- Connaissance des Énergies avec AFP
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Le projet de deux réacteurs nucléaires EPR d'Hinkley Point en Angleterre est un "gouffre financier" pour EDF, ont alerté lundi la présidente de la Commission des affaires économiques Aurélie Trouvé et le rapporteur général du budget Charles de Courson après une visite de contrôle au Trésor.
« Anomalie démocratique »
Les députés LFI et Liot ont dénoncé depuis l'Assemblée nationale une "anomalie démocratique", déplorant que le Parlement ne soit pas consulté sur une relance des programmes nucléaires, au vu des surcoûts constatés à Flamanville et Hinkley Point.
Ils ont également invoqué des conséquences pour les ménages et entreprises françaises, EDF étant désormais détenu à 100% par l'État.
Le 16 avril, les deux élus ont passé cinq heures à la direction du Trésor pour une mission de contrôle autour du chantier d'Hinkley Point. "C'est un véritable gouffre financier", a déclaré Mme Trouvé lors d'un point presse à la chambre basse.
"On arrive aujourd'hui, d'après ce qu'on nous a dit, à un coût estimé à l'horizon 2030 à 46 milliards de livres sterling (environ 54 milliards d'euros), dont 85% est aujourd'hui à la charge d'EDF", détaille la députée de Seine-Saint-Denis, rappelant que le coût du devis était de 18 milliards au début du projet en 2016.
« Alertes » sur les coûts dès 2015
"Le gouvernement savait, puisque dès 2015, on a des notes qui ont montré que, déjà, il y a des alertes sur (...) des coûts qui seraient probablement sous-évalués", a-t-elle pointé.
En outre, les deux députés affirment que Bercy ne dispose pas du contrat. "Ca nous choque évidemment, puisque l'État était déjà actionnaire en 2015 (au moment des négociations avant la signature, ndlr) de 85% d'EDF, et qu'il l'est aujourd'hui à hauteur de 100%", a critiqué Mme Trouvé.
Mme Trouvé et M. de Courson s'exprimaient en marge d'un débat, sans vote, organisé dans l'hémicycle lundi sur la politique énergétique française, avant la publication d'ici à la fin de l'été d'un décret définissant la feuille de route du pays pour les dix prochaines années.
Le gouvernement veut engager l'avenir énergétique de la 🇫🇷 pour les générations qui viennent, sans projet de loi, sans vote !
Gouffre financier du nucléaire, prix de l'énergie qui flambent pour les gens et les entreprises...
Mon interpellation de @bayrou👇 pic.twitter.com/kOqttJ3z2H— Aurélie Trouvé (@TrouveAurelie) April 28, 2025
En dépit des annonces du Premier ministre prévoyant l'examen d'une proposition de loi sur le sujet, censée contribuer à la mouture finale du décret, Charles de Courson a dénoncé une "anomalie démocratique", déplorant notamment l'absence de vote sur la feuille de route. "Hélas, ces décisions échappent au Parlement alors qu'elles ont des conséquences directes sur les finances publiques", a-t-il déclaré.
🎙@C_deCourson: Le Parlement n’est pas saisi sur des choix engageant notre #souveraineté#énergétique. 👉Financement du nucléaire incertain, coûts élevés (ex: Flamanville 19 Mds€), défis sur les biocarburants : il est urgent d’avoir une planification crédible, pas une simple… pic.twitter.com/I6KfakRef4
— Groupe LIOT (@GroupeLIOT_An) April 28, 2025
Réduire l'exposition financière d'EDF à l'international
La semaine dernière, en amont d'un sommet sur l'énergie à Londres, le ministère français de l'Énergie a fait savoir que le ministre Marc Ferracci appellerait le gouvernement britannique à "prendre ses responsabilités quant au financement" du projet d'Hinkley Point, faute de contribution du partenaire chinois d'EDF, CGN, pour financer les surcoûts.
Dans son rapport de janvier 2025 sur la filière EPR, la Cour des comptes avait recommandé que "tout nouveau projet international dans le domaine du nucléaire soit générateur de gains chiffrés et ne retarde pas le calendrier du programme EPR2 en France".
L'enjeu pour EDF, en pleine relance d'un programme nucléaire en France, est de réduire son exposition financière dans ses projets à l'international, et donc d'être minoritaire dans ses participations.