... "L'histoire nous a montré que des variabilités naturelles ont été surinterprétées dans le passé", a ajouté à l'AFP Jean-Louis Dufresne, climatologue, directeur de recherche au CNRS, qui estime "compliqué" d'analyser "de petites perturbations sur des courtes périodes de temps". A suivre les décisions des "politiques" qui globalement ne connaissent pas grand chose à rien et qui gobent la doxa des bobos qui ne connaissent pas les retours de bâtons de leurs lubies (c'est à dire le bout de leurs nez)... on avance certes !!!.. par essais erreurs. en hoquetant.... ce qui permet aux premiers de paraître dans le vent pour être.... réélus... Combien coûtent ces ricochets en termes de PIB???
Denis Margot
La réduction de la teneur en soufre du fuel lourd marin a été décidée (par l’OMI et par nombre d’États) en raison de la toxicité des émissions soufrées (SO2). Il était estimé que rien qu’en Europe, cette pollution était responsable de plusieurs 10zaines de milliers de décès précoces chaque année. Cette décision n’a pas été prise pour réduire les GES, c’était avant tout une mesure sanitaire. Que cette mesure contribue à l’augmentation des GES parce qu’on réduit la quantité d’aérosols reste à confirmer, mais il est douteux que ce 2nd argument l’emporte sur le premier. Rajouter artificiellement des aérosols dans l’atmosphère pour réduire le RC est un jeu dangereux. Le principe de précaution suggère de ne pas emprunter ce chemin. Il y a par ailleurs de nombreuses initiatives et contraintes réglementaires pour forcer la décarbonation de l’industrie maritime.
EtDF
@ Denis Margot Ma remarque n'était pas de penser à rajouter des saletés (type SO2) pour atténuer l'effet du rayonnement solaire, ni de se réjouir de produire moins de CO2 maritime... Simplement de remarquer que beaucoup de décisions sont prises à toutes blindes au nom de l'urgence dite climatique sans que les décideurs souvent ignares ou simplement inconscients, n'anticipent les retours de bâtons,.. Il faut en revenir à écouter Lavoisier; Il y a quelques années la doxa était nourrie par les mg de CO2 Puis on a redécouvert le méchant méthane CH4 Pendant ce temps on oublie un peu les NOx attribués aux diesels.. en oubliant les particules fines délivrées tout autant par les EV lourdes Mais en même temps on imagine transporter beaucoup d'énergie par l'ammoniac NH3... On a foncé avec les batteries au lithium "ignorant" toute la pollution et l’énorme consommation d'eau qui était loin de chez nous.. Maintenant il est urgent d'ouvrir des mines chez nous!.. Europe... plus de thermiques en 2035!! Why not?? ... Les décideurs seront alors "hors d'usage"... Bon j'arrête un peu cet "à la Prévert"... mais "l'urgence" implique de prendre du temps pour déjà s'assurer de la pérennité et de innocuité des grosses propositions premières...
Albatros
En plein accord avec la remarque de EtDF, pleine de bon sens. L'agitation en lieu et place de l'action réfléchie et mesurée est générale dans pratiquement tous les sujets concernant l'environnement car personne ne prend la mesure des décisions prises le plus souvent par des ignares politisés comme certain président de la commission environnement du parlement européen qui, depuis le Grenelle de Sarozy-Borloo, n'a cessé de prendre des décisions ineptes et toutes à rebours de l'intérêt général ainsi que de la nécessaire protection de l'environnement. Il faut absolument empêcher ces militants obtus de nuire. Courage à ceux qui travaillent !

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