- Source : Ademe
Dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes », le niveau de la contribution climat énergie (CCE) en France, dite « taxe carbone », a été gelé fin 2018 à 44,6 €/t CO2 alors qu’il était censé augmenté à 55 €/t CO2 en 2019 (puis poursuivre sa hausse jusqu’à 100 €/ t CO2 en 2030). Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), ce n’est « pas la taxe carbone en soi qui pose problème »(1) mais l’absence de mécanisme de redistribution(2) qui a provoqué son rejet.
Dans l’avis ci-après, l’Ademe propose la mise en place d’une « contribution climat-solidarité » qui consisterait en une taxe carbone « intégralement redistribuée aux ménages en fonction de leur situation (niveau de vie et localisation géographique), aux entreprises ainsi qu’aux collectivités territoriales ». L’Ademe y souligne le fait que la réduction des émissions de gaz à effet de serre serait bien plus coûteuse en ayant recours à d’autres mécanismes que la taxe carbone.
En 2018, les recettes de la taxe carbone française auraient avoisiné 9 milliards d’euros, dont 5,2 milliards d’euros payés par les particuliers. En moyenne, un ménage français a consacré 0,38% de son revenu disponible brut au paiement de cette taxe l’an dernier selon l'Ademe (dont 60% dans le cadre de ses dépenses de carburants et 40% dans celles de chauffage) mais des disparités fortes existent d’un foyer à un autre : la taxe carbone aurait notamment compté pour 1% du revenu chez les 10% des ménages les plus modestes (autour de 110 € par an)(3) et « un couple vivant avec enfant en milieu rural, chauffé au fioul et roulant au gazole paierait par exemple deux fois plus de taxe carbone que la moyenne ».
Soulignant le fait que « moins d’un quart des recettes de la taxe carbone a été consacré au financement de la transition et/ou à la compensation pour les ménages », l’Ademe juge « crucial » de privilégier, à court terme, le renforcement des dispositifs de redistribution directe (crédits d’impôt, baisse de la CSG, etc.) ayant un impact immédiat sur le pouvoir d’achat des ménages modestes.
L’Agence souligne par ailleurs que la taxe carbone ne peut être « accusée de pénaliser la compétitivité de l’économie nationale », sachant que les entreprises exposées à la concurrence internationale et à un risque élevé de délocalisation en sont exonérées (comme de nombreux sites industriels à fortes émissions de gaz à effet de serre qui sont déjà soumis par ailleurs au marché européen de quotas de CO2).
Notons que l’Ademe envisage également une modulation de l’augmentation de la taxe carbone, intervenant non pas en cas de hausse des cours pétroliers (comme la « TIPP flottante » expérimentée entre 2000 et 2002) mais « dans le cas où les émissions de gaz à effet de serre diminueraient au-delà des cibles prévues »(4) (un dispositif similaire à celui en vigueur en Suisse selon l'Ademe).
Pour atteindre les objectifs français de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’Ademe estime qu’une taxe carbone de 70 €/t CO2 serait nécessaire dès 2020 et de 200 €/t CO2 à l’horizon 2030, « tout en déployant d’autres mesures en faveur du climat » par ailleurs. (©Connaissance des Énergies, d’après Ademe)
Sources / Notes
- Sa hausse en 2018 a renchéri de seulement 3 centimes d’euro le litre d’essence selon l’Agence.
- Pour protéger les ménages les plus modestes à court terme et encourager les investissements bas carbone à long terme.
- Contre 0,2% pour les 10% des ménages les plus riches (203 € par an en moyenne).
- Selon l’Ademe, l’atteinte de ces cibles se produit généralement « lorsque la hausse des cours mondiaux est plus importante qu’attendue ».