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En dépit des critiques des écologistes, le président brésilien Lula a renforcé cette semaine la pression en faveur d'un méga-projet d'exploration pétrolière près de l'embouchure de l'Amazone, en pleins préparatifs pour la COP30 dans la ville amazonienne de Belem.
Un potentiel de 10 milliards de barils supplémentaires
"Nous voulons le pétrole, car il va encore exister longtemps", a déclaré mercredi Luiz Inacio Lula da Silva, argumentant que la manne de l'or noir doit servir "à financer la transition énergétique, qui coûtera très cher".
Ces propos interviennent alors que l'Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables (Ibama), un organisme public autonome, évalue l'octroi ou non d'une licence d'exploration pour le géant étatique Petrobras dans une zone maritime connue sous le nom de Marge équatoriale.
Petrobras souhaite débuter les forages pour évaluer les possibilités de production de pétrole sur cette zone qui s'étend sur 350 000 km2, à environ 500 km de l'embouchure de l'Amazone, dans le nord du Brésil. Le potentiel de ces nouveaux gisements est considérable, évalué à 10 milliards de barils, tandis que les réserves prouvées du Brésil s'élevaient à 15,9 milliards de barils en 2023.
Mais ce projet est hautement critiqué, étant donné que les combustibles fossiles comme le pétrole sont la principale cause d'émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.
De quoi percuter les ambitions de Lula de faire du Brésil une référence du combat pour la planète, à quelques mois d'accueillir en novembre la conférence de l'ONU sur le climat COP30 à Belem.
Les deux premières années de son mandat ont été marquées par des avancées notables, avec une forte réduction de la déforestation et la révision à la hausse des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
Un « leader climatique » 8e producteur de pétrole au monde ?
"Il faut trouver une solution pour garantir au pays et au monde qu'aucun arbre ne sera détruit, et qu'il n'y aura pas (de pollution) de l'Amazone ou de l'océan Atlantique", a plaidé Lula, tout en rappelant que des pays voisins, comme le Guyana et le Suriname, étaient "déjà en train d'explorer du pétrole près de notre Marge équatoriale".
Pas de quoi faire taire les critiques des détracteurs du projet. "On ne peut pas être un leader climatique et avoir en même temps l'intention de multiplier la production de combustibles fossiles", dit à l'AFP Suely Araujo, du collectif brésilien d'ONG Observatoire du climat.
Pour cette ancienne présidente de l'Ibama, l'argument de financer la transition énergétique avec les revenus du pétrole "revient à dire qu'on veut faire la guerre pour obtenir la paix". "Ouvrir l'Amazonie à l'exploration de combustibles va à l'encontre du discours (du gouvernement) sur la préservation de l'Amazonie pour aider à réguler le climat", fustige pour sa part Ilan Zugman, directeur de l'ONG 350.org pour l'Amérique latine.
Au Brésil, 49,1% de l'énergie consommée provient de sources renouvelables, plus du triple de la moyenne mondiale, selon les chiffres officiels. Mais ce pays n'en est pas moins un important producteur de pétrole, le huitième au monde et le plus grand d'Amérique latine, avec 3,4 millions de barils produits en moyenne par jour en 2024.
Crainte de « dommages environnementaux irréversibles »
La perspective d'une exploration pétrolière près de l'Amazonie suscite également des critiques de la part de communautés indigènes. "Ces projets menacent la vie des peuples autochtones et causent des dommages environnementaux irréversibles, détruisant les forêts et polluant les fleuves", alerte Toya Manchineri, de la Coordination des organisations indigènes de l'Amazonie brésilienne.
L'Ibama a réclamé en octobre que Petrobras fournisse davantage de détails sur les mesures prévues par la compagnie en cas de fuite de pétrole dans cette zone très riche en biodiversité. "En décembre, Petrobras a présenté une nouvelle proposition d'intervention d'urgence (...) actuellement en cours d'analyse par notre équipe technique", a indiqué à l'AFP cet organe. Les tiraillements s'observent au sein même du gouvernement.
La ministre de l'Environnement, Marina Silva, qui a la tutelle sur l'Ibama, a déclaré jeudi qu'elle ne comptait "exercer aucune influence" sur l'octroi de l'autorisation environnementale. Selon cette écologiste respectée, il s'agit d'une décision "technique" et non politique.
Défenseur enthousiaste du projet, le ministre des Mines et de l'Énergie, Alexandre Silveira, a pour sa part appelé l'Ibama au "bon sens" et à autoriser au plus vite l'exploration.