Chaufferie biomasse du réseau de chaleur de Mont-Saint-Aignan. (©Coriance-Dominique Dugay)
Le chauffage dit « urbain » ou « réseau de chaleur » apporte « une contribution efficace à la transition énergétique qui reste insuffisamment exploitée » selon un rapport de la Cour des comptes publié le 7 septembre(1).
Rappels sur les réseaux de chaleur en France
Pour rappel, un réseau de chaleur (ou réseau de chauffage urbain) est un système de distribution de chaleur à partir d’une ou plusieurs unités de production et à destination de plusieurs consommateurs. La chaleur est transportée au sein d’un ensemble de canalisations, généralement à l’échelle d’un quartier (mais potentiellement d’une ville entière ou de plusieurs villes).
Dans sa dernière enquête annuelle, le SNCU (Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine) fait état de 798 réseaux de chaleur en France à fin 2019, d’une longueur cumulée de 5 964 km. Près de 41 000 bâtiments (principalement résidentiels et tertiaires) - soit « 2,37 millions d’équivalents logements » - sont raccordés à ces réseaux qui appartiennent pour la très grande majorité d’entre eux à des collectivités locales.
Le taux de pénétration des réseaux de chaleur en France reste « en-deçà de la moyenne européenne » à l’heure actuelle, déplore la Cour des comptes qui souligne que « leur efficacité environnementale est satisfaisante », au regard du taux d’incorporation croissant d’énergies renouvelables. Le gaz naturel constitue toutefois encore la première source d’énergie « entrante » des réseaux de chaleur en France (35,2% du bouquet énergétique en 2019), même si la part des énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) est en constant progrès : cumulées, ces filières ont compté pour 59,4% du mix des réseaux de chaleur français en 2019 (principalement grâce aux unités de valorisation énergétique de déchets et à la biomasse)(2).
Les énergies renouvelables et de récupération ont compté pour 59,4% de la chaleur livrée par les réseaux de chaleur français en 2019, contre 31% en 2009. (©Connaissance des Énergies, d’après SNCU)
Le développement de la « chaleur renouvelable » dans les réseaux
La consommation de chaleur renouvelable « par les réseaux est passée de 0,68 à 1,21 Mtep entre 2012 et 2019, en croissance de 10% par an, mais cette trajectoire reste insuffisante pour atteindre » l'objectif français, souligne la Cour des comptes. La loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a en effet fixé pour objectif de multiplier par cinq entre 2012 et 2030 la quantité de chaleur et de froid renouvelables (et de récupération de chaleur) livrée par les réseaux de chaleur et de froid en France.
Le potentiel maximum de chaleur renouvelable livrable par les réseaux de chaleur en France est estimé par l'Ademe à 5,8 Mtep par an, « soit 10% du besoin national de chaleur ». Mais la Cour des comptes constate que « la trajectoire actuelle de développement se limite à 83 000 tep par an », rythme auquel « la chaleur renouvelable livrée en 2030 ne serait que de 2,26 Mtep, soit significativement moins que l’objectif fixé par la loi » (3,4 Mtep par an à l'horizon 2030). Pour que la France atteigne ses objectifs, la Cour des comptes juge « nécessaire à la fois d’augmenter la part des énergies renouvelables approvisionnant les réseaux existants et de développer de nouveaux réseaux ».
À l’heure actuelle, la Cour estime que « la planification territoriale de développement de ces réseaux est insatisfaisante à tous les échelons territoriaux », avec entre autres des schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) « intégrant peu la problématique »(3).
Il est par ailleurs rappelé que près de 80% des réseaux de chaleur publics sont exploités sous la forme d’une délégation de service public, en raison du poids des investissements associés. Or, la Cour juge que le contrôle des exploitants des réseaux « devrait être renforcé tout au long de la durée d’exécution du contrat de délégation », après avoir constaté des contrôles lacunaires des autorités délégantes, « en raison souvent de l’absence de ressources humaines ou techniques adaptées ». Elle appelle à ce titre à un transfert des compétences (création, aménagement, entretien et gestion des réseaux de chaleur et de froid urbain) aux établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants.
Une meilleure information et de nouvelles formes de soutien possibles
Une meilleure diffusion des données économiques – certaines d’entre elles étant actuellement « peu accessibles ou incertaines » – est enfin jugée nécessaire pour une gestion « mieux éclairée » des réseaux de chaleur. Pour que les consommateurs bénéficient également d’une meilleure information, la Cour des comptes juge « souhaitable que les collectivités délégantes publient un rapport annuel sur la qualité et le prix du service public de chauffage urbain » (obligation existant déjà pour d’autres services publics locaux).
L’encadrement du développement du chauffage urbain (assuré par le ministère de la Transition énergétique, l’Ademe et le Cerema) est jugé trop limité : seuls près de « 20 agents à temps plein pour un coût estimé à 1,5 million d’euros par an, auquel s’ajoute un 1,3 M€ pour le soutien à la recherche ou à des partenaires » y sont consacrés.
La Cour rappelle que les dispositifs de soutien public en faveur des réseaux de chaleur et de froid sont en revanche « nombreux et variés », fonds Chaleur en tête (financement de 110 millions d’euros en 2019). Par ailleurs, les consommateurs connectés à des réseaux de chaleur et de froid alimentés à plus de 50% par des énergies renouvelables bénéficient d’un taux réduit de TVA (5,5%) sur la part de leur facture liée à la fourniture d’énergie (dépense fiscale estimée à 67 millions d’euros par an), une mesure « efficace et incitative pour le développement des énergies renouvelables »(4).
La Cour des compte mentionne toutefois d’autres formes possibles de soutien : il pourrait entre autres « être envisagé de modifier, sous certaines conditions, les règles actuelles de partage de l’amortissement des coûts de raccordement à un réseau de chaleur entre bailleurs et locataires, en contrepartie des économies d’énergie obtenues par cet investissement ». La Cour évoque également « la possibilité de conditionner (dans le code de l’urbanisme) l’autorisation de construire à la réalisation et au financement par l’aménageur des travaux nécessaires à la viabilité des réseaux de chaleur et de froid, au même titre que les autres réseaux, notamment de gaz naturel ».