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En Allemagne, le chimiste BASF n'exclut pas de transférer hors d'Europe ses productions les plus "gourmandes en énergie". En France, le verrier Duralex a reçu lundi un prêt d'urgence de l'Etat pour passer l'hiver : partout en Europe, l'industrie craint les délocalisations d'usines vers des pays où l'énergie coûte moins cher.
Face au risque de désindustrialisation qui pèse sur l'Europe, le président français Emmanuel Macron reçoit lundi soir à dîner de grands industriels européens pour les inciter à rester sur le vieux continent.
Parmi les invités, des représentants de la European Round Table for Industry (ERT), qui revendique parmi ses adhérents une soixantaine de grandes entreprises du continent. Parmi eux, des dirigeants des groupes Engie, Orange, Ericsson, Unilever, AstraZeneca, Volvo, BMW, Air Liquide ou encore Solvay.
Objectif : leur dire de rester en Europe et de choisir la France.
Car les "factures de gaz et d'électricité vont être multipliées par quatre en moyenne" a expliqué lundi aux Echos Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation et président de l'Union française des industries de la métallurgie (UIMM). En Italie, les factures énergétiques ont quintuplé, s'alarme la Confédération générale de l'industrie Confindustria.
Selon M. Trappier, "plusieurs industriels" disent même "regretter leur investissement fait il y a six mois" pour agrandir une usine en France lorsque leurs coûts de production s'envolent à ce point.
"Le risque de délocalisation énergétique, ou plutôt de +grand déplacement industriel+ au profit de zones attractives comme les Etats-Unis ou l'Asie, est actuellement le gros risque structurel" qui pèse sur l'Europe, résume pour l'AFP Nicolas de Warren, président de l'Uniden qui représente 36 industriels pesant plus de 70% de l'énergie industrielle consommée en France, dans l'agroalimentaire, l'automobile, la chimie, le ciment, l'électronique, les métaux, le papier, le transport ou le verre.
« Site par site »
Ces délocalisations énergétiques ne prendraient pas la forme de rachats d'entreprises comme dans les années 90, mais de transfert de charge de travail "site par site", dit-il. C'est déjà le cas dans les engrais et l'ammoniac, qui dépendent à plus de 80% du prix du gaz. Bon nombre d'entreprises ont mis leurs usines sous cocon pour aller produire dans des zones du monde où le gaz est moins cher.
En Normandie (nord-ouest de la France), Fabrice Tourres, le président d'Univerre, un fabricant de bouteilles en verre, voit lui "arriver les premières livraisons venant d'Asie", selon le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux. Jusqu'ici le verre, dont l'énergie représente 30% du coût de revient, était produit localement parce que lourd et donc cher à transporter.
La célèbre verrerie Duralex, asphyxiée elle aussi par l'explosion des prix de l'énergie, va se voir accorder un prêt de 15 millions d'euros par l'Etat.
Vendredi, le géant allemand de la chimie BASF avait laissé entendre que les transferts d'activité pourraient être pérennisés en indiquant qu'il n'excluait pas de délocaliser les productions "particulièrement gourmandes en énergie". Le groupe allemand annoncera ses plans d'adaptation de la production au premier trimestre. "La question se pose de savoir si les produits de base pourront encore être fabriqués de manière compétitive en Europe et en Allemagne à long terme" s'est interrogé son PDG Martin Brudermüller jeudi dans le quotidien Handelsblatt.
Le sidérurgiste ArcelorMittal a pour sa part déjà fermé temporairement plusieurs haut fourneaux cet automne, en Espagne, en Allemagne et en France, sous la pression de la baisse de la demande d'acier sur le vieux continent et de l'énergie.
Autre sujet d'inquiétude pour les industries européennes de base énergivores, pressées d'investir pour se décarboner: le plan américain Inflation Reduction Act (IRA) de l'administration Biden accorde de généreuses subventions et plombe un peu plus la compétitivité européenne. "Au-delà des mesures conjoncturelles de soutien qui sont des pansements nécessaires, il faut s'attaquer au coeur du sujet qui est la réforme du prix de l'électricité en Europe" fait valoir Nicolas de Warren.
Les industriels attendent donc avec impatience avant fin décembre les propositions de la Commission européenne dans un "livre blanc" sur le blocage des prix du gaz et la refonte très attendue du marché européen de l'électricité.