La mine de charbon de Prosper-Haniel dispose de 117 km de tunnels situés à des différents niveaux entre 700 et 1 300 m de profondeur. (©RAG AG)
Des chercheurs allemands étudient la possibilité de transformer dans la région de la Ruhr une mine de charbon en un site de stockage hydroélectrique. Explications.
Une deuxième vie pour une mine de charbon de la Ruhr
En Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest de l’Allemagne), l’extraction au sein de la mine de charbon de Prosper-Haniel a débuté en 1863. Une procédure de fermeture de cette mine, qui fournit encore près de 2,5 millions de tonnes de charbon par an(1), devrait être engagée fin 2018. Mais l’activité ne devrait pas s’arrêter sur le site : il est prévu que la mine soit transformée en une station de transfert d’énergie par pompage (STEP).
Pour rappel, les STEP sont des installations hydrauliques composées de deux bassins situés à des altitudes différentes. Elles permettent, en pompant l’eau du bassin inférieur vers le bassin supérieur, de stocker de l’électricité excédentaire sur le réseau, notamment lorsque des sources intermittentes produisent de l’électricité « fatale » lors des périodes de faible demande. Lorsque la demande d’électricité augmente, l’eau du bassin supérieur peut être « relâchée » et turbinée afin de restituer de l’électricité sur le réseau(2).
Ce principe pourrait être appliqué au sein de la mine de charbon de Prosper-Haniel en exploitant le dénivelé entre la surface et le fond de la mine, à près de 1 300 m de profondeur. Concrètement, près d’un million de mètres cubes d’eau pourrait circuler au sein de 26 kilomètres de tunnels de la mine.
Des travaux d’excavation et 1 GWh d’électricité stockable
Une cinquantaine de personnes travaillent sur ce projet qui associe notamment l’institut de recherche hydraulique de l’Université de Duisburg-Essen et la société RAG qui possède la mine de Prosper-Haniel. André Niemann, professeur à l’Université de Duisburg-Essen, précise que la mine présente le « très gros avantage » d’être toujours en activité, ce qui permet d’avoir un aperçu très clair de l’état des infrastructures qui devront être adaptées en STEP.
Pour donner une seconde vie à ladite mine de Prosper-Haniel, des travaux d’excavation devront être effectués en profondeur pour installer les groupes hydroélectriques (pouvant fonctionner en mode pompe-moteur ou turbine-alternateur) et augmenter la taille du futur bassin souterrain. Il sera également nécessaire de renforcer les puits où l’eau circulera et de construire en surface le réservoir supérieur. Au total, la reconversion pourrait durer 6 ans après l’arrêt de l’exploitation de la mine.
La future STEP devrait disposer d’une puissance de turbinage d’environ 250 MW et produire de l’électricité pendant 4 heures à la demande, soit 1 GWh selon André Niemann. Impliqué au cœur de ce projet, il estime que le coût de la STEP pourrait avoisiner 500 millions d’euros.
Une technique de stockage éprouvée qui intéresse l’Allemagne
Les STEP nécessitent de disposer d’importants dénivelés, comme en Isère où l’installation de Grand’Maison offre une capacité d’appoint significative au réseau électrique français (avec une puissance de turbinage de près de 1 800 MW). Une région comme la Ruhr ne dispose pas d’un relief favorable pour de telles installations mais voit avec cette reconversion un moyen de valoriser certaines mines à leur fermeture.
Les mines imposent naturellement des « restrictions géologiques », indique André Niemann, la taille des cavités souterraines creusées limitant celle du bassin inférieur de la STEP. Les porteurs du projet estiment que les principaux risques de cette conversion résideront dans les travaux d’excavation mais jugent très peu probables des mouvements de terrain (de type microséisme) durant la phase d’exploitation des STEP.
Disposant d’un soutien régional et fédéral, le projet de conversion de la mine Prosper-Haniel suscite un intérêt particulier en Allemagne où les besoins de stockage sont importants, compte tenu de la forte pénétration des sources intermittentes dans le mix électrique national (l’éolien et le solaire cumulés comptaient pour 24,6% de ce mix en 2016)(3). A l’heure actuelle, aucun autre site minier en Allemagne ne fait toutefois l'objet d'une étude pour être reconverti en STEP.
Selon André Niemann, la conversion de la mine de charbon de Prosper-Haniel sera une première mondiale. Certaines études ont été menées aux États-Unis sans qu’elles débouchent sur une réalisation. Les chercheurs travaillant sur la reconversion de la mine de Prosper-Haniel prévoient de rencontrer en mai 2017 les porteurs d’un autre projet en Belgique baptisé « SmartWater »(4).
Schéma de la future STEP sur le site de Prosper-Haniel (©RAG AG)