Conseiller du Centre Énergie & Climat de l'Ifri
Membre de l’Académie des technologies
Il est nécessaire de redonner au paramètre coût l'importance qu'il a trop souvent perdue. A cet égard, le projet de lancer à grande échelle (1 000 km d’ici 5 ans selon les annonces de Ségolène Royal) le projet « Wattway » de route photovoltaïque développé par Colas, filiale de Bouygues, me semble symptomatique…
Colas annonce que son « objectif » est d'atteindre un coût de 6 € par watt-crête installé. Remarquons ici qu’il est fréquemment fait référence à la puissance installée et rarement à la production. Or, c’est bien cette dernière qui importe in fine. En éludant les données de production, on masque de façon très pratique l’intermittence de certaines unités de production, principalement éoliennes ou photovoltaïques.
Selon le gestionnaire de réseau RTE, le facteur de charge du photovoltaïque en France avoisine 15% en 2015. Un watt-crête produit ainsi en moyenne près de 1 314 wattheures par an. Si l’on suppose avec optimisme que le revêtement de la route solaire aura une durée de vie de 15 ans(1) et que son facteur de charge sera similaire à celui du parc existant, ce qui est hautement improbable (salissures, mauvaise orientation, etc.), un investissement de 6€ pourrait produire de l’ordre de 19,5 kWh durant cette durée de vie.
Le coût du kWh dépasserait ainsi 30 centimes d’euros, ce qui correspondrait à un coût du mégawattheure de plus de 300 €. Le grand public n’est pas forcément familiarisé avec ces ordres de grandeur. Indiquons donc que ce chiffre équivaut environ à... 10 fois le prix de gros actuel, 7 fois le tarif ARENH (prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique), 4 fois le coût de l'éolien terrestre, sans doute 3 fois le coût de l'EPR et même 1,5 fois le coût de l'éolien offshore !
Tous ces chiffres ont-ils bien été pris en compte dans la décision de lancer un tel projet ?
A ce coût de production s’ajoute également celui du raccordement électrique, voire des installations de stockage si l’on veut que l’électricité produite serve à autre chose qu’à alimenter les réverbères du bord de la route pendant les journées ensoleillées. La technologie peut presque tout, sauf inventer le moteur à eau. Peut-on dans ces conditions « dépenser sans compter » ?
Tous ces chiffres ont-ils bien été pris en compte dans la décision de lancer un tel projet ? Ségolène Royal a annoncé fin mars 2016 que 5 millions d’euros seraient consacrés à des projets de routes ou de parkings solaires. Puisque la France est engagée dans une transition énergétique vers des énergies moins émissives, on est en droit de se poser la question du coût rapporté à la tonne de CO2 évitée. N’y a-t-il pas des solutions moins coûteuses pour obtenir le même résultat ?
Mais il est vrai que c’est le consommateur d’électricité qui paiera la note par le biais du mécanisme de la CSPE. Ce consommateur en est-il informé ?
Sources / Notes
- Selon Colas, la durée de vie d’une dalle Wattway sera « identique à celle d’une route classique, soit au moins 10 ans selon la densité du trafic » et pourrait atteindre environ 20 ans sur une section de route peu utilisée, par exemple sur un parking de stade.
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