A fin mars 2015, près de 30% de la puissance éolienne française est installée en Champagne-Ardenne ou en Picardie. (©EDF-Philippe Eranian)
Le gestionnaire du réseau de distribution électrique ERDF a inauguré vendredi dernier dans l’Aube le plus grand système de stockage par batteries jamais installé en France. Il vise à étudier les moyens de gérer plus intelligemment la production électrique intermittente (issue de l’éolien et du solaire photovoltaïque). Explications.
Une application des « smart grids »
Baptisé Venteea(1), ce projet est coordonné par ERDF et réunit 9 autres partenaires industriels et universitaires. Il a permis de mettre au point un démonstrateur composé de 2 conteneurs de batteries lithium-ion, disposant d’une capacité de stockage totale de 1,3 MWh. Ces conteneurs ont été installés près de Vendeuvre-sur-Barse (au sud de Troyes), à proximité de deux parcs éoliens de 6 et 12 MW de puissance.
Outre leur capacité de stockage, la particularité de ces conteneurs réside dans leur « intelligence » : les batteries sont contrôlées par ordinateur afin qu’elles optimisent leur gestion entre des flux d’électricité qui sont intermittents en amont et fluctuants avec la demande en aval. Un programme optimal de fonctionnement est notamment déterminé sur la base des prévisions de production la veille pour le lendemain. Il s’ajuste automatiquement pour faire face au caractère plus ou moins prévisible de la production intermittente.
Concrètement, cette gestion intelligente permettra de mieux gérer l’équilibre entre production et consommation sans risque pour le réseau électrique et de mieux réguler la tension de ce dernier (toute nouvelle production d’électricité augmente localement la tension). Le coût de raccordement et les pertes en ligne pourraient par ailleurs être réduits grâce à l’installation de ce type de systèmes intelligents au plus près des sites de production (parcs éoliens ou fermes photovoltaïques).
Le budget total du projet Venteea est évalué à 23,8 millions d’euros. Il a été retenu dans le cadre des investissements d’avenir en faveur des réseaux électriques intelligents (dits « smart grids ») et a bénéficié à ce titre d’une aide publique de 7,4 millions d’euros. Le démonstrateur doit faire l’objet d’expérimentations jusqu’à l’été 2016.
La solution à l’intermittence éolienne et photovoltaïque ?
Dans le projet de loi de transition énergétique actuellement examiné au Sénat(2), il est prévu de porter la part des EnR à 23% de la consommation finale d’énergie en 2020 et à 32% de cette consommation en 2030. Un effort particulier de développement est attendu dans le domaine électrique : les EnR devraient compter pour 40% de la production électrique française en 2030, contre 17,7% en 2014 (2,1% hors hydroélectricité). Le projet de loi ne précise toutefois pas la part attendue des EnR intermittentes dans cet objectif.
Or, l’éolien et le solaire photovoltaïque n’ont respectivement généré que 3,1% et 1,1% de la production électrique en 2014. Leur développement implique de réaliser de très importants investissements dans les infrastructures de réseaux ainsi que de stockage afin de pallier leur intermittence. Parallèlement à la future généralisation de compteurs communicants Linky chez les consommateurs, l’enjeu est aujourd’hui de gérer plus intelligemment l’équilibre entre une production et une demande pas nécessairement coordonnées et plus ou moins prévisibles.
Dans ce contexte, il est logique que le démonstrateur Venteea soit testé en Champagne-Ardenne qui dispose du plus grand parc éolien raccordé parmi les régions françaises (160 sites d’une puissance cumulée de 1 571 MW à fin mars 2015). Précisons que de nombreuses autres expérimentations de « smart grids » sont actuellement en cours.
Parmi elles, citons notamment Nice Grid (quartier solaire dont la production électrique peut être partiellement déconnectée du réseau lorsque celui-ci est saturé), Lyon Confluence (gestion intelligente de véhicules électriques avec des bornes de recharge rapide et lente) ou encore SOGRID (pilotage de réseaux de distribution électrique grâce à une nouvelle technologie de transmission « CPL »(3) plus fiable).
Démonstrateur Venteea installé dans le poste « source » ERDF de Vandeuvre-sur-Barse (©EDF-Philippe Eranian)